L’Argentine engage une nouvelle étape de réduction de l’État : une réforme sans précédent

Un an après son élection, le président argentin Javier Milei, fer de lance du libéralisme économique en Amérique latine, s’apprête selon le quotidien de référence argentin La Nación à lancer une nouvelle phase de son vaste plan de réduction de la bureaucratie. Après avoir supprimé des centaines d’organismes publics et licencié des milliers de fonctionnaires en 2024, son gouvernement s’est fixé un objectif encore plus ambitieux pour 2025 : réduire la taille de l’État de 30 % supplémentaires. Ce plan, qui s’inscrit dans la lignée de sa politique de réforme drastique, est piloté par le ministre de la Dérégulation et de la transformation de l’État, Federico Sturzenegger.

Rappel des premiers succès de Milei

Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2023, Javier Milei a engagé une transformation profonde et radicale de l’économie argentine. L’année 2024 s’est distinguée par des avancées notables, notamment sur le plan budgétaire. Le gouvernement a réussi à réduire le déficit public en diminuant les dépenses de l’État de 30 %, stabilisant ainsi une économie en proie à une crise chronique depuis des décennies.

Parallèlement, l’inflation, bien que toujours très élevée, a commencé à ralentir, atteignant 128 % en 2024. Ce chiffre reste préoccupant, mais il reflète une inflexion notable après des années de dérive incontrôlée.

Afin de soutenir le secteur agricole, pilier de l’économie argentine, le ministre de l’Économie, Luis Caputo, a mis en place une réduction temporaire des taxes à l’exportation sur des produits stratégiques comme le soja et le maïs. Cette mesure a pour objectif de relancer les exportations, essentielles pour générer des devises, tout en atténuant les effets d’un problème structurel : un peso surévalué par rapport au dollar.

En raison de politiques monétaires restrictives visant à contrôler l’inflation, le peso argentin reste fort, ce qui pénalise lourdement les producteurs agricoles. Ces derniers voient leurs marges réduites, car les revenus qu’ils perçoivent en dollars à l’exportation perdent de leur valeur une fois convertis en pesos. De plus, ce taux de change désavantageux réduit leur compétitivité face à d’autres pays exportateurs, comme le Brésil ou les États-Unis, où les producteurs bénéficient de devises plus faibles et de coûts de production moindres.

La réduction des taxes, bien qu’elle entraîne un coût fiscal estimé à 800 millions de dollars, cherche à compenser cet effet de « peso fort ». En encourageant les exportateurs à accélérer leurs ventes et à rapatrier les devises plus rapidement, le gouvernement espère non seulement stimuler le secteur agricole, mais aussi renforcer les réserves en dollars du pays, un enjeu crucial pour stabiliser l’économie et maintenir la confiance des investisseurs internationaux. Cette initiative, bien que temporaire, reflète l’importance stratégique du secteur rural dans le redressement économique argentin.

En parallèle, le gouvernement s’est attaqué à l’administration publique, jugée pléthorique et inefficace. Plus de deux cents organismes ont été supprimés, parmi lesquels des directions nationales, des secrétariats et des agences jugés non essentiels par le gouvernement Milei. Parmi les exemples les plus marquants figurent l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), un organisme phare de la lutte contre les discriminations, ou encore la Commission nationale du microcrédit (CONAMI), dédiée au financement de petits entrepreneurs. Ces suppressions s’inscrivent dans une stratégie visant à éliminer les structures considérées comme inefficaces ou incompatibles avec les priorités d’un État libertarien, entraînant ainsi la suppression de plus de trente mille postes dans la fonction publique.

Cette restructuration marque une rupture avec des décennies de clientélisme et de bureaucratie, alors que l’exécutif poursuit son ambition de recentrer l’État sur ses missions essentielles. Cette première phase de réformes a posé les bases d’une transformation structurelle destinée à redresser une économie fragilisée et à restaurer la confiance des investisseurs.

La nouvelle étape : un État réduit de 30 % supplémentaires

En 2025, le gouvernement de Javier Milei s’engage dans une nouvelle étape de ses réformes, avec l’objectif d’approfondir la transformation de l’État argentin. L’ambition affichée est de recentrer l’administration sur ses fonctions régaliennes, tout en supprimant les structures jugées superflues ou inefficaces. Cette stratégie s’inscrit dans une logique de réduction drastique de la bureaucratie et de recentrage des ressources publiques.

En parallèle, des réductions d’effectifs massives sont prévues dans les ministères et agences publiques. Par exemple, l’Agence de Recouvrement et de Contrôle des Douanes (ARCA) prévoit de réduire ses effectifs de 38 %, ce qui équivaut à environ 1700 à 1800 suppressions de postes sur l’année. Ces mesures s’accompagnent d’une révision approfondie des contrats temporaires et d’une politique de départs volontaires pour ajuster les effectifs aux nouvelles priorités du gouvernement.

Chaque ministère devra également réduire sa structure administrative de manière significative, avec un objectif moyen de 30 % de rationalisation. Le ministère de la Défense prévoit notamment la fermeture de COVIARA, une entreprise publique dédiée à la construction de logements pour l’armée, jugée non indispensable dans le cadre des fonctions régaliennes.

Ces mesures, bien que controversées, illustrent la volonté de l’administration Milei de réorganiser en profondeur l’appareil d’État, dans le but de redynamiser l’économie et de rompre avec des décennies de sur-administration, de clientélisme et de dépenses inefficaces.

