Donald Trump serait-il gaullien ?

Les médias « mainstream » tournent quasiment en boucle en commentant les décisions de Donald Trump. Il est vrai que, depuis son retour à la Maison Blanche, nous assistons à un véritable festival d’« executive orders » qui partent dans toutes les directions. Lorsque quelqu’un avance ainsi, il est difficile de savoir où il veut vraiment aller. Beaucoup pensent que Trump agit par impulsions successives et avec une certaine précipitation, quitte à faire volte-face peu de temps après. Je suis de ceux qui ont un sentiment différent et je vais tenter de justifier pourquoi.

Donald Trump a-t-il un plan ou, pour le moins, une vision du monde ?

En 2017, à peine entré en fonction après son élection de novembre 2016, il annonçait qu’il allait « assécher le marigot de Washington ». A l’époque, peu de gens soupçonnait l’existence d’un « pouvoir de l’ombre » malgré les avertissements d’Eisenhower en janvier 1961 et de Kennedy en 1963, dénonçant le « complexe militaro-industriel » pour le premier et le « noyautage » de l’Administration américaine, y compris la Maison Blanche,   par ce pouvoir de l’ombre pour le second.

Peter Dale Scott, politologue et historien, a poursuivi ses recherches durant quatre décennies pour décrire cet « Etat-profond américain » et son mode de fonctionnement. Il est l’auteur de plusieurs livres dont « l’État-profond américain » (publié par les éditions Résistances en 2014) constitue la synthèse. Voici le début de son avant-propos : « L’État profond américain devrait être une préoccupation universelle et particulièrement en France. Ce système renforce le milieu supra-national des super-riches (le « supramonde ») dont seulement 80 d’entre-eux possèdent autant que 3,5 milliards d’êtres humains. Grâce à la croissance récente et colossale de la richesse à travers le monde, ceux qui composent l’« élite du pouvoir globalisé » réunie chaque année au Forum de Davos ont aujourd’hui plus d’influence sur la gouvernance mondiale que ceux qui siègent à l’Assemblée Générale des Nations Unies .

Les participants de Davos n’ont pas besoin de donner leurs instructions à l’État profond américain qui s’est structuré pour satisfaire les intérêts de Wall Street et d’autres milieux dont celui du crime organisé. Certains éléments de ce supramonde font partie des « élites de l’ombre dont l’influence découle de moyens illicites ou non-conventionnels ». D’autres acteurs, tels que le vendeur d’armes saoudien Adnan Khashoggi – qui fut autrefois appelé « l’homme le plus riche du monde »- font partie intégrante de l’histoire de l’État profond américain ». 

C’est à ce système qu’apparemment Donald Trump a décider de s’attaquer. Le fait-il à titre personnel, considérant qu’il devait le faire au nom des valeurs de la démocratie et de la transparence nécessaire à cette dernière, ou bien est-il l’incarnation d’un autre système qui a décidé de lui-même de combattre cet Etat profond ? Peut-être ne le saurons-nous jamais ?

Toujours est-il que, dès son premier mandat, Trump a commencé à attaquer les « mondialistes » de l’État profond et ceux-ci ont riposté, notamment par les moyens judiciaires. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur sa défaite de 2020 qu’il a toujours contesté. Ce que nous pouvons retenir, c’est qu’il a fait ce qui était le pire pour cet État profond. Il l’a sorti de l’ombre pour le mettre en pleine lumière.

Lui et ses équipes ont pu, durant les quatre ans de sa « traversée du désert », mettre au point un programme minutieux destiné à identifier tous les rouages de cette organisation afin de frapper à coup sûr le moment venu. La rapidité des actions prises par le président réélu dès son investiture confirme sa volonté d’agir rapidement pour laisser le moins de temps possible à une éventuelle contre-attaque. Donald Trump est un « anti-mondialiste » qui ne veut pas du monde « monopolaire » et tous ses discours sur les patriotes et les souverainistes laissent penser qu’il serait plutôt favorable à l’établissement d’un monde multipolaire dont les pivots seraient les continents.

