Un exemple de lâchage en politique. « L’AFFAIRE » Marie-Christine Parolin

« Paris, le 20 septembre 2024

Courrier recommandé avec AR

Madame,

Vous avez été convoquée le 09/09/2024 devant la commission des conflits du Rassemblement National pour les faits mentionnés dans la lettre de convocation en date du 16/07/2024. En conséquence, et à la suite de l’avis que la commission des conflits m’a transmis, je vous signifie votre exclusion définitive du Rassemblement National.

Bien cordialement,

JORDAN BARDELLA, Président du Rassemblement National, Député européen »

Deux phrases. C’est en des termes laconiques, formant à peine deux phrases en tout et pour tout, que Marie-Christine Parolin, conseillère régionale d’Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, a appris son exclusion définitive du Rassemblement national. D’emblée, on observe l’antithèse existant entre la sécheresse de la décision (« je vous signifie votre exclusion ») et la formule de courtoisie (« Bien cordialement »). Le signataire savait-il que l’adverbe cordialement signifie « qui vient du cœur » et qu’il a le sens d’un sentiment sincère et bienveillant ? En tout cas, l’usage d’un vocabulaire approprié ne semble pas être au cœur des préoccupations de la direction du Rassemblement national.

Pas plus que le droit à un recours effectif, tel que mentionné par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. En effet, les statuts du Rassemblement national, « Modifiés par l’assemblée générale extraordinaire du 5 novembre 2022 » posent, à l’article 24, que « Pour assurer le respect des Statuts et des règlements intérieurs de l’association, sanctionner leur violation et arbitrer les conflits internes, il est institué une Commission des conflits. » Il est précisé que « La Commission des conflits formule des propositions de décisions transmises au Président de l’association qui statue en dernier ressort¹ ». En clair, la commission des conflits instruit les affaires qui lui sont soumises et communique un avis au président qui décide ensuite seul des suites à donner. Mais comment Marie-Christine Parolin en est-elle arrivée là ?

Une militante de longue date et exemplaire

Marie-Christine Parolin est conseillère régionale et donc aussi cadre du RN dans la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée. Elle a suivi ce que l’on pourrait appeler le cursus honorum classique au Front national, devenu Rassemblement national en 2018. Simple adhérente de 1994 à 2007, elle a perdu son mari cette année-là ce qui l’a amenée à exercer une activité professionnelle tout en élevant seule ses enfants. C’est donc une femme qui a subi des épreuves et qui connaît la difficulté de la vie. C’est aussi une femme sérieuse à qui on peut faire confiance.

A partir de 2013, Marie-Christine Parolin s’est engagée sans compter dans le militantisme actif à la fédération FN de Haute-Garonne. Elle a distribué des tracts, participé à des opérations de boitage, elle est allée à la rencontre des adhérents et sympathisants, a fréquenté tous les meetings et toutes les réunions… Elle a aussi rempli des tâches administratives comme, par exemple, la tenue du fichier des adhérents dans cette fédération, ce qui témoigne de sa réputation de probité.

En 2015, Marie-Christine Parolin fut élue conseillère régionale d’Occitanie / Pyrénées-Méditerranée pour la première fois sur la liste FN conduite par Louis Aliot. Peu après cette élection, elle a perdu son emploi. En 2017, elle a milité activement en faveur de la candidature présidentielle de Marine Le Pen. Un militantisme couronné de succès puisqu’elle est la seule dans le département de Haute-Garonne qui parvint à convaincre trois maires d’accorder leur parrainage à la présidente du Front national. Marie-Christine Parolin était une élue et une militante convaincue. Parfois comme militante, parfois comme candidate, elle a participé à toutes les campagnes électorales : législatives de 2017, européennes de 2019, municipales de 2020, départementales de 2021, régionales de 2021, présidentielle de 2022, européennes de 2024… A cette époque, son engagement, son dévouement et sa loyauté étaient tout particulièrement appréciés et elle obtint de nouveau l’investiture du RN pour les élections régionales de 2021. Elle fut alors réélue sur la liste conduite par Jean-Paul Garraud.

