La revue littéraire Livr’arbitres consacre son 49ème numéro à H.P Lovecraft.
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H.P. Lovecraft : l’écrivain qui révéla les horreurs de l’univers
Le 15 mars 1937, Howard Phillips Lovecraft rendait son dernier souffle dans l’indifférence quasi générale. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des maîtres incontestés de la littérature fantastique du XXe siècle. Ce « reclus de Providence » a pourtant révolutionné la manière de penser la peur, en proposant une vision du monde profondément opposée à l’optimisme des Lumières ou au spiritualisme chrétien. À l’heure où l’ésotérisme de pacotille et la peur psychologique dominent la fiction d’horreur, Lovecraft reste plus que jamais d’actualité.
Un univers sans Dieu ni espoir
Le cœur de l’œuvre lovecraftienne, c’est l’horreur cosmique : l’idée que l’homme n’est qu’un fétu de paille dans un cosmos froid, indifférent, régi par des forces qui le dépassent et qui, lorsqu’elles se manifestent, brisent la raison des plus brillants esprits. Le savoir est un poison, et ceux qui cherchent à percer les secrets interdits du monde, qu’ils soient chercheurs, professeurs ou curieux trop zélés, finissent souvent fous… ou morts.
Parmi les entités qu’il imagine, le nom de Cthulhu s’est imposé comme un symbole de ce panthéon noir, bien que Lovecraft lui-même n’ait jamais parlé de « mythe de Cthulhu ». C’est son ami et successeur August Derleth qui donnera cette appellation à un ensemble de récits reliés par un même univers cauchemardesque, peuplé de dieux extraterrestres et de grimoires interdits.
Une vie marquée par la solitude et le déclin
Lovecraft naît en 1890 à Providence, dans le Rhode Island, au sein d’une famille aisée mais bientôt frappée par le malheur. Son père est interné alors qu’il n’a que trois ans, sa mère sombre dans la dépression, et le jeune Howard grandit dans une atmosphère étouffante, bercé par les récits gothiques de son grand-père. Enfant précoce, passionné de poésie et d’astronomie, il rêve de devenir scientifique, mais un échec scolaire l’éloigne de la voie académique.
Durant sa vie, Lovecraft vivra reclus, pauvre et malade, publiant ses nouvelles dans les revues pulp sans jamais rencontrer le succès. Son seul mariage, avec Sonia Greene, une commerçante juive originaire d’Ukraine, échoue rapidement. Installé un temps à New York, il en revient écœuré, fuyant une ville qu’il juge cosmopolite à outrance. C’est dans sa Nouvelle-Angleterre natale qu’il produit ses chefs-d’œuvre : L’Appel de Cthulhu, Les Montagnes hallucinées, Le Cauchemar d’Innsmouth…
Un ethno-différencialisme assumé
Lovecraft n’a jamais caché ses opinions : monarchiste nostalgique, anti-démocrate, farouchement anglo-saxon, il exprime dans ses lettres comme dans certaines de ses œuvres un conscience raciale explicite. Les immigrants, les métissages, les classes populaires sont souvent décrits comme des menaces dégénérescentes pour la civilisation.
Cette vision, choquante pour certains lecteurs modernes, fait partie intégrante de sa cosmogonie. L’horreur lovecraftienne naît souvent d’une souillure héréditaire, d’un sang impur ou d’une lignée déchue. Le thème du destin inéluctable traverse tout son univers : l’homme n’est pas libre, il est condamné.
Mort sans gloire à 46 ans, Lovecraft a vu son œuvre ressuscitée grâce à ses amis écrivains, notamment Derleth, Clark Ashton Smith et Robert E. Howard. Le « Lovecraft Circle » a contribué à diffuser son univers, et sa renommée posthume n’a cessé de croître. Aujourd’hui, ses récits sont étudiés dans les universités, adaptés en jeux de rôle, en films, en bandes dessinées, en séries, en jeux vidéo. Stephen King le considère comme « le plus grand artisan du récit d’horreur du XXe siècle ».
Le mythe, l’héritage, la légende
On lit Lovecraft pour ses créatures indicibles, ses villes maudites (Arkham, Innsmouth, Dunwich), son fameux Necronomicon – grimoire fictif devenu un phénomène culturel – mais aussi pour sa prose hypnotique, son goût de l’étrange et son inquiétude métaphysique. En affirmant que l’univers est indifférent à l’homme, Lovecraft renverse des siècles de pensée occidentale. Il nous dit : il n’y a ni dieu, ni salut, ni espoir. Il n’y a que l’abîme.
Et c’est précisément de cet abîme qu’il a tiré une œuvre d’une noirceur sidérante, fascinante, unique.
Crédit photo : DR
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Une réponse à “La revue littéraire Livr’arbitres consacre son 49ème numéro à H.P Lovecraft”
Je ne connais pas Lovecraft et ses oeuvres. Mais il me vient une question qui n’est point évoqué dans votre reportage : « Lovecraft était-il croyant ? Si oui, était-il chrétien ? »
Car s’il est chrétien, on peut supposer qu’il a voulu dénoncer quelque chose comme le matérialisme athée qui naquit il y a quelques siècles.
Par contre si lui-même est athée ou agnostique, son œuvre est bonne à mettre à la poubelle à fins d’oubli.