La vie de Jean-Yves Le Gallou témoigne de soixante ans d’engagements pour l’identité et la liberté d’expression. Énarque dissident, haut-fonctionnaire à Beauvau, élu politique, lanceur d’alerte et théoricien de la préférence nationale, il nous livre la somme de ses souvenirs et réflexions à contre-courant de 1954 et son entrée à l’École « républicaine » à 2024 et la débâcle des « valeurs républicaines ».
De la guerre culturelle de mai 68 à la révolution woke, de Pompidou-Giscard à la Nouvelle Droite, des fraudes de la gauche à l’émergence du Front national, de la manipulation de Carpentras aux dessous de l’« affaire du détail » ou de la scission de Bruno Mégret en 1998, c’est le théâtre de la vie politique, économique, judiciaire, idéologique et sociétale que décrypte Jean-Yves Le Gallou à l’appui de son expérience et de portraits de ses contemporains capitaux : Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Jean-Marie Le Pen, Jean-Pierre et Marie-France Stirbois, Bruno Gollnisch, Bruno Mégret, Philippe de Villiers, Marine Le Pen, Marion Maréchal, Eric Zemmour et ceux de ses compagnons de route : Alain de Benoist, Guillaume Faye, Dominique Venner, Yvan Blot, Bernard Lugan…
D’une lucidité revigorante, ces Mémoires identitaires échappent à la nostalgie et tirent un fil d’Ariane d’espérance entre les générations pour la défense et illustration des patries charnelles et spirituelles.
Nous avons interrogé l’auteur pour évoquer son livre.
Breizh-info.com : Vous publiez vos Mémoires de lutte politique. Rassurez-nous, vous n’êtes pas encore mort ?
Jean-Yves Le Gallou : Non, pas encore ! Mais je suis conscient de la caducité de la vie. Je crois aussi que les leçons des combats passés peuvent éclairer ceux de demain. Parmi les batailles que je veux continuer à mener : la dénonciation de la tyrannie des juges (qui me vaut déjà un procès), la critique des dépenses nuisibles (et pas seulement inutiles), et la promotion de la communautarisation de notre camp, notamment avec l’Institut Iliade.
Breizh-info.com : Votre engagement remonte aux années 60. Comment un jeune homme issu de l’ENA devient-il un dissident du système républicain ?
Jean-Yves Le Gallou : C’est assez simple. En mai 1968, j’ai été écœuré par la lâcheté des dirigeants – économiques, administratifs, universitaires, politiques – face à ce que de Gaulle appelait la « chienlit ». Mon respect de jeune homme bien élevé s’est transformé en révolte. Depuis, je n’ai jamais cessé de poser un regard critique, souvent ironique, sur les « autorités ». Et croyez-moi, au fil de ma carrière administrative, bien des préfets et des hauts fonctionnaires m’ont fait sourire !
Breizh-info.com : Vous avez été haut fonctionnaire, élu politique, théoricien et lanceur d’alerte. Y a-t-il un moment clé qui a fait basculer votre trajectoire vers l’engagement identitaire ?
Jean-Yves Le Gallou : Très tôt, j’ai pris conscience de la question migratoire. Dès les années 60, j’ai été marqué par les tensions qu’un voisin, simple agent de police, rencontrait avec les Algériens du Petit Colombes. Étudiant à Sciences Po et lecteur assidu du Monde, j’ai été frappé de stupeur par le discours d’Enoch Powell à Birmingham, le 20 avril 1968, qui alertait sur les dangers de l’immigration musulmane. Puis, entre 1969 et 1973, l’arrivée de 200 000 étrangers par an en France – des travailleurs pour « tenir les salaires » – m’a semblé une aberration.
Breizh-info.com : Vous avez côtoyé des figures majeures de la droite nationale et identitaire. Y en a-t-il une qui vous a particulièrement marqué, et pourquoi ?
Jean-Yves Le Gallou : Pourquoi se limiter à une seule ? Dans le monde de la dissidence, j’ai croisé de nombreuses personnalités exceptionnelles, dotées d’un fort QI et d’un caractère trempé. Quelques exemples : sur le plan intellectuel, Alain de Benoist, Guillaume Faye, Dominique Venner ; sur le plan politique, Jean-Marie Le Pen, mais aussi Jean-Pierre Stirbois et Bruno Mégret. Sans oublier mon plus ancien compagnon de route, Yvan Blot, disparu en 2018.
Breizh-info.com : Vous avez vécu Mai 68 en direct. Quel était votre regard à l’époque, et comment analysez-vous son impact aujourd’hui ?