On constate que les instances locales et nationales du FN, puis du RN ont fait appel aux services de Marie-Christine Parolin pendant plus de onze ans. Cette période est assez longue pour apprécier les qualités d’un adhérent, d’un militant, d’un cadre et d’un élu. Elle est aussi assez longue pour déceler des opinions extrémistes ou radicales. Jamais la direction de ce parti politique n’a rencontré de difficultés avec Marie-Christine Parolin qui était donc tenue en haute estime, et la commission d’investiture du RN a désigné Marie-Christine Parolin pour représenter ce parti aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 dans la 2^e circonscription de l’Aveyron.

Les pratiques de certains médias locaux

Le 30 mai 2024, Marie-Christine Parolin a été invitée par une radio locale, CFM radio, pour participer à un débat public avec les représentants d’autres formations politiques dans le cadre d’une émission « spéciale élections européennes ». Ce débat s’articulait autour de quatre questions : « parvenir à une égalité des coûts de production entre les pays membres de l’union ; obtenir une similitude du niveau de respect (…) de la nature dans l’ensemble de l’union ; maîtriser la démographie (…) ; étendre, restreindre ou annuler les projets d’élargissement² ».

Etaient conviés Godefroy Bes de Berc pour la liste « l’Europe ça suffit » ; Laurent Bourillon pour Reconquête ; Bertrand Cavalerie pour le Parti socialiste ; Jean Marie Daures pour « Alliance Rurale » ; Yolène Pagès pour Renaissance ;   Christine Parolin, conseillère régionale du Rassemblement National ; Guilhem Seyries pour LFI la France insoumise ; Léon Thébault pour Europe Ecologie les Verts³. C’est ce débat qui a motivé la convocation de Marie-Christine Parolin devant la commission des conflits du Rassemblement national.

Le débat radiodiffusé a duré environ 1 heure et 45 minutes. Librement accessible en ligne, on peut toujours en écouter la version intégrale sur le site de CFM radio à l’adresse suivante : https://www.cfmradio.fr/special-elections-europeennes. Cependant, ce n’est pas à la source directe que la commission des conflits du RN a fait référence, puisque la lettre de convocation envoyée à Marie-Christine Parolin et lui reprochant une déclaration présumée mentionne textuellement : « Cette déclaration étant proférée publiquement lors de ce débat dont lien ci-dessous : https://www.najac-infos.fr/marie-christine-parolin-rn-et-travail-famille-patrie/ ⁴». Or, ce n’est pas le site de CFM radio qui est indiqué mais le site d’un autre média local : Najac infos. Pourquoi le président de la commission des conflits du RN a-t-il fait référence à un débat radiodiffusé en citant un article publié par un autre journal, « un petit site d’informations sur Najac et ses alentours, fondé par Jacques-O Teyssier qui en est le seul et unique rédacteur à titre bénévole⁵ » ?

Pourtant, c’est bien pendant le débat radiodiffusé que plusieurs événements anormaux se sont produits, et c’est donc dans l’enregistrement de ce débat qu’il aurait fallu aller vérifier les faits. Car que s’est-il passé pendant ce débat ?

En principe, un débat organisé par une radio locale se déroule correctement, chacun des invités s’efforçant de faire preuve de courtoisie et de civilité. Mais tel n’a pas été le cas sur CFM radio tant certains invités, et surtout le représentant du parti de gauche Europe Ecologie Les Verts, ont cru devoir porter des jugements sur d’autres partis politiques ou leurs représentants plutôt que sur les propositions de campagne. D’abord, à la 51^e minute du débat, Guillaume Seyries de La France Insoumise a débuté son propos en disant : « Oui euh, puisque… j’ai la parole après la représentante de… Madame Le Pen et de Monsieur Bardella…⁶ ». Marie-Christine Parolin l’a alors brièvement interrompu par les mots : « très fièrement ⁷», affichant ainsi clairement sa loyauté au parti qu’elle représentait et à ses dirigeants. Ensuite, à la 59^e minute et 20 secondes, la parole fut donnée à Léon Thébault pour Europe Ecologie Les Verts. Celui-ci commença son discours par une nouvelle prise à partie des représentants d’autres formations politiques en ces termes : « Je vais être rapide. J’entends autour de cette table, euh, l’extrême droite euh…⁸ ». Ces propos ont provoqué une réponse exaspérée de Marie-Christine Parolin, à 1 heure et 51 secondes : « Bon alors, l’extrême droite vous dit…⁹ » Chacun aura bien compris que si Marie-Christine Parolin a repris le terme « extrême droite » pour répondre à Léon Thébault, cette reprise se voulait ironique, comme une citation des accusations du précédent débatteur, et non comme une revendication assumée. Peut-être Marie-Christine Parolin n’était-elle pas très à l’aise face à des mises en causes répétées alors que le débat se prolongeait depuis plus d’une heure ? Peut-être Marie-Christine Parolin n’avait-elle pas l’expérience des débats radiodiffusés ? Peut-être le RN ne lui a-t-il jamais dispensé une formation spécifique à la communication dans le cadre d’un débat contradictoire radiodiffusé ? Mais il est clair que Marie-Christine Parolin n’a pas tenu de propos extrémistes et qu’elle n’a pas revendiqué l’appartenance de son parti à l’extrême droite, bien au contraire.