Bien évidemment, dans l’esprit de Trump, le continent Nord-américain doit arriver en tête.

L’abandon de la doctrine de Mackinder, chère à l’État profond

Halford John Mackinder est à l’origine de la théorie du Heartland. Il publie en 1904 un article qui fera référence concernant la géopolitique mondiale. Sans entrer dans une étude détaillée, c’est de cette conception qu’est née la nécessité pour la puissance dominante du XIXème siècle de faire en sorte que le continent européen soit toujours coupé en deux par une ligne empêchant toute coopération économique entre l’Est et l’Ouest. Les deux guerres mondiales nées en Europe ont toujours conservé ce principe. L’État profond américain dont le CFR (Council on Foreign Relations) détermine la politique étrangère des États-Unis depuis des décennies l’a ensuite repris à son compte.  Après la chute de l’URSS en 1991, la ligne de séparation  héritée de Yalta et appelée « rideau de fer », s’est déplacée vers la Russie via l’OTAN dans un premier temps, suivie de près par l’Union européenne. Cette théorie du « containment » décrite par Zbignew Brzezinski dans son livre « le grand échiquier » paru en 1997 et dans lequel l’auteur indiquait les moyens de détruire la Russie a surtout dissuadé les dirigeants russes de se tourner de l’Occident. Pourtant, à son arrivée au pouvoir en 1999, Vladimir Poutine avait tendu la main aux Européens qui ne l’ont pas saisie.

Les sanctions qui ont frappé la Russie en 2014 et surtout en 2022 ont, de fait, accéléré le mouvement de rapprochement entre la Chine et la Russie.

Le poids dominant d’une alliance Chine- Russie

Donald Trump doit prendre en compte cette perspective qui peut mettre à mal son projet de faire du continent américain le plus important à la surface de la planète. A-t-il les moyens de détacher la Russie de la Chine ?

Historiquement, la Russie est plus européenne qu’asiatique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Grande-Bretagne a toujours craint, du moins depuis Bismark, une alliance économique entre l’Allemagne et elle car le complexe ainsi formé devenait redoutable pour sa propre économie.

Cette crainte a été reprise en compte par l’État profond américain et Georges Friedman, patron de la Stratfor l’a clairement exprimé dans une conférence devant le chapitre de Chicago du CFR. S’opposant frontalement à l’État profond supranational, Donald Trump ne peut cautionner cette politique opposant l’Union européenne à la Russie. Il risque de devoir  affronter un bloc sino-russe

soutenu par les BRICS+ qui prennent de plus en plus d’importance et il doit trouver le moyen de rétablir une certaine forme d’équilibre entre les différents continents, faute de quoi il deviendrait impossible d’assurer la prééminence de l’Amérique.

Dans ce contexte, et c’est une hypothèse personnelle, il serait logique qu’il réfléchisse à la façon de rapprocher la Russie de l’Europe pour la sortir de l’attraction de la Chine. Entre le bloc sino-russe et une Europe « gaullienne » s’étendant de « l’Atlantique à l’Oural », le choix s’imposera.

L’UE telle qu’elle est n’est pas compatible avec ce projet

Entièrement construite sous la férule de l’État profond américain, l’Union européenne devait représenter « l’appartement-témoin » du monde globalisé, sans peuple identifié et sans frontières.

Le rapprochement entre l’Europe et la Russie ne peut se faire que dans le cadre d’une « Europe des nations » et avec des relations bilatérales d’État à Etat. Il faut pour cela revenir à la conception que de Gaulle avait de l’Europe, préservant les souverainetés nationales et basée sur les coopérations entre pays. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles Donald Trump, au travers d’Elon Musk, cherche à soutenir les mouvements patriotes et souverainistes des pays de l’actuelle UE et auprès desquels il semble rencontrer un certain succès.

Jean Goychman

 Crédit photo : Rawpixel.com
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

7 réponses à “Donald Trump serait-il gaullien ?”