Jean-Yves Le Gallou : À l’époque, j’y ai vu une rupture. Aujourd’hui, avec le recul, je pense que l’esprit de 68 a engendré le « Grand Basculement » : la fin des traditions, un double mémoricide (par effacement et repentance), l’effondrement de l’éducation nationale et la mort de l’école publique. Mai 68 a aussi marqué le début du terrorisme intellectuel de l’extrême gauche et de la dictature des minorités – ethniques, religieuses, sexuelles. Avec le wokisme, cette dynamique s’essouffle enfin.
Breizh-info.com : Vous parlez de « guerre culturelle » dans votre ouvrage. La Nouvelle Droite et les mouvements identitaires ont-ils su opposer une contre-offensive efficace à l’idéologie soixante-huitarde ?
Jean-Yves Le Gallou : Ils ont ciblé l’essentiel : rappeler la nécessité vitale de l’enracinement et mettre en lumière la double réalité de l’hérédité et de l’héritage, qui structurent les individus via leurs origines génétiques et leur appartenance culturelle. Ce sont de bonnes armes contre les partisans de la table rase. Mais le combat est inégal : les négateurs disposent d’un puissant appareil de propagande – publicité, éducation, associations, médias – dont la fonction première est d’intimider. Peu croient vraiment aux idées de l’extrême gauche ou de l’extrême centre, mais peu osent les défier, surtout parmi les élites.
Breizh-info.com : Le mouvement woke est-il une extension de Mai 68 ou une mutation plus radicale ?
Jean-Yves Le Gallou : C’est une mutation. Il ne s’agit plus seulement d’imposer des thèses ou de censurer des opinions, mais de « cancelliser », d’effacer tout ce qui contredit la doxa. On est dans Orwell, dans 1984, où l’histoire est réécrite au gré des besoins du pouvoir.
Breizh-info.com : Vous avez été témoin des mutations du Front National, de son ascension à ses divisions. Comment analysez-vous son évolution et la stratégie de Marine Le Pen ?
Jean-Yves Le Gallou : C’est le « pasdevaguisme » : une stratégie pour éviter les ennuis et slalomer entre les obstacles en inquiétant le moins possible. Mais elle a ses limites. On dirait parfois l’Éducation nationale : jamais autant de moyens pour si peu de résultats ! Certains disent : « Il faut rassurer pour accéder au pouvoir, ensuite on agira. » Ça ne me convainc pas totalement – les chiraquiens tenaient déjà ce discours il y a quarante ans, et on a vu le résultat…
Breizh-info.com : La montée d’Éric Zemmour et de Reconquête marque-t-elle une recomposition durable du camp national ?
Jean-Yves Le Gallou : Le camp national a besoin de diversité. Le RN est un gros paquebot qui transporte les masses d’électeurs, mais il faut aussi des vedettes rapides – Reconquête, l’UDR, les marionistes – pour frapper l’adversaire et défier l’idéologie dominante. Sans Zemmour en 2022, la campagne aurait été dénuée de sens, centrée sur les retraites et le pouvoir d’achat, financés par de la dette.
Breizh-info.com : Avec Polémia, vous avez dénoncé les « bobards médiatiques ». Quel regard portez-vous sur le journalisme en France aujourd’hui ?
Jean-Yves Le Gallou : Il y a vingt ans, il n’y avait que les médias de grand chemin. Aujourd’hui, le journalisme citoyen et les réseaux sociaux font émerger des infos et des points de vue étouffés autrement. Les médias alternatifs amplifient cela, suivis par des « médias de transition » comme Valeurs actuelles, le JDD, Europe 1 ou CNews. Même la presse mainstream finit par en parler parfois.
Breizh-info.com : Avec la censure des réseaux sociaux et la répression, comment faire passer un message identitaire ?
Jean-Yves Le Gallou : En résistant et en contournant les obstacles. L’épée a toujours un coup d’avance sur le bouclier. Et pour une fois, le vent d’Amérique – Trump, Musk, Vance, Kennedy – souffle dans le bon sens.
Breizh-info.com : Vous parlez d’un « fil d’Ariane d’espérance ». Quelle est la clé pour transmettre l’esprit de résistance aux jeunes ?
Jean-Yves Le Gallou : Leur faire découvrir leurs racines et raviver la fierté de leurs origines. C’est la mission de l’Institut Iliade.
Breizh-info.com : Où se procurer vos Mémoires identitaires ?
Jean-Yves Le Gallou : Dans les bonnes librairies (rares !), sur Amazon, ou mieux, auprès de l’éditeur Via Romana. Je le dédicacerai aussi au colloque de l’Institut Iliade, le 5 avril prochain.
Propos recueillis par YV
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