Une étude canadienne menée sur 16 ans et portant sur 13,5 millions de personnes vient de révéler une augmentation alarmante des cas de psychose et de schizophrénie chez les jeunes consommateurs de cannabis. Le nombre de diagnostics liés à la consommation de cette substance a pratiquement triplé entre 2006 et 2022, avec une augmentation particulièrement marquée chez les hommes âgés de 19 à 24 ans.
Ces chiffres accréditent les inquiétudes croissantes autour des effets du cannabis sur la santé mentale, alors que plusieurs pays, dont le Canada, laissent la place à une marchandisation accrue de cette drogue, souvent sous-estimée dans ses risques psychotropes.
Un risque accru de schizophrénie chez les jeunes consommateurs
L’étude, publiée dans la revue JAMA Network Open, a analysé les dossiers médicaux de millions de patients en Ontario afin d’évaluer le lien entre l’usage du cannabis et le développement de troubles psychotiques.
🔹 Le nombre de cas de schizophrénie liés au cannabis est passé de 3,7 % en 2006 à 10,3 % en 2022.
🔹 Chez les hommes âgés de 19 à 24 ans, la hausse est encore plus marquée : 18,9 % des nouveaux cas de schizophrénie dans cette tranche d’âge seraient désormais liés à une consommation excessive de cannabis.
🔹 Les femmes sont aussi concernées, bien que dans une moindre mesure, avec une augmentation de 1,8 % des cas liés au cannabis dans cette même tranche d’âge.
Le tétrahydrocannabinol (THC), le principal principe actif du cannabis, interfère avec la libération et la transmission de la dopamine, un neurotransmetteur essentiel dans le fonctionnement du cerveau. Des études ont déjà démontré que des niveaux anormaux de dopamine sont directement impliqués dans l’apparition de symptômes psychotiques. “Cette étude apporte des preuves supplémentaires du lien entre la consommation intensive de cannabis et l’augmentation du risque de psychose et de schizophrénie”, expliquent les chercheurs.
La légalisation du cannabis : un tournant dans l’augmentation des cas
L’augmentation des troubles psychiatriques liés au cannabis coïncide avec la libéralisation progressive du marché du cannabis au Canada. En 2018, le gouvernement canadien a autorisé l’usage récréatif de cette drogue, suivant une première vague de déréglementation concernant le cannabis médical.
Les auteurs de l’étude soulignent que la prolifération des produits contenant des taux élevés de THC pourrait être une explication plausible à cette explosion des cas psychiatriques. Contrairement au cannabis d’antan, les produits actuellement disponibles sur le marché présentent des concentrations bien plus élevées en THC, augmentant considérablement le risque d’effets secondaires graves.« Les politiques publiques ont un impact majeur lorsqu’il s’agit de l’exposition à des produits de cannabis très concentrés », explique Jodi M. Gilman, professeur de psychiatrie à la Harvard Medical School.
Selon elle, les dangers du cannabis sur la santé mentale sont largement sous-estimés et l’on assiste aujourd’hui à un véritable “test en conditions réelles” sur des millions de consommateurs, qui sont exposés à des produits plus puissants que jamais.
Trois obstacles majeurs à une prise de conscience collective
Les chercheurs de l’étude identifient trois défis majeurs qui empêchent une reconnaissance claire des effets du cannabis sur la santé mentale :
1️⃣ Le délai d’apparition des troubles : Les effets négatifs du cannabis sur le cerveau ne sont pas toujours immédiats. Il peut falloir plusieurs années avant qu’un trouble psychotique ne se développe, rendant difficile l’établissement d’un lien direct avec la consommation.
2️⃣ La difficulté de retracer une consommation passée : Une grande partie des patients atteints de schizophrénie liée au cannabis ne sont pas diagnostiqués immédiatement. Retracer précisément leur consommation passée est donc un défi, ce qui limite la capacité à établir des statistiques précises.
3️⃣ La diversité des produits consommés : Le cannabis d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’il y a 20 ans. Les formes ultra-concentrées, comme les huiles, les résines ou les e-liquides, présentent des niveaux de THC extrêmement élevés. Or, ces différences ne sont pas toujours prises en compte dans les études.
Un avertissement pour la France et l’Europe
Alors que plusieurs voix s’élèvent en France pour revendiquer une légalisation du cannabis, l’exemple canadien est un signal d’alarme. Loin d’être une simple « drogue douce », le cannabis moderne augmente clairement le risque de maladies psychiatriques chez les jeunes.
Cette étude met en lumière un enjeu majeur de santé publique, souvent éclipsé par les discours favorables à la légalisation. Loin de réduire les risques, une ouverture incontrôlée du marché du cannabis pourrait exposer des millions de jeunes à des troubles mentaux graves.
Face à ces constats, plusieurs questions restent en suspens :
➡️ Les défenseurs de la légalisation du cannabis prendront-ils en compte ces données ?
➡️ Les gouvernements adapteront-ils leurs politiques en fonction de ces nouvelles preuves scientifiques ?
➡️ Faut-il durcir la prévention contre les dangers du cannabis auprès des jeunes ?
Alors que le Canada semble aujourd’hui pris au piège de sa propre politique de libéralisation, la France ferait bien de ne pas suivre le même chemin sans une évaluation rigoureuse des risques réels pour la santé mentale de sa jeunesse.
YV
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