Et si nos troubles physiques et psychiques n’étaient pas que le fruit de notre mode de vie, mais les échos d’un passé familial enfoui ? C’est l’hypothèse passionnante que développe la psychogénéalogiste Élisabeth Horowitz dans son nouvel ouvrage Mon corps généalogique. Forte de vingt-cinq ans de recherches et d’accompagnement thérapeutique, elle y explore les liens parfois stupéfiants entre notre santé actuelle et les traumatismes non digérés de nos lignées.
Insomnie, anxiété, maladies chroniques, douleurs inexpliquées… Ces maux, selon Horowitz, peuvent émerger à des âges-clés ou à des dates symboliques, comme si notre corps portait silencieusement les cicatrices émotionnelles de nos ancêtres. Une révolution douce mais profonde de notre vision de l’hérédité, entre mémoire cellulaire, épigénétique et fidélités inconscientes.
À rebours des dogmes matérialistes et du réductionnisme médical, Mon corps généalogique invite à une réconciliation intérieure, en donnant une voix aux absents, aux oubliés, aux secrets de famille. Un travail de réparation transgénérationnelle, mais aussi un acte d’amour envers soi et les générations à venir.
À l’occasion de cette parution, nous avons interrogé Élisabeth Horowitz sur son parcours, sa méthode, les résistances rencontrées et les promesses de cette approche singulière. Un échange dense et éclairant pour tous ceux qui s’interrogent sur le poids de leur lignée… et les chemins possibles pour s’en libérer.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Elisabeth Horowitz : Je suis Psychogénéalogiste. Je suis également l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages depuis l’an 2000, principalement sur le sujet de l’influence transgénérationnelle et des secrets de famille.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a conduit, personnellement et professionnellement, à explorer cette voie de la « mémoire corporelle généalogique » ? Y a-t-il eu un déclencheur particulier ?
Elisabeth Horowitz : Par hasard ! La lecture d’un article lors de mes études universitaires a déclenché mon intérêt pour ce sujet. C’était à Bordeaux, au début des années 80. Et là j’ai pensé : « Quel sujet intéressant ! C’est ça que je souhaite faire ! » Mais à l’époque cette thématique était anecdotique.
Breizh-info.com : Vous parlez de 25 années de recherche sur le sujet. Quelles ont été les principales résistances – scientifiques, psychologiques ou culturelles – que vous avez rencontrées dans ce parcours ?
Elisabeth Horowitz : Je n’en ai pas vraiment rencontré. Le fait d’être influencé (même inconsciemment) par l’histoire de nos parents et aïeux suscite davantage de curiosité que de résistance. Même à l’époque où j’ai débuté mes consultations (années 90), tout s’est fait naturellement. Dès les premières séances, je dessinais l’arbre généalogique de mes consultants avec les dates de naissance, de mariage, les professions, les lieux de vie, les événements marquants, etc. On entrait tout de suite dans le vif du sujet ! Pour moi, ce qui compte, ce ne sont pas les théories, mais la longue expérience du terrain.
Du côté scientifique, cela demandé davantage de temps. A l’heure actuelle, c’est fait. Il est désormais admis que le passé familial est influent. Et cette influence est démontrée, notamment via les études sur le traumatisme hérité.
Breizh-info.com : Vous expliquez que des troubles comme l’insomnie, l’anxiété ou des pathologies somatiques peuvent être liés à des traumatismes non vécus directement par le patient, mais par ses ancêtres. Comment se fait une telle transmission, concrètement ? Par le langage, l’attitude, l’ADN ?
Elisabeth Horowitz : La plupart des troubles de santé, qu’ils soient organiques et/ou psychiques relèvent d’une imitation ou d’un mécanisme d’identification à des membres de la parenté, ayant été malades avant soi. D’ailleurs, à l’époque, Sigmund Freud demandait à ses patients : « Quel est votre symptôme ? Et qui cherchez-vous à imiter ? » Il avait conscience que nombre de symptômes sont des répétitions.
Breizh-info.com : Peut-on parler d’une « mémoire cellulaire familiale » ? Et cela remet-il en cause la distinction traditionnelle entre génétique et environnement ?
Elisabeth Horowitz : Oui, on peut en parler, dans la mesure où nos cellules peuvent encore réagir à des événements traumatiques antérieurs non guéris (liens brisés, abus sexuels, pertes, expatriation, etc.). Car pour notre psyché (et notre corps), le temps linéaire n’existe pas. Tout se passe dans un éternel présent. Actuellement, l’épigénétique démontre enfin que notre ADN est modifiable, car influencé par notre vécu. Une véritable révolution !
