La Révolution française est souvent enseignée comme un moment de progrès et d’émancipation. Pourtant, derrière le mythe doré de 1789, la réalité des violences qui l’ont accompagnée reste souvent occultée. C’est ce que démontre l’historien Hervé Luxardo dans son livre paru en 2023, La Révolution française et la violence : une logique infernale (Éditions Clefs pour l’histoire de France). En s’appuyant sur des archives et des témoignages contemporains, il met en lumière la nature intrinsèquement destructrice du processus révolutionnaire, bien loin de l’image pacifiée véhiculée par les institutions et l’enseignement officiel.
Un mythe soigneusement entretenu
Depuis plus de deux siècles, la Révolution est célébrée comme un moment fondateur de la France moderne. Pourtant, son récit officiel repose sur des omissions volontaires, comme l’explique Luxardo. Un des cas emblématiques concerne la destruction de la flèche de Notre-Dame de Paris. Officiellement, celle-ci aurait été démontée entre 1786 et 1792. Mais l’historien démontre qu’elle a en réalité été détruite en novembre 1793, en pleine vague de déchristianisation orchestrée par les sans-culottes. Pourquoi falsifier cette date ? Luxardo évoque une volonté de minimiser la brutalité révolutionnaire et d’éviter d’associer les révolutionnaires à des actes de vandalisme antichrétien.
Ce silence historique ne s’arrête pas là. La logique de la Révolution n’a jamais été de pacifier la société, mais d’instaurer un régime fondé sur la peur et la répression. Loin d’être de simples « excès », les violences révolutionnaires étaient préméditées, systématiques et structurées. La Terreur n’a pas été un dérapage, mais une étape logique d’un processus enclenché dès juillet 1789.
La violence comme moteur de la Révolution
À rebours des thèses qui distinguent une Révolution « idéale » (1789) et ses dérives sanglantes (1793-1794), Luxardo démontre que la violence était inscrite dès le départ dans le projet révolutionnaire. Dès les premiers jours, la Révolution s’est nourrie de massacres, d’épuration politique et d’exécutions sommaires. Loin du récit idéalisé de la prise de la Bastille, la réalité fut celle d’une foule massacrant des prisonniers et exhibant leurs têtes en trophées. Peu à peu, cette violence s’est institutionnalisée, devenant un outil politique de premier plan.
L’historien met en évidence le rôle central du langage dans la justification de la violence révolutionnaire. Les révolutionnaires ont rapidement criminalisé leurs opposants, les qualifiant d’ennemis du peuple, d’aristocrates ou de contre-révolutionnaires. Dès lors, leur élimination devenait non seulement légitime, mais nécessaire au salut de la République. Cette rhétorique a servi à justifier les purges successives, qui ont abouti à des milliers d’exécutions par guillotine et à des massacres de masse, notamment en Vendée.
La destruction méthodique des libertés
Contrairement au récit officiel qui présente la Révolution comme une avancée démocratique, Luxardo démontre que le régime révolutionnaire a détruit plus de libertés qu’il n’en a accordé. Sous couvert de progrès, la liberté de la presse a été supprimée, les artistes et écrivains ont été censurés, et toute critique du régime était punie de mort.
L’exemple du massacre de Bédoin en 1794 est particulièrement édifiant. Soixante-trois habitants ont été guillotinés ou fusillés simplement parce que quelques-uns avaient osé arracher un « Arbre de la liberté ». Cet événement illustre le caractère totalitaire de la Révolution, qui ne tolérait aucune contestation.
Parallèlement, la persécution des religieux et des croyants a été d’une ampleur rarement égalée dans l’histoire de France. Prêtres réfractaires traqués, églises saccagées, clochers abattus « au nom de l’égalité » : la Révolution a mené une véritable guerre contre la foi catholique et ses symboles. Cette volonté d’éradiquer la religion s’est matérialisée dans la loi des suspects de 1793, qui permettait d’arrêter, de déporter ou d’exécuter quiconque était jugé « peu fiable » par le régime.
Une violence qui perdure ?
L’un des aspects les plus frappants du livre de Luxardo est sa mise en perspective de la violence révolutionnaire avec les dérives idéologiques contemporaines. L’historien souligne la fascination de certains mouvements politiques pour Robespierre, notamment à gauche, où Jean-Luc Mélenchon et d’autres figures revendiquent ouvertement son héritage. À travers cette glorification, c’est une certaine vision autoritaire et punitive du pouvoir qui ressurgit.
Luxardo démontre que la novlangue révolutionnaire n’a jamais disparu. Hier, on dénonçait les « aristocrates », les « ennemis de la Révolution » ; aujourd’hui, on excommunie ceux qui ne rentrent pas dans l’arc républicain sous des appellations infamantes. À la fin du XVIIIe siècle, le soupçon suffisait à justifier une exécution ; de nos jours, la mise à l’écart sociale et la censure remplissent ce rôle.
Loin d’être un simple ouvrage d’histoire, La Révolution française et la violence : une logique infernale est un plaidoyer pour la vérité historique et un avertissement contre les dérives idéologiques contemporaines. À l’heure où le pouvoir et les médias célèbrent la Révolution sans nuance, le livre d’Hervé Luxardo rappelle les conséquences terribles de l’utopie révolutionnaire et la nécessité d’un regard critique sur cet épisode fondateur. Car la Révolution ne fut pas seulement un moment de liberté, mais aussi une machine à broyer les hommes, leurs croyances et leurs libertés.
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