  1. Georges S dit :

    Comparer DJT a de Gaulle, fallait oser. De Gaulle etait avant tout un politicien, qui n’hesitait pas a liberer des traitres (thorez) et des manipulateurs (la mitte) pour obtenir ce qu’il voulait. De Gaulle a abandonne des milliers de francais en Algerie et a fait condamner les militaires qui voulaient les sauver. Il a abandonne des dizaines de milliers de Harkis qui ont ete brutallement assassines.
    DJT est un businessman. Quand il etait ado, il passait 1 1/2 mois de ses vacances sur les chantiers de son pere en tant qu’apprenti. De Gaulle faisait quoi pendant ses vacances? DJT gere son nouveau gouvernement comme tout industriel: Couper dans le budget et augmenter la production. De Gaulle a fait de la politique politicienne. (je peux en parler j’ai grandi sous son dictat). DJT a uni une grande partie du peuple americain, sans alliance, de Gaulle n’aurait jamais ete elu.

  2. Ronan dit :

    Bonjour, tout est dit au point 1 de la Charte des Patriotes : » Les Patriotes veulent dire la vérité sur l’Union européenne. Depuis des dizaines d’années, les politiques font croire qu’elle est réformable, ce qui est systématiquement démenti par les textes et la réalité. C’est pourquoi seul un Frexit organisé avec méthode sur la base de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne permettra au peuple de retrouver sa liberté et à la France sa souveraineté. Aucune disposition juridique et aucune juridiction ne doivent être supérieures à la Constitution de la République et à la loi votée selon les dispositions de celle-ci. Grâce au Frexit, la France pourra se libérer des mauvaises directives européennes (comme celle sur le détachement des travailleurs), des mauvais traités commerciaux (comme le CETA) et des mauvaises politiques (comme la suppression des frontières économiques et territoriales). Sans souveraineté, la politique n’est que communication et vaines promesses. Avec la souveraineté, la politique retrouve sa finalité d’action. En se libérant de l’Union européenne, la France pourra de nouveau coopérer avec toutes les nations du monde. ». Quant à moi, étant Gaulliste de coeur car née dès l’avènement de la cinquième république gaullienne, je ne peux que souscrire à ce concept d’Europe des Nations fait d’amitié et de coopération entre états souverains. Kenavo

  3. Gaï de Ropraz dit :

    Il y a beaucoup de vérités dans ce qu’écrit Jean Goychman.
    Etant moi-même Russe d’origine (Et le Russe est ma langue maternelle), je vais juste rappeler un point fondamental : En effet Poutine s’est rapproché de la Chine après avoir vainement essayé de « plaire » aux Européens qui l’ont snobé et le traitaient comme un « Moujik » (Paysan) de la Toundra.
    Ceci étant pose, si vous allez en Russie et si vous échangez vos propos avec les Russes, la grande majorité de cette population qui réside, rappelons-le, à l’Ouest de l’Oural, c’est à dire en Russie d’Europe, est proche non pas des Chinois mais des européens. De ce fait, je me demande si le rapprochement de Poutine avec la Chine n’est pas tout simplement un artifice politique pour inciter l’Europe à mieux comprendre, et mieux traiter la Russie.
    A cet égard, comme je l’explique plus haut, il me semble être bien placé pour « comprendre l’esprit qui prevaut ». C’est pourquoi je prends la libertéde confirmer que la Russie et la majorité de ses citoyens sont bien plus proches de l »Europe que des pays asiatiques, qui, pour la plupart des Russes restent des pays lointains, sans le moindre intérêt en dehors d’une relation commerciale.
    Donc et sans etre pragmatique, il me semble qu’il y a une erreur monumentale à ne pas commettre, tout au moins au niveau des dirigeants européens. C’est celle de pas snober Poutine. Mais au contraire, de chercher une alliance politique avec la Russie, qui forcément entraînerait tout autant une alliance commerciale. Or précisément, c’est ici où je voulais en venir, pour dire qu’il me semble que Trump, et son administration (La présence et le dernier discours, qui en a décoiffé plus d’un, de son Vice-President en visite en Europe est un exemple frappant), comprend cet appel du pied de Poutine. De ce fait, très probablement, il cherchera à nouer des liens politiques et commerciaux avec la Russie de Poutine.
    C’est pourquoi, il faut bien comprendre que si cela se réalise, comme trop souvent par la grâce de ses dirigeants qui n’ont rien compris, l’Europe sera laissée sur le bas-côté de l’immense alliance qui se forge entre les Etats-Unis et la Russie.

