La Couronne de France, une nouvelle série BD sur les Capétiens

Intitulée La Couronne de France, une nouvelle série de bandes dessinées présente les rois de la dynastie des Capétiens. Consacré à Charles VII, victorieux de la guerre de Cent Ans, et Charles VIII, qui a lancé la France dans la première guerre d’Italie, le deuxième tome se focalise sur deux femmes : Jeanne d’Arc et Anne de Bretagne.

Le premier tome nous emmène de 1165 à 1314, de Philippe Auguste à Philippe le Bel. En 1179, lors d’une chasse au cerf en pleine forêt de Compiègne, Philippe, fils du Roi Louis VII, dit Louis le pieux, disparaît. Une battue est lancée. Il est retrouvé deux jours plus tard dans un état très inquiétant, restant inconscient de longues semaines. Louis VII, qui voit sa santé péricliter, décide, au vu de la guérison de Philippe, de le faire couronner à l’aube de ses 15 ans. Le vieux roi cherche ainsi à assurer sa succession, mais il ne pourra pas assister au sacre, frappé par une attaque qui le laisse impotent. Le jeune monarque échappe à la régence, souhaitée par ses oncles et sa mère, et se rapproche du Comte d’Alsace en épousant sa nièce, Isabelle. Par cette décision, il démontre qu’il a les épaules pour être Roi de France. Il va mener une politique visant à étendre le domaine royal… Un siècle plus tard, Philippe IV, dit « Philippe le Bel », devient roi de France. Le royaume est alors à l’apogée de sa puissance. Sous son règne, le pouvoir royal se renforce encore. Mais les difficultés financières sont telles qu’il va abattre l’Ordre du Temple.

Le deuxième tome décrit un formidable redressement national, en commençant par Charles VII, né en 1403, et roi de France de 1422 à 1461. En 1346, la bataille de Crécy marque le début d’une série de désastres pour le royaume de France. Seul un miracle pourrait le sauver. Dans l’ombre, sous Charles VII, le pouvoir royal prépare un sursaut. En 1425, Jeanne d’Arc assiste à l’incendie de son village de Domrémy par les Anglais. Armée d’une pioche, elle abat un soldat. Un chevalier français, intrigué par son courage, la remarque. Elle lui révèle qu’elle entend les voix des saints Michel, Marguerite d’Antioche et Catherine d’Alexandrie, qui lui ordonnent de délivrer la France de l’occupation anglaise. Très rapidement, le royaume est rétabli dans ses frontières… Puis ce deuxième tome se penche sur Charles VIII, né en 1470 au château d’Amboise, où il est mort en 1498, et roi de France de 1483 à 1498. Il se focalise sur l’annexion de la Bretagne. Le 28 juillet 1488, à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, les troupes françaises de Charles VIII battent celles du duc de Bretagne François II. Après la mort de François II, le duché de Bretagne tente d’échapper à la tutelle du roi de France en se rapprochant de Maximilien d’Autriche, père de la fiancée de Charles VIII, mais adversaire de la France. En 1489, Anne est couronnée duchesse de Bretagne. Puis en 1490 elle épouse Maximilien. Charles VIII décide alors d’épouser Anne, ce qui suppose la rupture de ses fiançailles avec Marguerite et l’annulation du mariage d’Anne avec Maximilien. En 1491, l’armée française envahit le duché de Bretagne. Le mariage de Charles avec Anne est célébré le 6 décembre. Anne a alors presque 15 ans. Le contrat de mariage stipule, d’une part, que le duché de Bretagne devient la possession de Charles VIII, et d’autre part, qu’au cas où Anne deviendrait veuve, elle ne pourrait se remarier qu’avec le successeur de ce dernier. Puis Charles VIII entame une guerre en Italie. Dès lors, le royaume de France devient une grande puissance européenne.

La Couronne de France est une nouvelle série qui passe en revue les Capétiens, de 1165 à 1774, sur une période allant ainsi de Philippe II Auguste à Louis XV. Cinq albums sont prévus, chacun se focalisant sur deux rois.

On n’est pas surpris de découvrir que le scénariste est Jean-Pierre Pécau. Né en 1955 à Paris, dans un premier temps professeur d’histoire, il choisit de quitter son métier pour devenir créateur de jeux de rôle. Puis il s’oriente vers la bande dessinée, d’abord dans un cadre fantastico-historique, avec un univers composé de trois séries d’une vingtaine d’albums (Arcanes, Arcane majeur, L’Histoire secrète), dans lequel des cartes de tarots permettent de voir et de changer l’avenir. Puis il se consacre à un sujet qui le passionne : l’uchronie. Il crée dans ce genre méconnu les séries Empire (après la conquête de l’Empire ottoman, Napoléon se lance dans celle des Indes), Le Grand Jeu (les Alliés signent une paix séparée avec l’Allemagne nazie), 1940 et si la France avait continué la guerre (la France continue de se battre en 1940 au lieu de capituler), Luftballons USA (la guerre froide est différente…), USA über alles (les Alliés font un pacte avec l’Allemagne pour renverser le régime soviétique), et Jour J (53 albums prévoient une épisode historique prenant une autre direction…). Il s’est également intéressé à l’heroic fantasy (Le dernier dragon). Mais la plupart de ses séries sont dans la pure veine de la bande dessinée historique : Keltos, L’homme de l’année, Histoire & destins, Les reines de sang – Constance d’Antioche la Princesse rebelle, Révolutions quand l’Histoire de France a basculé, Lignes de front, Indochine, Machines de guerre, Ailes de légende, Les 100 derniers jours d’Hitler…