Breizh-info.com : Certaines pathologies ou symptômes peuvent, selon vous, apparaître à des âges-clés ou dates symboliques. Pouvez-vous nous donner un exemple concret frappant, issu de votre pratique ?
Elisabeth Horowitz : L’âge est le principal activateur du passé familial. J’ai l’exemple de ce monsieur à qui on diagnostique un cancer de l’estomac alors qu’il atteint l’âge de sa propre mère au moment de son décès. Lorsqu’un symptôme apparaît, qu’il soit respiratoire, digestif, cardiaque, dermatologique, la première question à se poser est la suivante : « A mon âge actuel, que s’est-il passé auparavant pour les membres de ma famille ? Qui est devenu malade à cet âge, dans quelles circonstances et pourquoi ?» ou encore : « Quel âge à mon enfant actuellement ? Cet âge a-t-il été douloureux pour moi ? Me renvoie-t-il à mon histoire intime ? (Effet miroir).
Breizh-info.com : Vous dites que certaines personnes portent, dans leur corps, « symboliquement » un membre de leur lignée. Que cela signifie-t-il exactement ? Est-ce que cela peut aller jusqu’à modifier notre posture, notre manière de respirer ou de dormir ?
Elisabeth Horowitz : La manière de bouger, de se vêtir, de manger, etc. L’imitation est un phénomène habituel. Nous « imitons » les modèles parentaux puisque nous avons vécu des années auprès de nos ascendants. C’est bien normal. Certes, il est préférable d’en avoir conscience. Mais l’identification, elle, est plus profonde. Elle nous fait leur ressembler véritablement, pour nous en rapprocher émotionnellement, voire pour les sauver (par exemple en reprenant à notre compte une pathologie afin « d’alléger » ou guérir leurs corps, même longtemps après).
Breizh-info.com : Est-ce toujours un lien de souffrance ou cela peut-il aussi être un lien de fidélité, voire d’amour inconscient envers un ancêtre oublié ?
Elisabeth Horowitz : Oui, en général il s’agit de s’y rattacher davantage, par loyauté bien sûr, et notamment lorsque les liens affectifs étaient fragiles et insuffisants (parents et grands-parents peu aimants, indifférents, voire maltraitants et/ou décédés prématurément).
Breizh-info.com : Comment commence-t-on une exploration de son corps généalogique ? Faut-il nécessairement avoir un arbre complet ? Que fait-on quand des pans entiers de notre histoire familiale sont inconnus ou flous ?
Elisabeth Horowitz : Il n’est pas nécessaire de monter un arbre complet. Vous pouvez aisément tracer un arbre simplifié, avec vos frères et sœurs, vos parents, oncles et tantes et grands-parents. Notez les événements décisifs de leur vie, leurs éventuels troubles corporels (surpoids, addictions au tabac, à l’alcool, aux médicaments, etc.), leurs symptômes physiques et psychiques (dépression, insomnies, anxiété), etc.
Breizh-info.com : Avez-vous vu des cas de guérison (psychique ou physique) après ce travail de mise en lumière de l’histoire familiale ? Est-ce une libération immédiate ou progressive ?
Elisabeth Horowitz : Bien sûr. Pour guérir, il faut d’abord comprendre les raisons pour lesquelles ont est devenu malade. Et le premier geste à mon sens est de se tourner vers l’histoire familiale, car tout commence ici. J’ai eu beaucoup de cas de guérison après des séances d’analyse transgénérationnelle et l’exploration approfondie de l’histoire de chacun des ascendants.
Breizh-info.com : Pensez-vous que cette approche pourrait être intégrée dans le monde médical ou thérapeutique de manière plus systématique ?
Elisabeth Horowitz : Oui, je le pense et je le souhaite. Je reste persuadée que la recherche des informations généalogiques est à la base des possibilités de guérison.
Breizh-info.com : Votre livre parle de réparation mais aussi de transmission : selon vous, peut-on empêcher de transmettre certains fardeaux à nos propres enfants ? Et comment ?
Elisabeth Horowitz : En parlant de notre vécu et de nos expériences (même douloureuses) que ce soit au niveau intime, sentimental ou encore professionnel, et corporel bien sûr. Raconter à nos enfants ce qui a pu nous faire souffrir permet de les libérer d’une possible répétition. C’est aussi simple que cela.
