Dès les premières courses de la saison 2025, les monstres que sont Tadej Pogacar (tour de l’UAE) et Mathieu van der Poel (Samyn Classic) ont remis les pendules à l’heure. Une écrasante démonstration de force, presque trop facile, laissant leurs adversaires jouer les figurants. Le Slovène, qu’on verra bientôt avaler les pavés flandriens comme il avale les cols, et le Néerlandais, intouchable dès qu’une course dépasse 200 bornes, semblent n’avoir aucun rival sérieux. À quoi bon ? Hormis un Jonas Vingegaard qui, lui, prépare minutieusement son hold-up annuel sur le Tour de France, sans se soucier du cyclisme de classiques, qui peut encore prétendre jouer à armes égales avec ces ogres ?
Un cyclisme à deux, voire trois vitesses
Les plus anciens se souviennent de l’époque où une grande classique pouvait offrir des surprises, où des outsiders venaient bousculer la hiérarchie, où l’incertitude était la norme. Aujourd’hui, les jeux sont presque faits dès le départ. Il y a les extraterrestres, ceux qui peuvent attaquer à 50 bornes de l’arrivée et écraser tout le monde sur place. Les côtes chez les parieurs sportifs ne s’y trompent pas d’ailleurs. Celle de Pogacar est à 1,22 pour les Strade Bianche. Pour une course de vélo avec autant d’indécision supposée. Plus basse que celle du PSG contre Nantes en Ligue 1….Il y a les gros bras, ceux qui sont là pour limiter la casse et qui espèrent monter sur le podium. Et puis il y a le reste, ces équipes qui luttent pour le maintien dans l’élite et qui courent après les points UCI comme d’autres courent après la dernière miette du gâteau.
Parce que oui, aujourd’hui, le cyclisme est aussi un sport d’épicier. Une dixième place vaut souvent plus qu’une attaque suicidaire. Les directeurs sportifs ne veulent plus de panache, ils veulent du rendement. On n’attaque plus pour gagner, mais pour maximiser les points et assurer la survie de l’équipe. Une logique comptable qui a fini par tuer une partie de l’essence même de ce sport.
Ajoutez à cela les oreillettes, les capteurs de puissance, les algorithmes qui calculent à la perfection le moment où il faut rouler (et à quelle vitesse) pour reprendre l’échappée. Résultat : plus d’incertitude, plus de suspense, plus de baroudeurs qui peuvent renverser le scénario. L’échappée matinale ? Une formalité, elle sera reprise à 15 km de l’arrivée,, à 10 ou même à 5, au moment exact où les logiciels l’avaient prédit. On ne court plus à l’instinct, on exécute un plan préétabli.
Les chiffres, les watts, les datas : tout est sous contrôle. Mais au bout du compte, qui s’amuse encore devant son écran ? Quel amateur de cyclisme peut sincèrement vibrer quand il sait que la victoire ne reviendra quasiment jamais à un petit malin qui aura tenté le coup de loin ?
Les petites équipes en danger, les petites courses à l’agonie
Pendant ce temps, le cyclisme de base souffre. Les petites équipes galèrent pour boucler leurs budgets. Certaines survivent grâce aux bonnes volontés locales, d’autres disparaissent dans l’indifférence générale. Les bénévoles, ces invisibles sans qui les courses n’existeraient pas, sont de moins en moins nombreux. Qui a encore envie de passer ses week-ends à fermer des routes pour un sport qui ne ressemble plus à celui qu’ils ont aimé ?
Dans de nombreuses régions, trouver des organisateurs devient un casse-tête, sécuriser un parcours une mission quasi impossible. Les instances parlent de développement, d’élargissement du calendrier, mais elles semblent oublier qu’un sport sans base solide finit par s’effondrer.
Ne soyons pas naïfs non plus. Quand on voit certaines performances hallucinantes, quand on assiste à des envolées qui semblent défier les lois de la physiologie, comment ne pas avoir un léger doute ? Le dopage ne s’est jamais arrêté, il s’est modernisé, il est devenu plus sophistiqué. Certes, les contrôles sont plus nombreux, mais ils arrivent toujours après la bataille. L’histoire du cyclisme est une succession de mensonges et d’illusions. Qui nous dit qu’on ne vit pas un nouvel âge d’or de la triche, où seuls les meilleurs chimistes font la différence ?
Alors oui, ce sport est toujours magnifique, oui, les coureurs restent des forçats de la route, oui, les classiques nous offrent parfois encore de beaux moments. Mais où va-t-on ? Pourquoi laisse-t-on le cyclisme s’éloigner toujours plus de son public ? Pourquoi accepte-t-on qu’il devienne une machine ultra-médiatisée, aseptisée, où tout est calibré à l’extrême ?
Le cyclisme a toujours été un sport populaire, un sport d’émotions, un sport d’inattendu. Il est grand temps de le défendre, avant qu’il ne devienne un simple spectacle prévisible, où seuls deux ou trois coureurs peuvent encore rêver de la victoire.
Il n y a qu’une chose à espérer : que cette saison 2025 soit celle des surprises et des leaders et armadas contestés. Sinon, le cyclisme risque définitivement d’y perdre son âme.
Yann Vallerie
Photo : A.S.O./Charly Lopez
Illustration : DR
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2 réponses à “Cyclisme. Les Strade Bianche arrivent ce samedi…Mais déjà une saison cycliste à deux ou trois vitesses qui pourrait devenir ennuyante ?”
Bravo , excellent article .
Demat an holl, après avoir lu ce bel article, je vous propose pour vous divertir en attendant le Tour de France, la chanson des Queen «Bicycle Race « I Want to ride my bicycle bicycle bicycle i Want to ride it where i like. Kenavo.