Dans le premier tome de la série La Couronne de France, Jean-Pierre Pécau se concentre sur les règnes de Philippe II Auguste (1165-1223) et Philippe IV Le Bel (1268-1314). Pourquoi commencer par Philippe Auguste ? Jean-Pierre Pécau le considère comme le premier véritable monarque d’un Royaume de France étendu. Il pense que la volonté de Philippe le Bel d’accroître le pouvoir royal est similaire, par sa lutte contre les Albigeois, sa querelle d’autorité avec le pape, l’imposition des banques lombardes ou encore l’éradication des Templiers.

Dans le deuxième tome, qui se focalise sur Charles VII et Charles VIII, Jean-Pierre Pécau explore les décennies qui ont transformé un royaume moribond en une puissance renaissante. Deux guerres font de la France une puissance européenne : la guerre de Cent Ans contre les envahisseurs anglais puis la conquête de l’Italie, laquelle annonce le début de la Renaissance en France.

Il faut révéler que le scénariste imagine un mystérieux personnage, incarné par un charbonnier, que l’on retrouve au fil des siècles. Celui-ci, semblant représenter le peuple qui entend défendre le royaume de France, intervient pour incliner le destin dans le sens national.  C’est ainsi lui qui sauve Philippe Auguste (en 1179) et assassine l’évêque Pierre Cauchon pour venger Jeanne d’Arc (en 1442). Mais on aurait préféré que son rôle soit accentué et davantage expliqué, quitte à simplifier le scenario…

Dans le premier album, la partie consacrée à Philippe Auguste est dessinée par Milan Jovanovic. Il est né à Kopar, en ex-Yougoslavie, en 1971. Après ses études dans une école de design industriel, il travaille dans un studio d’animation et collabore comme illustrateur dans des agences de pub et des revues. Avec le scénariste Dorde Milosavljevic, il réalise la série historique Kalokagathia sur l’empire byzantin et obtient alors le  »Prix du meilleur jeune auteur » au Salon de BD de Zajecar en 1996. C’est le premier album serbe publié dans les années qui ont suivi la fin de la guerre civile. Une intégrale a été traduite pour la première fois en français. Puis avec le scénariste croate Darko Macan, il dessine la série en cinq volumes La Bête Noire. Résidant à Belgrade, il publie maintenant en France. D’abord, avec Giroud, Secrets Le Serpent sous la glace, puis, avec Alcante, Jason Brice puis Ars Magna. Il poursuit également les séries Carthago (tomes 3 à 5) avec le scénariste Christophe Bec et Les sept vies de l’épervier (tome 14) avec Patrick Cothias. Son trait réaliste et classique convient bien à la bande dessinée historique. Il reconstitue la Cathédrale Notre-Dame de Reims en travaux, la prise de Saint-Jean-D’acre. On regrette cependant qu’il ait si peu fait vieillir Philippe Auguste alors que 35 ans s’écoulent entre le début et la fin de l’album.

La deuxième partie du premier album est dessinée par un duo Italien. Né en 1956, Fabrizio Faina, après avoir travaillé comme architecte, se reconvertit en 1989 dans une carrière de dessinateur et vit à Rome. Né trente ans plus tard, Marco Pizi, après des études universitaires à la faculté d’ingénierie d’Ancône, entame sa véritable passion, la bande dessinée. Il devient l’élève de Fabrizio Faina au cours de bande dessinée d’Ascoli Piceno. Il est maintenant professeur de bande dessinée à la Scuola di Fumetto. Par rapport à celui de Milan Jovanovic, le dessin de Fabrizio Faina et Marco Pizi gagne en précision dans la reconstitution historique.

L’album suivant est dessiné par Marco Pizi, pour la première partie, et Roberto Viacava, pour la seconde. Né en 1975 en Argentine, Roberto Viacava fait ses débuts dans la bande dessinée au début des années 2000. Il s’épanouit dans des genres différents :  la science-fiction et le western. Mais ce dessinateur déçoit, par exemple pour reconstituer le Château des ducs de Bretagne à Nantes.

Les superbes couvertures sont réalisées par le nantais Ugo Pinson.

En fin de chaque album, au dos toilé bleu roi avec filet doré, un dossier de 8 pages comprend des cartes, la généalogie des rois et décrit les principaux événements historiques.

Kristol Séhec

La Couronne de France t. 1, De Philippe Auguste à Philippe le Bel, t. 2, De Charles VII à Charles VIII, 120 pages 29,95 euros et chacun. Éditions Delcourt

Illustrations : DR
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