Bien évidemment par champagne, il faut entendre « méthode traditionnelle » ou « méthode champenoise, » car la dénomination est farouchement protégée par le CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne). Mais si la marque champagne fait l’objet d’un monopole de propriété, la méthode de son élaboration a fait florès partout à travers le monde.
À telle enseigne que l’apanage champenois se trouve désormais battu en brèche par des pays inattendus sur le marché du vin effervescent.
Au premier chef les Britanniques, ces inconditionnels du champagne, taillent à présent des croupières aux grandes maisons champenoises sur leur marché domestique.
Les grandes maisons du Kent et du Sussex de la perfide Albion (Nyetimber, Gusbourne,Wiston Estate, Chapel Down ) tiennent la dragée haute à leurs concurrents français, en déployant toute une armada de grandes méthodes traditionnelles millésimées.
Parler du monopole champenois sur la méthode d’élaboration éponyme, serait aussi faire peu de cas aux ascension fulgurantes du Franciacorta en Italie, de la méthode Cap Classique (MCC), des fabuleux Corpinnat (cava du Penedes) de Catalogne, ou bien des fleurons de Californie ( Iron Horse et Schramsberg).
D’ailleurs, l’ironie veut que ce soient ces mêmes maisons champenoises qui se trouvent à la manœuvre dans ce vaste mouvement d’expansion de la méthode traditionnelle à travers le monde.
L’exemple le plus emblématique s’incarne dans la fondation de Moët et Chandon de Green Point au cœur de la Yarra Valley, devenue une marque phare et un haut lieu de l’œnotourisme en Australie.
Dans les antipodes, le vieux syndrome de la « patte de velours » qui marquait la déférence et le sentiment d’infériorité des vins « aussies », à l’égard des vins français et italiens semble désormais bien révolu.
Une enquête parue dans la revue Decanter de mars 2025, donne un éclairage assez édifiant sur le niveau d’excellence atteint par l’élite de la production tasmanienne.
Forte d’un aréopage de quelques wineries de très haut niveau, l’île aux 500 00 habitants se trouve en capacité de rebattre les cartes de l’hégémonie d’image, détenue par la marque champenoise sur le marché mondial du vin pétillant.
Des conditions propices à la production de vins pétillant
Parmi les critères indispensables à la réussite de grands pétillants, figure en première ligne la présence d’un climat plutôt frais et humide, initiateur de raisin à l’acidité marquée. Or l’acidité se révèle être une composante clef, pour la réussite de grands pétillants, cela suppose de forts contrastes des températures diurnes, assurées en l’espèce, par les nombreuses entrées d’air maritimes, qui traversent le territoire de l’île.
Dans ce registre, la Tasmanie donne le change à la Champagne par sa situation comprise entre 40° et 43° de latitude, lui prodiguant des étés relativement modérés, assortis d’une saison estivale prolongée.
L’île située au sud-est de l’Australie a aussi pour atout de partager les cépages champenois (pinot noir et chardonnay) et dédie 40% de sa production à la méthode traditionnelle !
Des racines françaises…
Disons-le d’emblée, la viticulture tasmanienne s’enracine dans une histoire encore très récente, liée d’ailleurs à une immigration française, dont l’héritage se retrouvait il y a peu de temps, dans la toponymie avec des domaines comme celui de « La Provence » (aujourd’hui nommé la Providence), fondés en 1956 par Jean et Cécile Miguet.
De nos jours, le nord-est de l’île concentre la majeure des vignes, notamment dans la région de Pipers River qui s’est érigée sur près 30 ans, comme l’épicentre de la production tasmanienne. La sous-région qui n’a pas de statut officiel, doit beaucoup aux pionniers de l’industrie du pétillant et en premier lieu au Docteur Andrew Pirie (Les médecins sont, par tradition, dans cette région du monde de grands fondateurs de vignobles), père du prestigieux Pipers Brook Vineyard.
Dans son sillage, de grands noms de la viticulture tasmaniennes vont venir conforter la réputation de ce cluster du « champagne tasmanien », dont principalement Apogée et Bellebonne, véritables symboles de la haute couture du pétillant de Tasmanie.
Des notes de dégustation vertigineuses…
L’enquête de la correspondante pour l’Australie, Cassandra Charlick révèle ainsi des notes étourdissantes, qui rendent compte du bond en avant, accompli en moins de 40 ans par cette industrie naissante du pétillant.
Au point de constater le déclassement, certes relatif, de House of Arras, tenue jusqu’à présent pour être le Dom Pérignon de Tasmanie, avec surprise, ses grandes cuvées se trouvent reléguées en milieu de classement, malgré des notes d’un très haut niveau de 95/100 pour les cuvées Grand Vintage 2016 et Vintage of Rose 2016.
Ce sont d’ailleurs les grandes cuvées millésimées qui tirent leur épingle du jeu et trustent les meilleures notes, aidées par leurs élevages sur lattes prolongé de 7 ans, voire beaucoup plus.
Les dégorgements tardifs avec des séjours de plus de 10 ans sur lattes, ne sont plus l’exception, ils signent dorénavant les cuvées porte-drapeau des grandes maisons de Tasmanie.
À l’image de ce Late disgorged de la maison Pirie de 2011 ou le blanc de blanc de Delamere dans la Pipers River de 2013, notés respectivement 97/100 et 96/100.
Enfin, Bellebonne Blanc de Blancs, (97/100) et Apogée cuvée De Luxe (96/100), sises toutes les deux dans la Pipers River, se voient consacrées aussi dans l’empyrée du grand pétillant de Tasmanie.
Le trait commun à toutes ces grandes cuvées, élevées au pinacle de la hiérarchie mondiale, semble se trouver dans un nez particulièrement aguicheur. Les commentaires appuient en effet sur l’aromatique particulièrement complexe, délivrés par ses grands pétillants de Tasmanie. Il ressort des commentaires une exubérance et une richesse capiteuse commune à tout le panel des vins dégustés. Les tonalités de lemon curd et d’impressionnants parfums exotiques reviennent souvent dans les descriptions laudatives .Enfin, si l’extrême expressivité du pétillant de Tasmanie le distingue de son concurrent champenois , ce caractère exubérant se canalise dans une veine minérale et iodée qui ne gâche rien à son élégance.
En somme, l’avenir du champagne aurait plus à craindre de ses concurrents des antipodes que des foucades douanières de l’administration Trump…
Raphno
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Une réponse à “Et si les meilleurs « champagnes » étaient en Tasmanie ?”
Le Champagne n’est après tout qu’un Vin petillant d’une région bien précise, supervisée par des quotas de recolte strictes, tout autant précis.
Ceci dit, pour avoir passé près de quarante ans à commercialiser le Champagne (Groupe Mumm/Perrier-jouet/Monopole) à l’Export autour du monde, je pense pouvoir dire que rien ne peut, ni pourra, remplacer le Champagne.
D’une part, le Champagne provient d’une région délimitée, très précise, et de ce fait, aucune grappe d’un « ailleurs incertain » n’est vinifiée en Champagne. En outre, la production de grappes champenoises est tout aussi assujettie à des quotas de recolte toujours tout autant precis, sinon sévères.
En revanche, les Vins mousseux sont issus de regions diverses, parfois même pas délimitées et la plupart du temps incertaines. De ce fait, bien des raisins, de ces régions diverses, viennent etayer la fabrication de Vins mousseux qui, je le répète, ne sont pas du tout assujetis aux memes lois précises et ponctuelles de production, telles que le sont appliquées en Champagne.
De ce fait, schématiquement on pourra toujours comparer un Champagne et un Vin Mousseux, mais il faut savoir raison garder : On n’est pas forcément dans le même monde.
Quant à parler qualitativement des Vins Mousseux, et je reconnais que certains sont excellents, en ce qui me concerne, je citerai pour mémoire que le « haut du pavé mousseux » se situe en Italie. Bien entendu, on pourra toujours leur opposer les Vins Mousseux du Nord de l’Espagne, ou de France. Mais à mon sens, l’Italie et ses productions de Vins Mousseux ont, ensemble, le vent en poupe, pour deux raisons majeures : Qualitativement par rapport aux autres Vins Mousseux dans le monde, et en termes de présentation : Leur emballage est plus qu’excellent !