Le réalisateur Yves Boisset, figure majeure du cinéma français engagé et irrévérencieux, est décédé ce lundi 31 mars 2025 à l’âge de 86 ans. Il laisse derrière lui une œuvre immense, courageuse, souvent censurée, toujours dérangeante pour les puissants. Ce cinéaste dez gauche, que certains surnommaient « le cinéaste le plus censuré de France » n’aura jamais cessé de dénoncer les dérives de son temps – et d’annoncer celles à venir.
Le cinéma comme arme de combat
Né en 1939 à Paris, Yves Boisset débute comme assistant de grands noms tels que Sergio Leone, Jean-Pierre Melville ou Claude Sautet. Très vite, il se forge une identité propre, celle d’un réalisateur qui choisit de faire du cinéma une tribune politique. Durant les années 70 et 80, il s’attaque frontalement à des sujets d’actualité : la police dans Un condé (1970), la guerre d’Algérie dans R.A.S. (1973), mais aussi l’évolution de la société française dans Dupont Lajoie (1975), ou encore la compromission de la justice dans Le Juge Fayard dit « le Shériff » (1977).
Le Prix du danger, chef-d’œuvre visionnaire
S’il est un film à retenir comme résumé glaçant de son regard sur la société contemporaine, c’est bien Le Prix du danger (1983). Véritable dystopie avant l’heure, ce film dépeint une émission de télé-réalité dans laquelle un candidat, traqué par des tueurs, doit survivre pour remporter une prime. Gérard Lanvin y incarne un homme ordinaire sacrifié sur l’autel de l’audimat, sous les rires complices d’un public hypnotisé par le spectacle de la violence.
Cette œuvre prophétique, longtemps sous-estimée, annonçait la société du spectacle, la télé-poubelle, la marchandisation de l’humain, bien avant Loft Story, Koh-Lanta ou Squid Game. Boisset y démonte le cynisme des élites médiatiques, incarnées par un Michel Piccoli inoubliable en présentateur déconnecté, et pointe l’acceptation passive, presque joyeuse, par les masses de leur propre avilissement.
Rarement un film français n’aura autant anticipé les dérives sociétales modernes. Rarement un film n’aura eu une telle acuité dans sa critique des manipulations médiatiques et de la déshumanisation collective.
Yves Boisset, en plus de sa filmographie cinématographique, a marqué la télévision de l’époque de son empreinte : L’Affaire Seznec, Jean Moulin, Le Pantalon…
Un legs précieux pour les générations à venir
La disparition d’Yves Boisset intervient à un moment où le cinéma français semble plus que jamais s’enfoncer dans la médiocrité et le conformisme évitant les sujets brûlants, préférant la redondance des récits personnels aux grandes fresques collectives. Pourtant, le message de Boisset n’a jamais été aussi nécessaire. Dans une époque soumise aux diktats du politiquement correct, de la déresponsabilisation, et du divertissement anesthésiant, ses films sonnent comme un réveil brutal.
Il faudrait montrer Le Prix du danger dans tous les lycées de France. Il faudrait le voir, le revoir, le faire découvrir à ceux qui croient encore que la télévision et les plateformes ne sont là que pour distraire.
Yves Boisset est mort. Mais il nous laisse, en héritage, une œuvre qui ne laisse pas indifférent – et c’est précisément là que réside sa grandeur. À l’heure où les formats courts, les séries consensuelles et les talk-shows bavards ont pris le pas sur la force du cinéma engagé, le silence de sa caméra résonne comme une perte immense.
YV
Crédit photo : DR
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Une réponse à “Yves Boisset, le père du « prix du danger » s’est éteint à 86 ans : hommage à un visionnaire du grand écran”
Merci YV pour cette chronique nécrologique engagée en faveur du grand Boisset !!! Paix à lui !!!