Un calendrier serré pour des réformes profondes

Le gouvernement dispose d’un délai limité pour mener à bien ces réformes. Le Congrès a accordé au président Milei des pouvoirs spéciaux qui expirent dans 163 jours, permettant à son administration de fusionner ou supprimer des institutions par décret. Federico Sturzenegger, qui coordonne ces efforts, travaille contre la montre pour atteindre les objectifs avant cette échéance.

L’administration vise également à finaliser ces mesures avant le début de la campagne pour les élections législatives d’octobre 2025. Ces élections, que Milei considère comme un plébiscite de sa gestion, seront déterminantes pour l’avenir de son mandat.

Surnommée « motosierra 2.0 » en référence à la première vague de coupes budgétaires en 2024, cette nouvelle étape suscite des tensions importantes. Si les partisans de Milei saluent ces réformes comme une étape nécessaire pour redresser l’économie, elles soulèvent une opposition croissante, notamment de la part des syndicats.

L’Association des Travailleurs de l’État (ATE), l’un des principaux syndicats du secteur public et largement dominé par l’extrême-gauche comme le dévoile son usage compulsif de l’écriture inclusive, a déjà dénoncé les licenciements massifs et prévoit de mobiliser ses membres dans les semaines à venir. En décembre 2024, des tensions sociales ont été évitées de justesse grâce à une pause dans les licenciements pendant les fêtes, mais le climat reste tendu.

Malgré ces critiques, le gouvernement défend sa stratégie. « Il y a des excès, des doublons et des programmes inutiles dans tout l’appareil d’État. Nous faisons une révision complète pour définir ce qu’un gouvernement libertarien doit ou ne doit pas faire », a déclaré Sturzenegger.

Un exemple frappant : le ministère de Capital Humano

Le ministère de Capital Humano, qui regroupe les anciens ministères du Travail, du Développement social et de l’Éducation, est emblématique de cette transformation. Avec ses 14 057 employés, il représente 32 % de l’administration centralisée. En 2024, ce ministère a subi une réduction majeure, mais de nouvelles coupes sont prévues en 2025, avec environ 2000 suppressions de postes attendues.

La ministre Sandra Pettovello, qui dirige ce ministère, a ordonné des révisions trimestrielles des contrats temporaires pour accélérer les licenciements. Ces ajustements visent à rationaliser les dépenses avant l’entrée dans une période électorale sensible.

Les réformes de Milei s’inscrivent dans une vision ambitieuse et radicale d’un État minimal, mais elles comportent des risques élevés. Le président mise sur une rapide amélioration économique pour compenser l’impact social des licenciements et des suppressions d’organismes publics.

Toutefois, les tensions sociales et les protestations orchestrées par la gauche et l’extrême gauche pourraient s’intensifier, notamment dans les secteurs sensibles comme la santé et les services sociaux où les emplois de militants politiques sont nombreux. Le gouvernement espère limiter les conflits en accélérant les réformes avant que le climat électoral ne s’échauffe davantage.

Un modèle à suivre ou une expérience isolée ?

L’Argentine de Javier Milei représente un laboratoire unique des politiques libertariennes à grande échelle. Si le président parvient à atteindre ses objectifs sans plonger le pays dans une crise sociale majeure, son modèle pourrait inspirer d’autres pays comme la France confrontés à des États hypertrophiés.

Cependant, le pari est risqué. Milei joue son avenir politique sur la réussite de ces réformes, et un échec pourrait non seulement affaiblir sa présidence, mais aussi marquer un retour de balancier vers des politiques plus interventionnistes. L’Europe, où les débats sur la réduction de l’État font rage, observera avec attention cette expérience argentine, qui pourrait bien servir de leçon, pour le meilleur ou pour le pire.

Balbino Katz

Crédit photo : DR
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7 réponses à “L’Argentine engage une nouvelle étape de réduction de l’État : une réforme sans précédent”

  1. Luc Secret dit :

    Surnommée « motosierra 2.0 », qui signifie « tronçonneuse ».

  2. Gaï de Ropraz dit :

    Après plus d’un demi-siecle de pauvreté et de journées sans pain, le plus beau pays de l’Amerique Latine, c’est à dire l’Argentine, est en passe de devenir un pays phare dans le monde. Tout le mérite en revient à Javier Millei, qui contre vents et marées, et surtout un gauchisme de mauvais aloi qui reignait depuis de nombreuses décennies sur l’ensemble du pays, a reussi à imposer sa propre culture politique franchement de Droite.
    Tout autant Javier Milei, a également et brillament, d’une part, reinstauré un semblant de confiance de la population envers l’Etat, et d’autre part et surtout, à reussi à extraire l’économie du pays de la noirceur dans laquelle elle etait plongée depuis plusieurs decenies.

  3. gautier dit :

    Ne lâche jamais rien, continu pour monter à tous les valets mondialiste ce qu’est un homme qui en A !j’ai beaucoup aimé ton discourt à Davos ! fait bien attention à toi, ils n’aiment pas être discutés.

  4. Maserati dit :

    Bravo ! A quand en France et en Europe un tel ménage ?!!! ÀFUERA 👍🏼

  5. Nathan dit :

    FUERA ! Il faut un type comme ça à la place du Grand Guignol de l’Elysée.
    Réduction de 30% de fonctionnaires qui ne servent à rien et réduction drastique des salaires astronomiques des politiques. FUERA !

  6. Raymond Neveu dit :

    Faire le ménage serait déjà un bon début, dans l’administration mais aussi les agences et autres commissions inutiles, réduire les ministres et la paperasserie inutile qui nourrit les inutiles au lieu d’augmenter les impôts et diverses taxes et revenir à l’impôt pour tous et bien sûr ne pas nourrir, soigner le monde entier!

  7. patphil dit :

    il faut d’urgence racheter la tronçonneuse de millei

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