En Bretagne, les métropoles (Nantes et Rennes) ne sont pas favorables au RN. Parvenir à atteindre la barre des 10 % pourrait y être considéré comme un véritable succès. A Rennes, Julien Masson (RN) croit avoir trouvé la solution miracle : s’allier avec des trucs qui n’existent pas
A Rennes, qui connaît l’Union des droites pour la République, le parti d’Eric Ciotti ? A Rennes, qui connaît Identité liberté, le parti de Marion Maréchal ? Réponse : en dehors des lecteurs de Valeurs actuelles et de Julien Masson (RN), pas grand monde. Ce dernier, porte-parole du Rassemblement national en Ille-et-Vilaine, expose sa stratégie pour les élections municipales de 2026 à Rennes : « L’idée, c’est de faire un large rassemblement de la droite » dont « le bateau principal est le RN, mais avec l’UDR d’Eric Ciotti et le parti Identité liberté de Marion Maréchal » (Ouest-France, Rennes, 15-16 mars 2025). L’idée semble géniale : le RN apporterait les électeurs, tandis que l’UDR et I.L. fourniraient quelques candidats appartenant à la droite conservatrice – de préférence abonnés à Valeurs actuelles. Pourtant cette “union des droites“ ne correspond pas à la ligne appliquée par Marine Le Pen…
Evidemment, les résultats électoraux du RN n’étant pas brillants à Rennes, Julien Masson est tenté de chercher des renforts ailleurs. Rappelons qu’au premier tour des élections législatives de juin 2024, dans la partie rennaise des quatre circonscriptions de l’agglomération, le RN n’avait obtenu que 11,70 % des suffrages exprimés (10 549 voix). Or, aux élections municipales, pour être qualifié pour le second tour et bénéficier de quelques élus, il faut obtenir 10 % (Article L. 264 du Code électoral : « Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 p. 100 du total des suffrages exprimés »). Rappelons également qu’au premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2022, à Rennes, Marine Le Pen n’avait obtenu qu’un modeste 7,29 % (6 722 voix). Au second tour, elle était tout de même parvenue à doubler le nombre de ses suffrages (12 920 voix, 15,85 %). Aux élections européennes de juin 2024, la liste de Jordan Bardella ne fait guère mieux : 6 717 voix, 9,42 %. On voit sur quelle base Masson peut compter.
A coup sûr, les représentants locaux de la coalition gouvernementale (Modem, Renaissance, Horizons, LR) présenteront une liste unique à Rennes – les discussions sont en cours (Carole Gandon, Charles Compagnon…). Par conséquent, ce n’est pas de ce côté-là que Masson va récupérer des électeurs. Quant à l’UDR (Ciotti) et Identité liberté (Maréchal), leur nombre de sympathisants rennais est certainement insignifiant et leur apport électoral proche de zéro. Dans son souci de bien faire, Masson pourrait aligner d’autres boutiques de la droite, vestiges de temps anciens : DLF (Nicolas Dupont-Aignan), Reconquête ! (Eric Zemmour), CNI, RPR… Sur le papier, ça fait bien et ça donne l’impression d’un « large rassemblement » !
Au Blosne et à Maurepas, on trouve des électeurs qui ne votent pas
Julien Masson est un militant capable de propos clairs. Ainsi au soir du premier tour des législatives de 2024 : « On ne va pas donner de consignes de vote pour la gauche ou pour Macron » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 1er juillet 2024). Il est même capable d’aller sur le terrain ; ce qui ne lui réussit pas toujours. En mai 2024, avant les élections européennes, il distribue des tracts sur le marché Jeanne d’Arc quand il est agressé et blessé (quinze jours d’incapacité totale de travail).
Pour ces élections municipales, il lui reste à faire « autrement « ; ce qui suppose s’intéresser aux abstentionnistes – ce que ni la droite ni la gauche ne font. A Rennes, lors du premier tour de la présidentielle de 2022, ils sont 30 005 (24,26 %), au second tour ils sont 34 611 (27,98 %). Les élections européennes (9 juin 2024) passionnent moins les Rennais puisque le niveau de l’abstention grimpe fortement : 51 815 (41,75 %). Les élections municipales de 2020 montrent qu’en l’absence d’enjeu véritable l’abstention fait des records : au premier tour 60,36 % (70 294) ; au second tour, faute de suspense, elle monte à 68,32 % (79 670). C’est-à-dire que la maire sortante Nathalie Appéré (PS) est réélue avec un score médiocre : 23 352 suffrages pour 116 610 inscrits ; elle ne représente donc que 20,02 % du corps électoral. Une « abstention historique » dit Ouest-France (lundi 29 juin 2020). Les abstentionnistes se trouvent principalement dans une population dépolitisée qui ne croit à rien, mais qui a des fins de mois difficiles. A Rennes, on va les trouver dans des quartiers comme Maurepas ou le Blosne. Avec ses copains, Masson trouvera là un terrain favorable au travail militant, ce qui signifie monter les escaliers des immeubles, sonner aux portes, serrer les paluches… Un bon militant sait faire du porte-à-porte ; c’est plus utile que de coller des affiches. Ce qui exige d’être capable de parler emploi, logement, cantine de l’école (tarifs), sécurité (implantation d’un poste de police municipale dans le quartier pour combattre les dealers), arrêts de bus… Il n’existe pas d’autres moyens pour se constituer une nouvelle clientèle électorale qui aidera à atteindre les fameux 10 %.. Avec des contacts dans les milieux populaires, il devient possible de monter une liste “sociologique“(ouvriers et employés) aux élections municipales – ce qui peut « parler » aux électeurs des quartiers défavorisés. Alors que la droite et la gauche se limiteront aux milieux bourgeois (professions libérales, Université, classes supérieures), comme elles en ont l’habitude ; leurs candidats ne représentent pas les classes populaires.
Bernard Morvan
Illustration : DR
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