L’ambiance du débat est devenue pesante et même malsaine une demi-heure plus tard, au point qu’un des débatteurs a déclaré à un autre, à 1 heure, 33 minutes et 44 secondes : « Vous, vous avez une tête à claques ! ¹⁰». Ici, le journaliste animateur intervint pour appeler les invités à une meilleure tenue : « On est dans les studios de CFM, j’aimerais qu’on n’ait pas ce genre de propos ¹¹». On note que le journaliste de CFM radio n’avait pas cru devoir intervenir précédemment lors des accusations d’appartenance à l’extrême droite portées contre certains partis politiques représentés autour de la table.

Est-ce la raison pour laquelle Léon Thébault a récidivé ? A 1 heure 38 minutes et 23 secondes, il fit un rapprochement entre le présent et une période passée de l’histoire de France que rien dans les échanges qui avaient précédé ne l’autorisait à faire : « On comprend bien qu’autour de cette table, il y en a beaucoup qui aimeraient remplacer notre devise nationale par « Travail, Famille, Patrie » à commencer par le Rassemblement national ¹²». On entend alors une voix féminine faiblement audible prononcer deux ou trois mots peu compréhensibles, suivis des mots « Tout-à-fait ¹³», dont on a l’impression qu’ils répondaient à la réaction ou à l’observation d’un voisin de table de Marie-Chrisitne Parolin et non à la déclaration de Léon Thébault. Mais des mots auxquels Léon Thébault réplique aussitôt en les détournant de leur contexte : « Ah ben, du coup, vous assumez d’être pétainiste, c’est parfait ! ¹⁴» . A ce moment, cette accusation de pétainisme aurait dû entraîner l’intervention du journaliste animateur pour interrompre Léon Thébault et permettre à Marie-Christine Parolin de se défendre, vu la gravité de la mise en cause. Mais une fois encore, cela n’a pas été fait et le débat a suivi son cours sans que Marie-Christine Parolin ait pu démentir les propos de Léon Thébault ou en ait eu le réflexe, d’autant que l’émission touchait à sa fin.

Ce débat s’est déroulé le 30 mai 2024 sans que les propos des uns et des autres ne provoquent de réactions particulières, ni au Rassemblement national, ni dans la classe politique, ni dans les médias. Ce n’est qu’un mois plus tard, le 4 juillet 2024 que Léon Thébault a déclaré que « en Aveyron, moi je peux vous dire que l’extrême droite haineuse est toujours là. Et la candidate du RN sur cette circonscription j’ai eu l’occasion, malheureusement, il y a deux mois de débattre avec elle, sur la radio CFM. Et elle n’a pas hésité à soutenir les valeurs de Vichy : « Travail, famille, patrie ». Et je lui ai dit mais du coup, Mme Parolin, vous êtes pétainiste ? Et elle a acquiescé.¹⁵ » On observe ici que les propos de Léon Thébault ne sont pas rigoureusement exacts. Le débat n’avait pas eu lieu deux mois auparavant mais un mois seulement, et Léon Thébault n’a pas directement interrogé Marie-Christine Parolin pour lui demander : « Madame Parolin, vous êtes pétainiste ? ». Il a affirmé de façon péremptoire : « vous assumez d’être pétainiste », ce qui n’est pas la même chose et le déroulement du débat n’a pas permis à Marie-Christine Parolin de démentir cette allégation.

