Alors que l’usage des antidépresseurs est devenu quasi systématique dans la prise en charge des patients atteints de démence, une étude suédoise publiée dans la revue BMC Medicine en février 2025 vient jeter un pavé dans la mare. D’après les chercheurs du Karolinska Institutet, ces traitements pourraient accélérer le déclin cognitif des malades, en particulier chez ceux recevant des doses élevées ou souffrant de formes sévères de la maladie.
Un lien préoccupant entre antidépresseurs et dégradation mentale
L’étude a suivi près de 19 000 patients pendant onze ans. Résultat : les patients traités par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), la classe d’antidépresseurs la plus prescrite, ont connu une détérioration plus rapide de leurs capacités cognitives, mesurée via le test MMSE (Mini-Mental State Examination), outil de référence dans l’évaluation des troubles cognitifs.
Escitalopram (Lexapro), sertraline (Zoloft) et citalopram (Celexa) sont les molécules les plus pointées du doigt. Mirtazapine (Remeron), un antidépresseur d’une autre classe, semble avoir des effets moins marqués, mais le phénomène demeure.
Ce constat vaut aussi bien pour les malades atteints d’Alzheimer que de démence vasculaire, et même pour ceux n’ayant pas d’antécédents de dépression. De quoi s’interroger sérieusement sur la pertinence de ces prescriptions généralisées.
Des effets « modestes », mais significatifs
Les auteurs tempèrent néanmoins : la perte cognitive annuelle liée à la prise d’ISRS varie entre 0,25 et 0,76 point sur l’échelle MMSE – des chiffres jugés « non significatifs » d’un point de vue clinique à court terme. Mais dans la durée, et combinée à d’autres facteurs, cette tendance pourrait affecter gravement l’autonomie des patients.
L’utilisation d’antidépresseurs est aujourd’hui très répandue dans les unités gériatriques pour traiter l’anxiété, la dépression, l’agressivité ou les troubles du sommeil liés à la démence. Or, selon les chercheurs suédois, les preuves scientifiques de leur efficacité dans ce contexte restent limitées.
Pire encore, la dépression liée à la démence pourrait être d’une nature différente de celle rencontrée chez les personnes âgées en bonne santé cognitive. Un traitement médicamenteux classique pourrait alors s’avérer non seulement inefficace, mais délétère.
Une situation d’autant plus grave que l’approche non-médicamenteuse est négligée
Face à ces conclusions, les auteurs appellent à privilégier des approches alternatives, pourtant trop peu mises en œuvre faute de moyens : accompagnement psychologique, activités sociales, marche, jardinage, créativité, routines positives. Tout un panel d’actions qui demandent présence humaine, temps et bienveillance — autant de choses que le système hospitalier, en pleine déliquescence, peine à garantir.
Ce n’est pas la première fois que les traitements censés soulager aggravent en réalité l’état des patients. Le tout-médicament, souvent prescrit en cascade par manque de temps, d’écoute et de prise en charge globale, montre ici une nouvelle fois ses limites.
Dans une société où la démence progresse, où les Ehpad sont saturés et les personnels à bout de souffle, cette étude vient poser une question dérangeante : n’est-on pas en train d’abandonner une population vulnérable à des solutions de facilité, parfois au détriment de leur santé ? En attendant de nouvelles études, une chose est sûre : prudence et discernement doivent redevenir la règle, non l’exception, dans la prescription aux personnes âgées. Car si la dépression doit être traitée, encore faut-il que le remède ne soit pas pire que le mal.
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Une réponse à “Une étude suédoise alerte sur les effets des antidépresseurs chez les patients atteints de démence”
Bonjour,
Exactement ce que je constate dans l’ephad. Et même, certaines médications qui abrutissent les résidents jusqu’à les faire mourir.
Quand on nous parle de bien encadrer la loi sur l’euthanasie qu passe en ce jour… S’ils arrivaient déjà à contrôler les ephad.
Cdt.
M.D