Régulation du SAMU : un système à bout de souffle…et une population mise en danger (Un médecin du Samu condamné en appel à Saint-Brieuc)

Le système de régulation du SAMU, pilier central de l’urgence médicale en France, montre des signes alarmants de faiblesse. Les erreurs et dysfonctionnements se multiplient, ébranlant la confiance des Français dans ce service censé répondre aux situations critiques. Un constat renforcé par des affaires récentes, comme celle du médecin régulateur de Saint-Brieuc, condamné pour « non-assistance à personne en danger », qui illustre les limites d’un système sous tension.

Des erreurs de jugement qui coûtent des vies

Le cas de Saint-Brieuc résume à lui seul les problèmes systémiques auxquels fait face le SAMU. Un patient vulnérable, souffrant de graves hémorragies, a vu son état minimisé par un médecin régulateur. Refusant d’envoyer une ambulance en urgence, ce dernier a proposé au patient de se rendre à l’hôpital par ses propres moyens, évoquant même le coût de l’ambulance. Le patient est finalement mort quelques heures plus tard, laissant une famille dévastée et une régulation une fois de plus mise en cause.

Des cas proches, pas forcément avec des fins aussi dramatiques, nous ont été rapportés dans plusieurs départements, y compris en Bretagne. Des témoignages accablants font état de délais interminables pour les interventions, même dans des situations critiques comme des arrêts cardiaques (notamment du fait d’interventions dans des zones limitrophes départementales qui provoquent une hausse du temps de transmission entre des services stupidement départementalisés). Certains médecins refuseraient de se déplacer pour des patients jugés « irrécupérables », en fonction de leur âge ou de leurs antécédents médicaux, une attitude qui soulève de graves questions éthiques et légales.

Des régulateurs sous pression

La surcharge de travail des régulateurs est un autre facteur aggravant. Débordés par le nombre croissant d’appels et la complexité des situations, ces professionnels commettent des erreurs, parfois fatales. Cette pression constante engendre une agressivité croissante, aussi bien chez les régulateurs que chez les appelants. Les victimes ou leurs proches, paniqués, peuvent perdre leur sang-froid, ce qui complique encore davantage une situation déjà tendue.

Paradoxalement, le système envoie parfois des secours pour des cas non urgents, démontrant une gestion chaotique des priorités. Ces dérives contribuent à l’engorgement du service et retardent l’aide pour les situations les plus graves.

Un autre aspect scandaleux réside dans les critères implicites qui déterminent l’intervention ou non du SAMU. Des patients souffrant de pathologies graves, comme des fumeurs de longue date ou des personnes jugées trop âgées pour être soignées, sont parfois laissés à leur sort, avec l’argument qu’ils étaient de toute façon condamnés. Une discrimination qui heurte le principe fondamental d’égalité devant les soins, d’autant plus choquante que ces patients contribuent également au financement de la Sécurité sociale.

Témoignage d’un médecin régulateur dans le Finistère

Un ancien médecin du SAMU 29, souhaitant rester anonyme, évoque des « aberrations totales » dans la gestion quotidienne des urgences. « Il m’arrive de recevoir des appels pour des patients situés à la frontière de deux départements, et faute de communication fluide entre les centres de régulation, on perd parfois un temps précieux à décider qui doit intervenir. C’est inadmissible », confie-t-il. « On se retrouve aussi à devoir déployer des ambulances pour des cas qui ne relèvent pas du tout de l’urgence, pendant que des arrêts cardiaques attendent une intervention. Cela met tout le monde en danger. Il y a un manque de personnel, un manque de moyens. Il y a aussi des citoyens totalement irresponsables qui ne se rendent pas compte que notre rôle, c’est l’urgence, pas la bobologie. On paye aussi l’absence d’un service spécialisé dans les urgences dentaires..et finalement, toutes les défaillances du système de santé puisque nous sommes en bout de chaine »

Ce témoin souligne également l’épuisement moral des équipes. « On fait ce métier pour sauver des vies, pas pour commettre des erreurs qui nous hantent. Mais avec la charge de travail actuelle, les erreurs sont inévitables. »

Des victimes et leurs proches partagent aussi leur incompréhension face aux dysfonctionnements. Jennifer, qui habite dans le secteur de Quimper raconte : « