Crise agricole : l’étude Ipsos-Reussir confirme les inquiétudes des agriculteurs sur leur avenir

L’agriculture française est à un tournant décisif. L’étude Agri-Enjeux 2030-2035, réalisée par Ipsos et Reussir, met en lumière les préoccupations majeures du monde agricole face à des perspectives économiques sombres. Entre baisse des revenus, incertitudes sur l’avenir et nécessité de diversification, cette enquête dresse un état des lieux inquiétant sur la viabilité des exploitations.

Des revenus en chute libre, un avenir incertain

L’étude révèle que 59 % des agriculteurs estiment que leur revenu en 2024 est en baisse par rapport aux années précédentes, avec un constat encore plus sévère chez les céréaliers (75 %). Sur les cinq à dix dernières années, 46 % des exploitants déclarent que leur revenu a diminué, et seuls 16 % envisagent une amélioration dans les années à venir. L’incertitude domine : la majorité redoute une nouvelle érosion de leur pouvoir d’achat.

Face à cette situation, les exploitants agricoles pointent les aléas climatiques et la réglementation comme les deux plus grands facteurs de risque. Les normes environnementales, les contraintes administratives et l’instabilité des prix viennent renforcer une sensation de précarité économique.

Un système d’aides contesté et des difficultés structurelles

Loin d’être perçues comme un levier de croissance, les aides publiques sont aujourd’hui insuffisantes pour garantir une stabilité financière aux agriculteurs. Seuls 51 % d’entre eux considèrent les subventions comme une composante clé de leur chiffre d’affaires, contre 84 % qui comptent avant tout sur la vente de leurs productions. En troisième position, la production d’énergie (photovoltaïque, méthanisation) apparaît comme un complément de revenu stratégique, mais encore minoritaire.

L’agriculture française fait face à un double défi : l’accès difficile aux financements et une main-d’œuvre de plus en plus rare. Le manque de personnel qualifié est mentionné comme une contrainte majeure, tout comme la perception dégradée du métier par le grand public.

Vers une diversification incontournable

Pour s’assurer un avenir, les agriculteurs semblent prêts à diversifier leurs sources de revenus. L’étude met en évidence une forte progression des initiatives dans le domaine de la production d’énergie, qui pourrait devenir un axe stratégique majeur. Aujourd’hui, seuls 14 % des agriculteurs exploitent cette ressource, mais 29 % envisagent d’y recourir d’ici 2035.

Par ailleurs, d’autres formes de diversification émergent : vente directe aux consommateurs, prestations de services agricoles et développement du tourisme rural. Autant de pistes explorées pour pallier la baisse des revenus agricoles traditionnels.

Contrairement aux idées reçues, les agriculteurs ne prévoient pas de bouleversements radicaux dans leurs méthodes de travail. 63 % déclarent pratiquer une agriculture conventionnelle ou raisonnée, et cette tendance ne devrait que faiblement évoluer d’ici 2035. Si certains s’orientent vers des démarches environnementales (HVE, bio), cette transition reste modérée.

Autre point de stabilité : la structure des exploitations. Plus de la moitié des agriculteurs ne prévoient aucun changement dans leur mode de gestion. Seuls 13 % envisagent d’accueillir un nouvel exploitant au sein de leur structure, traduisant ainsi une inquiétude quant à la transmission et à la pérennisation des exploitations.

Un secteur en péril sans mesures adaptées

L’étude Ipsos-Reussir met en évidence une agriculture sous pression, où les difficultés économiques, les contraintes réglementaires et le manque de perspectives nourrissent un sentiment d’inquiétude généralisé. À l’horizon 2035, si des solutions ne sont pas rapidement mises en place, c’est toute une filière qui risque de vaciller.

La diversification et la modernisation seront des enjeux clés, mais elles ne suffiront pas sans une refonte profonde du modèle agricole français. Une question demeure : la France veut-elle encore de ses agriculteurs ?

Illustration : DR
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