Propos recueillis par YV
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6 réponses à “Elisabeth Horowitz : « La plupart des troubles de santé relèvent d’une imitation ou d’un mécanisme d’identification à des membres de la parenté » [Interview]”
Très intéressant nmais personnellement, je connais cette théorie depuis plus de 40 ans sous le nom de « Mémoires ancestrales « . Joëlle Duchemin avait publié un livre où elle expliquait tous ces mécanismes et surtout avec sa pratique quotidienne comment apporter des solutions. A l’époque, on ne prenait pas trop au sérieux ces théories venant de » Non Médecins « !
Demat an holl, oui j’y adhère à ce que vous exposez car il faut en parler de ce qu’on a souffert et subit dans notre enfance à nos descendants en leur évitant la même chose : violences en tout genre ( alcoolisme des parents, moqueries de la peur des poules, des guêpes, des rats…etc), l’aîné responsable de toute faute faite par son frère cadet et j’en passe et des meilleures ; merci Breizh infos.com et en ce mardi premier avril « Make believe une chanson d’Etienne DAHO est à écouter pour se distraire. ( en faisant attention aux blagues) Kenavo
Allez hop, je vais commander ce livre ! Ayant fait de nombreuses recherches (et trouvailles) sur nos ancêtres respectifs, ma femme et moi sommes très intéressés par les théories de l’autrice.
Il me semblait bien avoir lu un autre livre portant sur la psychogénéalogie…. Retrouvé ! « Aïe, mes aïeux ! » d’Anne Schützenberger, 1ère édition 1993, deuxième 2015 (« 350000 exemplaires vendus »).
Différence entre les deux ouvrages celui qui est l’objet de l’article s’intéresse à la santé et aux troubles physiques ou psychiques.
« Aïe, mes aIeux! est centré sur les comportements ou événements individuels ou familiaux qui peuvent se retrouver entre deux générations, pas forcément contigües dans le temps: les maladies, les comportements à risque d’un ancêtre, le souvenir de persécutions ou de drames collectifs enfouis dans la mémoire, etc.
Mais dites donc, pourra-t-on dire, ces histoires de transmission dans la généalogie, c’est un peu bizarre, tout de même ?
Sûrement mais il y a des choses qui nous échappent…
Un souvenir personnel: nous avions des cousins au déjeuner il y a quelques années.
Nous parlons de généalogie et on me demande qui était le plus lointain ancêtre paternel connu avec une date précise.
C’était un prénommé « Jean », pour lequel j’ai le jour et le mois du décès (en 1728). Je la dis aux cousins et l’un d’eux fait remarquer « C’est la date d’aujourd’hui… ».
On est en plein délire idyllique…Qui se souvient de ses ancêtres, de son arbre généalogique hormis dans certaines familles! Cette manie de filer chez un médecin et de prendre des médicaments plus ou moins bons, c’est une pratique somme toute récente, voici un siècle c’est la divinourezh du coin qui donnait des louzou mat pour pas cher. Et aussi cierges et prières sans guitare ni banjo ou tamtam. Même si mon grand-père paternel faisait venir de Suisse un médicament pour un de mes oncles c’était très rare et c’était un monde particulier. Du vrai dans l’article mais aussi beaucoup d’affirmations délirantes, cette dame est universitaire ce n’est pas tous les Français Keep cool!
J’allais parler du fameux livre d’Anne Ancelin-Schützenberger « Aïe mes aïeux » quand je tombe sur le post de « sympathisant 44 » qui en parle avec plus d’aménité que moi car n’accusant pas Elisabeth Horowitz d’une forme de plagiat ou plutôt d’un silence quant à sa prédécessiste dans le domaine… Anne Ancelin est décédée à un âge avancé il y a quelques années et a certainement initié le mouvement épigénétique maintenant reconnu comme incontournable et très souvent efficace .
@ Annie
Entièrement d’accord avec vous. Elisabeth Horowitz aurait dû citer Anne Ancelin-Schützenberger, dont elle n’ignore sûrement pas le livre – 1ere édition parue en 1993.
Cela aurait levé les doutes sur le point suivant: dans l’édition de 2015 vous avez sûrement remarqué l’ « Avertissement » au début du livre. Anne Ancelin a jugé utile de faire une mise au point dont le fond est peu amène mais probablement justifié…
J’ajoute que je relis « Aïe mes aïeux »… j’avais oublié que la lecture en était aussi ardue.