Bertrand Cantat : faut-il hurler avec les loups ? [L’Agora]

La mini-série De rockstar à tueur : le cas Cantat, disponible depuis fin mars sur Netflix a fait resurgir le mauvais souvenir de l’assassinat de Marie Trintignant et ravivé les tensions entre ses fans et ses détracteurs. De quelques côtés que l’on se place, le documentaire a le don de mettre mal à l’aise. Et alors que les internautes se déchirent sur la toile, plusieurs considérations sont rarement établies.

Bertrand Cantat, chef de file du mythique groupe de rock Noir Désir, avait été condamné à huit ans de prison pour avoir porté en 2003, des coups mortels à sa compagne, Marie Trintignant. Après avoir purgé la moitié de sa peine, il sortait de prison et huit ans plus tard, il remontait sur scène : un retour sous les projecteurs jugé odieux par la majorité, car le sentiment qu’il n’a pas payé sa dette à la société demeure.

Trois ans et demi de prison pour avoir ôté la vie d’une personne – qu’elle soit homme ou femme, et à moins qu’il ne s’agisse de légitime défense ou du meurtre d’un abominable criminel – ce n’est pas être quitte avec la société, mais jouir d’un système judiciaire laxiste. Et lire dans les pages des Inrockuptibles : « L’homme a donc été condamné, sans traitement de faveur, sans passe-droits. Il a purgé sa peine jusqu’à son terme et c’est donc en homme libre qu’il est sorti de la maison d’arrêt de Muret », c’est du foutage de gueule. Car c’est bien la décision de justice initiale qui est moralement inacceptable : huit ans, réduits à trois ans et demi d’incarcération pour dix-neuf coups d’une extrême violence portés sur une femme, dont un nez cassé et les nerfs optiques arrachés, c’est intolérable.

Ainsi, quand Netflix, toujours à la pointe du wokisme, entend démontrer que l’assassinat et son traitement médiatique sont le fruit d’une culture patriarcale complaisante avec un homme coupable de crime passionnel, ce qu’il fallait remarquer, c’est plutôt la permissivité d’un système judiciaire qui semble souvent plus excuser les criminels que défendre les victimes. Ce qu’il fallait dénoncer, c’est le travail abject du juge d’application des peines – lire juge de non-application des peines – qui a estimé que trois ans et demi de bonne conduite en prison, ça valait bien une libération anticipée. Et les fils de Marie Trintignant n’ont qu’à aller se faire voir, tout comme le concept de réparation…

Ce qu’il fallait mettre en lumière, c’est que si la presse et le monde de l’audiovisuel ont été à ce point indulgents avec Bertrand Cantat (une indulgence flagrante dans le documentaire), c’est avant tout parce que Monsieur appartient au camp du bien. Les progressistes, les antifas, les gauchistes, peuvent abandonner leurs enfants, matraquer ou tuer, ils le font pour de bonnes raisons, non ? Marie Trintignant était hystérique, il paraît. Le pauvre, il s’est laissé emporter par son amour, passionnel et incontrôlable, c’est ça aussi les artistes, non ? Un brave type qui a eu le courage de quitter sa femme enceinte pour vivre le grand amour, plutôt que de la tromper. Après tout, il faut suivre ses rêves, non ? Bref, quand il s’agit de dédouaner un de leur petit rejeton, on ne peut qu’admirer la solidarité dont font montre les tenants de la « culture » française.

Et d’absoudre « un homme traqué, tronqué, à qui on interdit d’exercer le seul métier qu’il connaisse« . On nous arracherait presque une larme. Comme si l’homme en question ne pouvait pas se sortir les doigts du cul et apprendre un autre métier, ou faire le sien loin du devant de la scène*. Juste histoire d’éviter une ultérieure souffrance aux proches de la femme qu’il a tuée (à défaut de vouloir faire montre d’honorabilité). 

Quant à lui foutre la paix, comme en appellent ses fans… si Bertrand Cantat n’avait pas sciemment choisi d’exposer son visage au monde, ce dernier l’aurait volontiers oublié. Et il pourrait continuer à jouir du son incomparable de Noir Désir, sans penser à l’indécence et au manque d’humanité de son chanteur…

Audrey D’Aguanno

*il est aussi compositeur.

Illustrations  : Flickr
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5 réponses à “Bertrand Cantat : faut-il hurler avec les loups ? [L’Agora]”

  1. eno dit :

    Contrairement à ce que dit le documentaire, l’opinion et les médias étaient partagés à l’époque. Les avocats et les proches ont habilement joué pour cacher les traits les plus problématiques de la personnalité de Cantat, par ailleurs reconnu comme un artiste aux engagements humanistes.
    Ce qui a joué en faveur de ce dernier, c’est aussi son côté populaire, alors que Marie Trintignant et sa famille représentaient la culture bourgeoise ennuyeuse.

  2. Luc Secret dit :

    Loin de moi l’idée de défendre ce criminel, mais il ne s’agit pas d’un « assassinat » mais d’un meurtre (sans préméditation). Le crime était suffisamment odieux sans en remettre une couche…

  3. Marche à terre dit :

    Il habite tjs à Bordeaux. Qui veut venir avec moi??? Et on va sen occuper de tu tes vu cantatbu

  4. patphil dit :

    cantat ose la ramener! quelle honte

  5. Hadrien Lemur dit :

    C’est un odieux assassin qui n’a rien à faire dehors. Mais quand on est le frère du compagnon de l’ancienne ministre Cécile Duflot, ça ouvre des portes.

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