Le lendemain, 5 juillet 2024, le petit média local, Najac infos, publia un article intitulé « Marie-Christine Parolin (RN) et « Travail Famille Patrie » ¹⁶». L’auteur de l’article affirmait que Marie-Christine Parolin avait assumé « vouloir remplacer la devise nationale « Liberté Egalité Fraternité » par celle du régime de Vichy », mais qu’elle s’était ravisée. On a vu qu’il n’est pas évident que Marie-Christine Parolin, qui a réagi ironiquement quand on a classé son parti à l’extrême droite, ait directement répondu aux propos de Léon Thébault. Elle n’a donc assurément pas « assumé » un quelconque pétainisme sur le plan politique. Interrogée par Najac infos, Marie-Christine Parolin a clairement indiqué que ni le RN, ni elle, n’ont jamais prétendu remplacer « Liberté Egalité Fraternité » par « Travail Famille Patrie ». En réalité, Marie-Christine Parolin, on l’a vu, n’a pas toujours vécu une existence facile. Ce qu’elle a assumé, ce n’est pas la devise de l’Etat français de Vichy, mais des valeurs prises pour elles-mêmes. Ayant connu la douleur de perdre son époux, et ayant élevé seule ses enfants, Marie-Christine Parolin considère que la famille tient une place essentielle dans sa vie. Ayant perdu son emploi et s’étant complètement investie dans le militantisme politique, elle affirme que le travail ne lui fait pas peur. Enfin, elle déclare avoir la Patrie au cœur ce qui n’a rien de condamnable, bien au contraire.

Le lâchage du RN

La suite s’est mise en place progressivement. Le 4 juillet 2024, Le journal La Dépêche présentait les réponses de Marie-Christine Parolin, que la Commission d’investiture du RN avait désignée pour être candidate aux élections législatives, à ceux de ses adversaires qui l’accusaient d’être une « parachutée¹⁷ ». Une information classique en période électorale. Mais le 13 juillet, le journal Centre presse Aveyron titrait « Travail, famille, patrie : l’étiquette Rassemblement national est retirée à Marie-Christine Parolin après ses propos durant les législatives en Aveyron¹⁸ ». Le 15 juillet, le journal La Montagne annonçait que Marie-Christine Parolin avait été exclue du groupe RN à la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée¹⁹. « L’affaire » Marie-Christine Parolin était reprise dans la presse.

Pourquoi cette « exhumation » tardive de propos qui n’étaient même plus équivoques puisque Marie-Christine Parolin avait fait une mise au point dans Najac infos ? Le premier tour des élections législatives s’était déroulé le 30 juin 2024, un mois jour pour jour après le débat organisé par CFM radio. Marie-Christine Parolin était arrivée en tête avec 33 % des suffrages, juste devant le candidat de LFI, Laurent Alexandre, qui avait recueilli 32 % des voix. Le résultat du second tour de l’élection n’allait donc pas de soi. Alors, le 5 juillet, deux jours avant le second tour, le candidat LFI a publié sur son compte twitter (devenu X) un message ne tenant aucun compte de ce que Marie-Christine Parolin avait clarifié les choses dans Najac infos : « Mon adversaire RN Mme Parolin veut remplacer la devise de la République par « Travail, famille, patrie ». Le bulletin de vote Nouveau Front Populaire est le moyen pour éviter le déshonneur de voir notre circonscription basculer à l’extrême droite²⁰ ». On a donc assisté au montage en épingle d’une information dans le meilleur des cas ambigüe, et dans le pire des cas inexacte, dans le cadre calculé d’une campagne électorale. En effet, si la candidature de Marie-Christine Parolin posait un tel problème, pourquoi Laurent Alexandre n’a-t-il pas dénoncé la situation dès que les candidatures ont été rendues publiques ou, à tout le moins, avant le premier tour ? On peut se demander si ce n’est pas la perspective de manquer l’élection, plus que la morale, qui a motivé cette dénonciation. Quoi qu’il en soit, Laurent Alexandre a finalement été élu député avec 55,7 % des suffrages, contre 44,3 % pour Marie-Christine Parolin.

