L’avenir du plus ancien fabricant d’armes français, Verney-Carron, est en jeu. Placée en redressement judiciaire en février dernier, l’entreprise stéphanoise est en passe d’être rachetée par le groupe belge FN Browning, une situation qui interroge alors que le gouvernement clame son ambition de renforcer la souveraineté industrielle et militaire du pays. Entre désintérêt de l’État et prise de contrôle étrangère, le cas Verney-Carron illustre une fois de plus l’incapacité française à préserver ses industries stratégiques.
Un géant belge à la rescousse d’une entreprise en difficulté
Fondée en 1820 à Saint-Étienne, Verney-Carron est une référence dans le domaine de l’armement, notamment pour ses fusils de chasse et ses lanceurs de balles de défense (LBD) utilisés par les forces de l’ordre françaises. Mais confrontée à d’importantes difficultés financières, l’entreprise a dû se placer sous la protection du tribunal de commerce.
C’est dans ce contexte que le groupe FN Browning, acteur majeur du secteur basé en Belgique et détenu en partie par la région wallonne, a proposé une offre de rachat, prenant ainsi le contrôle de 70 % de la société. Cette acquisition permettrait à Verney-Carron de bénéficier d’un réseau de distribution plus large et d’une capacité d’investissement renforcée. Toutefois, cette prise de contrôle étrangère pose de sérieuses questions quant à l’indépendance de la filière armurière française.
Un État spectateur de son propre déclassement industriel
Alors que le président Macron insiste régulièrement sur la nécessité de relocaliser la production stratégique en Europe, le cas Verney-Carron démontre que ces déclarations peinent à se concrétiser. Malgré l’importance historique et économique de l’armurier stéphanois, le ministère des Finances a refusé d’accorder un prêt de 4,5 millions d’euros via le Fonds pour le développement économique et social (FDES), qui aurait pu éviter un rachat étranger.
Ce refus est d’autant plus incompréhensible que la somme demandée représente à peine le prix d’un seul canon Caesar, ce matériel militaire que la France expédie par centaines à l’Ukraine. L’État semble une fois de plus préférer investir massivement dans des entreprises étrangères plutôt que de soutenir ses propres industries.
Une mobilisation politique tardive, mais nécessaire ?
Face à ce désintérêt gouvernemental, plusieurs figures politiques montent au créneau. Marion Maréchal et le député Thibaut Monnier ont interpellé le Premier ministre François Bayrou à travers une lettre ouverte, dénonçant un nouvel abandon industriel aux conséquences stratégiques. Ils rappellent que Verney-Carron, labellisée « Entreprise du patrimoine vivant », emploie plus de 70 salariés et joue un rôle central dans l’armement de la police nationale.
Les parlementaires de la Loire ont également adressé un courrier au ministère des Finances pour tenter de sauver l’entreprise. Mais sans engagement concret de l’État, la reprise par FN Browning semble désormais inévitable.
Si l’acquisition par FN Browning garantit la survie immédiate de l’entreprise, elle ne met pas fin aux interrogations. Les nouveaux propriétaires belges affirment vouloir maintenir la production à Saint-Étienne, mais dans un marché de l’armement de plus en plus concurrentiel, rien ne garantit que cette situation perdure.
Verney-Carron a récemment signé un contrat de cinq ans avec la police nationale pour la fourniture de LBD, prouvant ainsi son importance dans le paysage sécuritaire français. Mais avec une dépendance accrue à un actionnaire étranger, la question de la souveraineté industrielle reste entière.
L’histoire de Verney-Carron est symptomatique d’une tendance lourde : la France se dépossède progressivement de son savoir-faire, faute d’une politique industrielle cohérente. Dans un monde où les tensions géopolitiques s’accroissent, il est inquiétant de voir l’Hexagone incapable de protéger un secteur aussi stratégique que l’armurerie.
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