Algues vertes en Bretagne : le poison qui menace toujours le littoral

C’est une tragédie qui se répète. Chaque année, les marées vertes reviennent hanter les plages bretonnes, charriant avec elles leur lot de dangers et d’interrogations. Ce fléau, apparu dans les années 1960, n’a cessé de s’aggraver, malgré les discours et les plans successifs. La Bretagne, paradis maritime, est aujourd’hui un territoire où l’on peut mourir en respirant l’air du large.

Un gaz mortel qui se libère sur les plages

Le 3 septembre 2024, un sanglier de 150 kg est retrouvé sans vie sur la plage de Saint-Maurice, à Morieux, dans la baie de Saint-Brieuc. Son autopsie, réalisée quelques mois plus tard, est sans appel : l’animal a succombé à une intoxication à l’hydrogène sulfuré (H₂S), ce gaz hautement toxique émis par la putréfaction des algues vertes en décomposition. Ce n’est pas la première fois qu’un tel phénomène est observé. En 2011, pas moins de 36 cadavres de sangliers avaient été découverts sur cette même plage, là encore victimes du H₂S.

Les risques pour l’homme ne sont pas théoriques. En 1989, un joggeur meurt sur une plage de Saint-Michel-en-Grève après avoir inhalé du gaz émanant d’une marée verte. En 2009, un ouvrier agricole, transportant des algues vertes de Binic à Lantic, s’effondre et décède dans des conditions similaires. Plus récemment, en 2016, un homme est retrouvé mort dans l’estuaire du Gouessant, à Hillion, sur une zone de prolifération d’algues vertes. Jamais la Justice n’a voulu reconnaitre les liens entre ces décès et les Algues, malgré les évidences, démontrées dans le livre d’Yves-Marie Le Lay.

Le danger vient du cycle de fermentation des ulves, ces algues nitrophiles qui prospèrent grâce aux excès d’azote issus des activités humaines (agriculture intensive, rejets domestiques, pollution industrielle). Lorsqu’elles s’échouent sur le rivage et commencent à pourrir, elles forment une croûte sous laquelle se concentrent des poches de gaz toxique. Il suffit de marcher sur ces dépôts pour libérer brutalement du H₂S en grande quantité. À forte concentration, ce gaz est foudroyant : il provoque des malaises, des arrêts respiratoires et peut tuer en quelques minutes.

Un désastre écologique et économique

Outre la menace sanitaire, les algues vertes constituent une catastrophe environnementale. En recouvrant le littoral, elles étouffent les écosystèmes, empêchant la lumière de pénétrer et asphyxiant les fonds marins. Dans la rade de Brest, on observe une mortalité accrue des espèces marines, notamment des huîtres, des crustacés et des coquilles Saint-Jacques. Les habitats naturels, essentiels à la biodiversité, sont en péril.

Les conséquences économiques sont, elles aussi, désastreuses. Le tourisme subit de plein fouet l’impact de ces marées vertes. Les plages infestées d’algues en putréfaction dégagent une odeur insupportable, éloignant vacanciers et résidents. La dévalorisation immobilière des zones touchées est une autre réalité. Quant aux collectivités, elles doivent engager des millions d’euros chaque année pour ramasser et traiter ces tonnes d’algues, sans pour autant enrayer le problème à la source.

L’agriculture intensive au banc des accusés

Les causes de cette catastrophe sont bien connues. La principale responsable est l’agriculture intensive, notamment l’élevage porcin et bovin qui génère d’importants rejets d’azote via les épandages de lisier. En Bretagne, ces rejets ont littéralement quintuplé en 30 ans. L’azote, lessivé par les pluies, s’infiltre dans les nappes phréatiques et se déverse dans les rivières, avant de se retrouver dans l’océan, où il alimente la prolifération incontrôlée des algues vertes.

Face à cela, l’inaction des autorités est flagrante. Malgré les plans successifs et les rappels à l’ordre de la justice, l’État peine à imposer des restrictions fermes sur l’usage des fertilisants. En juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes a condamné l’État à agir sous quatre mois pour limiter la fertilisation azotée. Un délai expiré sans véritable changement.

Les tentatives de « valorisation » des algues vertes, via la méthanisation par exemple, n’apportent pas de solution durable. Elles perpétuent un modèle agricole destructeur au lieu de le remettre en question. La seule issue crédible serait une refonte profonde des pratiques agricoles, avec une réduction drastique des épandages et un retour à une gestion plus raisonnée des sols et de l’élevage.

Alors que la Bretagne continue de suffoquer sous les marées vertes, la question demeure : combien de morts faudra-t-il encore avant que l’État ne prenne ses responsabilités ? L’explosion des cas d’intoxications, la destruction de la faune marine, l’impact économique et touristique… tout indique que nous faisons face à un problème majeur de santé publique et d’environnement, que certains continuent pourtant de minimiser.

Illustration : DR
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Une réponse à “Algues vertes en Bretagne : le poison qui menace toujours le littoral”

  1. GLEPO423177 dit :

    Pas en Bretagne , sur certaines plages avec des anses fermées !!!
    Vous faites un constat , vous ne donnez aucune solution (il faut que y a qu’a ?) faut-il arrêter l agriculture , l industrie , la vie quoi !
    Comparé aux morts sur les routes , aux accidents domestiques , aux maladies diverses et variées , ce problème est mineur , un ramassage en règle permanent , une interdiction des lieux en question et surtout l arrêt de la récupération par de soi-disant écolos militant !
    Article mille fois ressassé !!!

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