Autrefois, le Front national prenait systématiquement la défense de ses membres mis en cause dans le cadre d’actions militantes ou de campagnes électorales lorsque les mises en cause étaient visiblement injustifiées. Mais le RN n’est plus le FN. Ainsi, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2024, la Commission des conflits convoquait Marie-Christine Parolin le 9 septembre 2024 à 14 heures. La convocation faisait référence aux propos tenus par Léon Thébault et Marie-Christine Parolin lors du débat radiodiffusé du 30 mai 2024, et tels que relatés par Najac infos²¹. La convocation appelait aussi des observations. Par exemple, elle indiquait que « Après délibération, la Commission rendra un avis à la présidente du Mouvement qui est susceptible d’appliquer les peines suivantes… ». Or, le RN n’est pas dirigé par une présidente, mais par un président. Absence de mise à jour d’un document-type depuis le 5 novembre 2022 ? Ou lapsus suggérant l’influence persistante de l’ancienne présidente ? Autre exemple : Marie-Christine Parolin était informée de son droit de consulter son dossier au secrétariat de la Commission des conflits. Mais le temps pour la consultation était pour le moins réduit puisque la lettre indiquait que « Le secrétariat de la CDC est fermé du 2 août au 30 août inclus²². »

La convocation de Marie-Christine Parolin en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion a aussi provoqué des réactions de soutien. Pour Reconquête, Laurent Bourillon, qui participait au débat du 30 mai, a écrit à la Commission des conflits du RN que « Madame Parolin n’a tenu aucun propos pétainiste (…) et qui puisse nuire à l’image de votre mouvement²³. » Jean-Marie Daures, qui était lui aussi invité à ce débat pour Alliance rurale, a indiqué la chose suivante : « j’étais à l’émission CFM, et je n’ai pas été choqué par les commentaires de MC Parolin²⁴. » Godefroy Bes de Berc pour la liste « l’Europe ça suffit », a réagi par un communiqué de presse : « Comme participant à ce débat, j’atteste qu’en l’occurrence madame Parolin a seulement manqué d’habileté pour se sortir du piège brutal des représentants de gauche coalisés²⁵. »

Le 9 septembre 2024, Marie-Christine Parolin s’est rendue devant la Commission des conflits pour s’expliquer. Selon ses déclarations, elle a eu le sentiment que les choses étaient jouées d’avance. Onze jours plus tard, Jordan Bardella lui signifiait son exclusion définitive du Rassemblement national, tirant un trait sur 30 ans d’engagement et de militantisme.

Un parti en quête de normalisation

Que peut-on conclure de « l’affaire » Parolin ? D’abord, que le RN n’est plus du tout le FN. Le 6 avril 2002, à Dalhunden dans le Bas-Rhin, Jean-Marie Le Pen, alors candidat à la présidence de la République avait déclaré devant la presse que la devise de Vichy « Travail, famille, patrie » était compatible et complémentaire avec celle de la République : « On a diabolisé ces trois mots alors que, pour qu’il y ait liberté, égalité et fraternité, il faut que soient mis à l’honneur le travail, la famille et la patrie²⁶ ». C’était une époque où le FN ne se soumettait pas au politiquement correct, et où il n’adhérait pas à la pensée unique, et cela n’avait pas empêché Jean-Marie Le Pen d’accéder au second tour de l’élection présidentielle.

Mais les temps ont changé et le FN aussi. Sous la présidence de Marine Le Pen, le parti a transformé son positionnement en même temps que son nom. Il est devenu le RN. Et le nouveau credo au RN, c’est la dédiabolisation à marche forcée, quelles qu’en soient les conséquences, et quel qu’en soit le prix. Le RN est désormais un parti en quête de respectabilité. Dans l’hémicycle, les députés RN sont priés de porter une cravate. C’est un détail, mais il est lourd de signification. On veut montrer une image rassurante, conforme à celle des partis du « système » qu’on dénonçait hier, mais auquel on brûle aujourd’hui de participer.

La seconde conclusion qu’on peut faire découle de la première. Le nouveau parti que le RN est devenu ne tolère plus de ses membres la plus petite incartade, la moindre atteinte au politiquement correct. Tout écart de langage, toute maladresse sont impitoyablement sanctionnés, souvent par l’exclusion définitive de personnes que la nouvelle direction qualifie de « brebis galeuses²⁷ ». Peu importe de connaître les circonstances, peu importe une loyauté de trente ans, le fautif doit être exclu.

C’est probablement ce qui a motivé la sévérité avec laquelle le cas de Marie-Christine Parolin a été « réglé ». Une sévérité sans état d’âme. Qui porte toutefois en elle une autre question : qu’adviendrait-il si une condamnation judiciaire frappait des membres de la direction de ce nouveau parti, y compris au plus haut niveau ? Après tout, Plutarque n’a-t-il pas écrit que « la femme de César ne doit pas être soupçonnée²⁸ » ?

André Murawski – 21 mars 2025