La question des retraites est un enjeu majeur en France, où le système par répartition semble de plus en plus sous pression. Dans son étude L’avenir de nos retraites et la capitalisation : au-delà des mythes et des clichés, publiée sous la plume de l’économiste Sébastien Laye, l’association Contribuables Associés défend l’idée d’un système mixte combinant répartition et capitalisation. Alors que les réformes successives peinent à garantir l’équilibre du régime actuel, cette proposition mérite d’être analysée avec attention. Retour sur les principaux enseignements de cette étude, avec un regard critique et nuancé.
Un système par répartition à bout de souffle ?
L’étude commence par dresser un constat alarmant sur la situation du système actuel de retraite par répartition. La France consacre 14,4 % de son PIB aux pensions, un chiffre bien au-dessus de la moyenne européenne. Or, avec un ratio actifs/retraités en chute libre (passé de 4 cotisants pour 1 retraité en 1960 à environ 1,7 pour 1 aujourd’hui), les perspectives sont inquiétantes.
Selon Contribuables Associés, les déséquilibres démographiques et économiques rendent le modèle actuel insoutenable à long terme. La baisse de la natalité et l’augmentation de l’espérance de vie allongent la durée de perception des pensions sans que le nombre de cotisants ne suive. L’étude souligne également le poids croissant des déficits, qui contraint l’État à financer les retraites par l’endettement.
Ce diagnostic est largement partagé, mais il n’est pas nouveau. Depuis les années 1990, chaque réforme des retraites a été motivée par ces mêmes tendances. Cependant, si le problème est bien réel, la solution n’est pas nécessairement évidente. La capitalisation, souvent présentée comme une alternative efficace, est-elle une réponse adaptée aux enjeux français ?
Pourquoi intégrer un volet capitalisation ?
L’étude plaide pour l’introduction d’un système mixte, où la capitalisation viendrait compléter la répartition. Ce modèle existe déjà dans plusieurs pays européens :
- L’Allemagne, où l’épargne individuelle et les fonds de pension d’entreprises renforcent les pensions publiques.
- La Suède, qui a introduit des comptes notionnels simulant une épargne personnelle.
- Le Danemark, où un fonds de pension obligatoire coexiste avec une retraite universelle financée par l’impôt.
L’objectif de la capitalisation serait de diversifier les sources de financement, en incitant les travailleurs à investir une partie de leurs cotisations dans des fonds dédiés. Selon l’étude, un tel modèle permettrait :
- D’augmenter les pensions futures, en bénéficiant des rendements financiers.
- De réduire la pression sur le budget public, en limitant les transferts intergénérationnels.
- D’encourager l’investissement productif, en orientant l’épargne vers l’économie réelle.
L’idée est séduisante sur le papier, mais elle repose sur plusieurs hypothèses optimistes. En premier lieu, elle suppose que les marchés financiers offriront des rendements suffisants pour assurer des pensions attractives, ce qui n’est pas garanti sur le long terme. De plus, la transition vers un tel système poserait un défi majeur : comment financer les retraites actuelles tout en constituant des fonds d’épargne pour les générations futures ? Une question à laquelle l’étude n’apporte pas de réponse détaillée.
Démystifier la capitalisation : arguments et limites
Un des objectifs de l’étude est de répondre aux idées reçues sur la capitalisation. Elle cherche ainsi à démonter certains mythes :
- « Les fonds de pension sont trop risqués » : L’étude estime que la diversification et la gestion prudente permettent de limiter les pertes. Toutefois, la crise de 2008 a montré que même les systèmes bien gérés peuvent être frappés par des effondrements brutaux.
- « Les banques et assurances seraient les grandes gagnantes » : L’auteur propose la création de fonds publics de capitalisation, limitant l’influence des acteurs privés.
- « Les Français perdraient de l’argent » : L’étude met en avant des exemples étrangers où les retraites capitalisées ont produit de bons rendements.
Si ces arguments sont recevables, ils ne dissipent pas toutes les incertitudes. L’étude n’aborde que brièvement les inégalités que la capitalisation pourrait engendrer : les travailleurs aux revenus modestes, qui cotisent peu, risquent de se retrouver avec des pensions bien inférieures à celles des plus aisés. Par ailleurs, elle ne répond pas à une question cruciale : que se passerait-il en cas de crise financière majeure affectant les fonds de pension ? Le cas du Chili, souvent cité comme modèle, a montré des limites importantes lorsque les rendements se sont effondrés.
Un projet de réforme, mais quel chemin pour y parvenir ?
L’étude de Contribuables Associés propose des pistes concrètes pour introduire progressivement la capitalisation en France :
- Créer un fonds souverain de retraite, qui serait alimenté par une partie des cotisations actuelles et investirait dans des actifs diversifiés.
- Permettre aux salariés d’épargner volontairement pour leur retraite, avec des incitations fiscales attractives.
- Transférer une partie des nouvelles générations vers un modèle mixte, sans impacter les retraités actuels.
Ces mesures sont intéressantes, mais elles impliquent une période de transition délicate. L’instauration d’un fonds souverain nécessiterait un financement initial massif, ce qui pourrait alourdir encore la dette publique à court terme. Par ailleurs, il faudrait éviter de creuser les inégalités, notamment pour ceux qui n’auraient pas les moyens d’épargner suffisamment.
Une réflexion nécessaire, mais à affiner
L’étude de Contribuables Associés a le mérite de poser un débat essentiel : celui de la viabilité du système de retraite français. Son diagnostic sur les limites de la répartition est juste et ses propositions méritent d’être considérées.
Cependant, la capitalisation ne peut pas être vue comme une solution miracle. Son efficacité dépend de nombreux facteurs économiques et financiers, et sa mise en place soulèverait des défis considérables. Si l’exemple de pays comme la Suède ou le Danemark montre que des solutions hybrides existent, la France devra adapter toute réforme à son propre contexte socio-économique.
Le débat sur les retraites ne doit pas se réduire à un choix binaire entre répartition ou capitalisation. La véritable question est comment assurer des retraites décentes et pérennes, tout en garantissant l’équité entre les générations et la protection des plus vulnérables. Un défi de taille, qui mérite plus qu’un simple affrontement idéologique.
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2 réponses à “Vers une réforme des retraites ? Analyse critique de l’étude de Contribuables Associés sur la capitalisation”
Le problème est insoluble. Aucune garantie de retraites décentes malgré le système choisi.
On peut sauver le système en divisant la « manne »par un nombre de points acquis.Léquilibre est assuré mais les retraites seront faméliques.
Une chose à considérer: Si la retraite est famélique, l’obligation de secours entre parents et alliés fera que les générations les plus jeunes devront encore payer.
C’est au futur retraité d’économiser pour sa retraite (assurance-vie, par exemple) en ne dépensant pas tout son salaire..