  4. Jean Goychman dit :

    @ Georges S
    Je ne dis pas que Donald Trump est de Gaulle et cela ne me viendra jamais à l’idée. Cependant, je constate que leur vision sur l’Europe est assez similaire. Cette Europe intégrée écartant l’URSS puis la Russie (dont le résultat est le rapprochement avec la Chine) ne leur convient pas.
    De Gaulle a toujours agi pour maintenir la Russie en Europe et il est probable que Trump a le même objectif, pour d’autres raisons.

  5. Hadrien Lemur dit :

    Si il avait été président de la France en 1956, Donald Trump n’aurait jamais trahi les pieds noirs et laissé l’Algérie aux mains des terroristes du FLN. Donc dire qu’il puisse être « gaullien » c’est carrément l’insulter. Après avoir survécu à un attentat en juillet 2024, Trump se releva en criant « fight, fight, fight ! ». En 1916 De Gaulle fut capturé par les allemands avec un fusil tout neuf qui n’avait pas tiré une seule cartouche. À part nous avoir doté du CEA et permis à la France d’accéder à l’énergie atomique (ce qui n’est pas rien, il faut l’avouer), il n’y a pas grand chose de positif à retenir de De Gaulle. L’icône dont beaucoup se réclament à du plomb dans l’aile.

  6. Ronan dit :

    Bonjour,Réponse cordiale à Georges S : dire que DE GAULLE était un dictateur est particulièrement vexant et faux désolé. Donc, je vous invite à lire des livres sur le Général DE GAULLE ; ses mémoires écrites par Alain PEYREFITTE, les trois derniers chagrins du Général DE GAULLE, Sur les pas de Charles DE Gaulle ; ces livres sont en vente sur Rakuten ; et à se connecter sur le site « https://www.charles-de-gaulle.org/ » pour se faire une autre idée de la belle France de ces années là. Certes, il a fait des erreurs concernant l’Algérie mais elles sont à pardonner par rapport à la grandeur de la France à cette époque-là et par rapport à celle d’aujourd’hui, hélas. Sans lui, dans quel état aurait été notre pauvre pays aujourd’hui? Kénavo

  7. lejean dit :

    Évidemment trump c’est rien du tout par rapport à de Gaulle, je n’en dirais pas plus car il y aurait tant à dire … Parlez moi de Roosevelt 2 plutôt

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

A La Une, International

L’aveuglement des élites européistes a mis l’Union européenne hors du jeu mondial

Découvrir l'article

A La Une, International

Géopolitique. Nous vivons un instant historique…

Découvrir l'article

International

Après le changement de cap des États-Unis, quel avenir pour la force de dissuasion française ?

Découvrir l'article

International

Le rapprochement entre l’Amérique et la Russie prend les euro-mondialistes à contre-pied !

Découvrir l'article

Immigration, International

La Maison Blanche répond aux immigrationnistes avec une vidéo : des mères de filles tuées par des clandestins témoignent

Découvrir l'article

A La Une, International

L’immigration est au cœur du projet mondialiste

Découvrir l'article

Politique, Tribune libre

L’intérêt des Français, c’est bien. Mais qui le détermine ? [L’Agora]]

Découvrir l'article

Tribune libre

Mais de quelle Europe parlons-nous? [Tribune libre]

Découvrir l'article

Economie, Tribune libre

Sortir de l’euro devient vital [Tribune Libre]

Découvrir l'article

Politique

Tous les Premiers ministres mèneront à Bruxelles

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky