Une étude publiée dans The Journal of Sex Research met en lumière une transformation spectaculaire des comportements sexuels en Occident : en trente ans, le nombre de personnes se déclarant bisexuelles a triplé. En 1989, seulement 3,1 % des répondants à une vaste enquête américaine se disaient attirés par les deux sexes. En 2021, ils étaient 9,6 %. Un bond qui ne s’explique pas par des changements biologiques, mais bien par l’évolution des normes culturelles.
Une nouvelle norme générationnelle ?
Cette flambée de la bisexualité est d’abord générationnelle. Parmi les 18-29 ans, environ 6 % se disent bisexuels. En revanche, au-delà de 40 ans, ils ne sont plus que 2 %. La fameuse génération Z (née après 1997) est ainsi la moins « hétérosexuelle » de l’histoire contemporaine. Une tendance confirmée par une enquête de la société Gallup, qui estime à 13,1 % la proportion de jeunes Américains se revendiquant bisexuels.
En Europe, l’Espagne suit une trajectoire semblable. Le Centre de recherches sociologiques (CIS) y chiffrait en 2021 à 2,3 % la proportion de bisexuels ; deux ans plus tard, en mars 2023, ce taux atteignait déjà 3,7 %. Chez les 18-24 ans, la part grimpe à 16 %, contre à peine 2,4 % chez les plus de 35 ans.
Bisexualité, mais surtout féminine
Le phénomène est majoritairement féminin. Les femmes sont trois fois plus nombreuses que les hommes à se dire bisexuelles. Une étude de 2016 avait montré que nombre de femmes se disant hétérosexuelles ressentaient néanmoins une excitation physiologique en visionnant des scènes sexuelles lesbiennes. De quoi confirmer la fluidité sexuelle plus marquée chez elles, un fait que de nombreuses études tendent à appuyer.
Selon les auteurs de l’étude, l’essor de la bisexualité est le fruit d’un climat culturel de plus en plus permissif. À mesure que les effets de la propagande (par la télévision, le cinéma, les institutions) s’accentuent, les individus croient se sentir plus libres en explorant d’autres orientations, voire de s’en réclamer comme d’un élément identitaire. Pourtant, les fondements biologiques de l’homosexualité et de la bisexualité restent très ténus : la revue Science évoquait en 2019 cinq variantes génétiques faibles qui, ensemble, n’expliqueraient même pas 1 % des comportements homosexuels.
Une liberté affichée… mais un mal-être latent
Mais cette fluidité sexuelle apparente ne rime pas toujours avec équilibre personnel. Selon une méta-analyse regroupant 52 études scientifiques, les personnes bisexuelles sont celles qui souffrent le plus de troubles psychiques, devant les homosexuels et très largement devant les hétérosexuels. Anxiété, dépression, troubles identitaires : les souffrances sont nombreuses. Et paradoxalement, une grande part de la stigmatisation ne vient pas du monde extérieur, mais des communautés homosexuelles elles-mêmes, qui voient parfois d’un mauvais œil ce flou identitaire.
Un autre facteur de mal-être identifié par les chercheurs est ce qu’ils appellent l’« invalidation de l’identité » : le sentiment d’être ignoré, incompris, ou considéré comme instable, voire illégitime. Ce phénomène pousse de nombreuses personnes bisexuelles à ne pas révéler leur orientation à leur entourage, alimentant ainsi leur isolement.
Cette montée fulgurante de la bisexualité, chez les jeunes en particulier, est révélatrice d’une société occidentale en pleine interrogation/décomposition/destruction. Cette revendication croissante d’une sexualité non traditionnelle s’accompagne d’une fragilité psychologique préoccupante. Un paradoxe qui interroge sur les véritables ressorts de cette transformation : est-elle synonyme d’émancipation… ou le symptôme d’un profond désarroi existentiel dans un monde (occidental) désorienté ?
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