La curieuse obsession anglaise pour la France

Le récent changement de nom du HMS Agincourt, sous-marin nucléaire d’attaque de la Royal Navy, qui deviendra le HMS Achilles, a déclenché une vague d’indignation outre-Manche. Cette décision, officiellement motivée par la volonté de renforcer les liens entre la France et le Royaume-Uni à l’occasion des commémorations des quatre-vingts ans de la victoire anglo-américaine en 1945, a été qualifiée de « soumission au politiquement correct » par plusieurs figures conservatrices britanniques.

Mais au-delà des polémiques immédiates, cette affaire illustre un phénomène fascinant : la persistance d’une obsession anglaise pour les conflits historiques avec la France, une obsession qui, en réalité, n’est absolument pas réciproque.

Un fantasme de pression française

Certains responsables politiques anglais, comme l’amiral Chris Parry, ont laissé entendre que le changement de nom aurait été imposé sous la pression française. Une théorie difficile à croire tant le sujet semble marginal vu du côté français. Jamais un gouvernement français ne se formaliserait du nom d’un sous-marin britannique, et ce, pour une raison évidente : la France ne se prive pas elle-même de donner à ses bâtiments de guerre des noms d’amiraux et de figures ayant combattu l’Angleterre. On peut citer le Jean Bart, le Suffren, ou encore le Duguay-Trouin, noms de célèbres marins français qui ont, chacun à leur époque, infligé de sérieux revers à la Royal Navy.

De manière générale, la marine française, qui conserve une flotte performante et une capacité de projection mondiale, observe aujourd’hui la déliquescence de la Royal Navy avec plus de commisération que de rivalité. Le Royaume-Uni, qui disposait jadis d’une flotte hégémonique, peine aujourd’hui à maintenir sa puissance navale face aux contraintes budgétaires et aux réductions d’effectifs. Si les Britanniques voient encore la France comme un rival maritime, cette perception ne semble pas partagée de ce côté-ci de la Manche.

L’ombre du pacte AUKUS ?

Une autre explication avancée par certains analystes britanniques est que ce changement de nom serait une sorte de compensation après l’humiliation diplomatique du pacte AUKUS, signé en 2021. Ce traité, qui a vu l’Australie annuler brutalement un contrat de sous-marins avec Naval Group pour se tourner vers un partenariat avec les États-Unis et le Royaume-Uni, avait provoqué une crise majeure entre Paris et Canberra.

Cependant, si cette hypothèse semble séduisante pour certains Britanniques, elle repose sur une exagération du rôle du Royaume-Uni dans cette affaire. En réalité, lorsque la France a rappelé ses ambassadeurs pour marquer son mécontentement, elle ne l’a fait qu’aux États-Unis et en Australie – et non à Londres. Une façon implicite de signifier que, dans cette affaire, le Royaume-Uni n’avait pas été un acteur décisif, mais plutôt un bénéficiaire opportuniste du revirement australien.

Ironie du sort, la situation actuelle en Australie tend à démontrer que l’abandon du contrat français a été une erreur stratégique. L’Australie ne recevra probablement jamais les sous-marins promis dans les délais initialement prévus, alors que le programme de Naval Group était bien avancé et aurait pu livrer des bâtiments en temps voulu. L’ancien Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, a lui-même déclaré que « les États-Unis ne vont pas aggraver leur propre déficit en sous-marins pour en vendre à l’Australie ».

Une crise d’identité pour la Royal Navy ?

Finalement, plus qu’un acte de soumission à une prétendue pression française, ce changement de nom semble surtout révéler un malaise au sein de la Royal Navy et du Royaume-Uni lui-même. Autrefois maîtresse des mers, la marine britannique traverse aujourd’hui une période de réduction de moyens et de perte d’influence.

Plutôt que de s’indigner sur le nom de leurs sous-marins, les Britanniques devraient peut-être s’inquiéter du fait que leur flotte peine à remplir ses missions stratégiques et à maintenir son rang parmi les marines mondiales. Pendant ce temps, en France, la question du nom du HMS Agincourt suscite au mieux un haussement de sourcil amusé – preuve, s’il en fallait encore, que l’obsession des batailles médiévales est un sentiment bien plus vivace en Angleterre que de ce côté-ci de la Manche.

Balbino Katz

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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7 réponses à “La curieuse obsession anglaise pour la France”

  1. Marc-François de RANCON dit :

    Ce papier est un flot continu d’erreurs, d’approximations, de lacunes de culture historique, maritime et militaire. Impossible de les signaler toutes, elles sont enfilées comme des perles. Si Audiard avait lu, il nous aurait dit « c’est curieux chez ce Bambino Katz ce besoin de faire des phrases sur ce qu’il ne connaît pas ». C’est un officier de Marine honoraire, habitant sur rade dans un port de guerre et voyant encore tous les jours les gris manoeuvrer à l’exercice, qui vous le dit.

  2. Mace Olivier dit :

    Bonjour,
    « victoire anglo-américaine en 1945 » résumé merveilleux qui traduit bien la « colonisation » culturelle voulue par les anglo-saxons après la deuxième guerre mondiale.
    Par ailleurs il faut rappeler que le sous-marin « Bévéziers » de la série « Agosta » était un joli signe fait à la RN

  3. Pschitt dit :

    Il y a une différence entre donner à un navire le nom d’une bataille et lui donner le nom d’un marin : la comparaison entre les noms de la Navy et ceux de la Royale est erronée. Par ailleurs, quel drôle d’idée que de donner à un navire, même sous-marin, le nom d’une bataille purement terrestre ! Si l’on voulait être désagréable pour la France, le choix était large, de Trafalgar (un sous-marin britannique portait autrefois ce nom) à Mers-el-Kébir, plus grande bataille navale de l’année 1940 (!).

  4. JLP dit :

    Et Trafalgar Square, ce serait élégant de le rebaptiser (Louis XVI Square ? Fish and Chips Square ? Telford Square ?)

  5. Raymond Neveu dit :

    Oh il me semble que c’est la rade de Toulon…

  6. VORONINE dit :

    Qui a un peu vécu en Angleterre, comprend aisément et très vite la jalousie des godons à notre égard, la preuve en est le nombre de ces anglais installés en BRETAGNE !

  7. Marc-François de RANCON dit :

    Oui, bien deviné. Mais j’ai connu et aimé celle de Brest aussi…

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