Bretagne et Pays de Galles au Moyen Âge : une relation complexe entre commerce, politique et culture

 Les relations entre la Bretagne et le Pays de Galles ont toujours suscité un intérêt particulier parmi les historiens. Une étude de Michael C E Jones approfondit ces échanges à la fin du Moyen Âge, mettant en lumière les interactions commerciales, politiques et militaires entre ces deux territoires celtiques. Cette recherche démontre une dynamique constante entre la péninsule armoricaine et les côtes galloises, oscillant entre coopération et rivalités.

Des origines communes et une relation fluctuante

Historiquement, la Bretagne et le Pays de Galles ont des racines communes remontant à l’Antiquité tardive et au Haut Moyen Âge, lorsque des populations brittoniques ont migré vers l’Armorique, fuyant les invasions saxonnes en Grande-Bretagne. Cette parenté linguistique et culturelle a tissé des liens forts entre les deux régions, bien que ceux-ci se soient progressivement affaiblis avec l’intégration de la Bretagne au sein du monde franc à partir du Xe siècle et la domination anglaise sur le Pays de Galles au XIIIe siècle.

Dès la fin du XIIIe siècle, le Pays de Galles est annexé au royaume d’Angleterre sous Edouard Ier. En parallèle, la Bretagne, bien que restée politiquement indépendante, voit son destin de plus en plus lié à la France. Ces évolutions contribuent à une reconfiguration des relations entre ces deux territoires, où la politique et le commerce jouent un rôle central.

Un commerce maritime en pleine expansion

Malgré les tensions politiques et les conflits franco-anglais, les échanges commerciaux entre la Bretagne et le Pays de Galles se sont intensifiés à la fin du Moyen Âge. Les ports bretons, tels que Saint-Malo, Le Conquet et Nantes, servaient de points de transit pour les marchandises galloises. Le commerce du sel breton, notamment celui produit dans les marais salants de Guérande, était essentiel pour le Pays de Galles et l’Angleterre, où il servait à la conservation des aliments.

En retour, la Bretagne importait de la laine galloise, un produit stratégique pour le textile, et du fer extrait des montagnes galloises. Les villes galloises comme Tenby et Carmarthen accueillaient régulièrement des navires bretons transportant du vin, des céréales ou des toiles de lin. De nombreuses traces d’archives montrent des transactions entre marchands bretons et gallois, y compris des contrats de transport de vin gascon vers le Pays de Galles, via des navires bretons.

Au-delà du commerce, le contexte militaire du XIVe et du XVe siècle favorise des alliances ponctuelles entre Bretons et Gallois. Durant la guerre de Succession de Bretagne (1341-1365), les troupes galloises ont été utilisées par les Anglais pour soutenir Jean de Montfort contre Charles de Blois. Cette guerre, qui oppose le royaume d’Angleterre et celui de France pour le contrôle du duché breton, offre aux Gallois l’opportunité de s’illustrer sur le champ de bataille en Bretagne.

Plus tard, dans les années 1400, les Bretons jouent un rôle dans la révolte d’Owain Glyndŵr contre la couronne anglaise. En 1405, une flotte de 60 navires français et bretons débarque au Pays de Galles, transportant des troupes pour soutenir Glyndŵr. Cette intervention, bien que d’ampleur limitée, illustre la volonté de la Bretagne et de la France d’affaiblir la puissance anglaise sur le territoire gallois.

L’exil d’Henri Tudor en Bretagne : un tournant historique

L’un des épisodes les plus marquants de cette relation entre Bretagne et Pays de Galles est l’exil d’Henri Tudor en Bretagne. Après la défaite des Lancastre en 1471, le jeune prétendant à la couronne d’Angleterre trouve refuge à la cour du duc François II de Bretagne. Pendant quatorze ans, il séjourne dans divers châteaux bretons, bénéficiant de la protection du duc qui, habile stratège, voit en lui un atout politique face aux York.

L’exil de Tudor en Bretagne influence profondément son règne après son accession au trône en 1485, sous le nom d’Henri VII. Il récompense plusieurs Bretons ayant facilité son séjour et maintient une alliance avec le duché, bien que sa politique évolue rapidement vers un rapprochement avec la France.

Si les échanges commerciaux et politiques entre la Bretagne et le Pays de Galles sont bien documentés, leur influence culturelle réciproque demeure plus restreinte. Contrairement aux Écossais et aux Irlandais, qui ont conservé des traditions celtiques bien ancrées, les Bretons et les Gallois ont évolué dans des sphères culturelles distinctes dès la fin du Moyen Âge. La Bretagne, dominée par la noblesse francophone et influencée par la cour capétienne, s’éloigne progressivement de ses racines brittoniques, tandis que le Pays de Galles voit émerger une littérature nationale en langue galloise, portée par ses bardes et sa gentry locale.

Une relation pragmatique entre deux peuples celtes

Loin des idées romantiques sur une union sacrée entre peuples celtiques, l’étude révèle une relation pragmatique entre la Bretagne et le Pays de Galles à la fin du Moyen Âge. Le commerce, la politique et la guerre dictaient les interactions entre ces deux territoires, souvent en fonction des intérêts plus larges de la France et de l’Angleterre.

Si la Bretagne a joué un rôle d’asile pour certains Gallois en exil et si les ports gallois ont accueilli des marchands bretons, ces liens n’ont pas suffi à créer une communauté d’intérêts durable. Ce n’est qu’à l’époque moderne, avec l’éveil d’une conscience identitaire bretonne et galloise, que l’on a commencé à réévaluer ces liens sous un angle plus culturel et historique.

Crédit photo : DR

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3 réponses à “Bretagne et Pays de Galles au Moyen Âge : une relation complexe entre commerce, politique et culture”

  1. Pschitt dit :

    Très intéressant article, mais pourquoi les quatorze ans d’exil d’Henri Tudor à Nantes seraient-ils « L’un des épisodes les plus marquants de cette relation entre Bretagne et Pays de Galles » alors que l’exilé allait devenir roi… d’Angleterre ? Il aurait fallu rappeler que, si sa mère était une princesse anglaise, son père était un aristocrate gallois. Ne tombez pas dans la désastreuse impéritie du « Dictionnaire de Nantes » d’Alain Croix (largement subventionné par Nantes Métropole), qui évoquait « la faible présence des Anglais à Nantes avant le 19e siècle » : il ignorait apparemment ce séjour royal.

  2. Régis DE MOL dit :

    Savez-vous qu’il y a eu une petite colonie flamande au sud du Pays de Galles, dans le Pembrokshire ? Il s’agissait de seigneurs flamands qui avaient accompagné Guillaume le Conquérant et s’étaient vus récompensés par des terres et des propriétés, mais comme ils étaient turbulents, le successeur de Guillaume leur donna à choisir entre le retour en Flandre ou le déménagement au Pays de Galles, ce qu’ils choisirent. On y parla pendant près de 100 ans un dialecte particulier étranger à la langue locale. Il en reste des traces connues des spécialistes et des guides touristiques.

  3. Raymond Neveu dit :

    Very Pschitt this day. Rappelons que François est de la Maison d’Etampes, bof pas très breton…C’est tout de même un problème en Bretagne trop de femmes héritières alors que l’on ne jure que par les hommes et pourtant les femmes sont diantrement capables de tenir leur boutique!

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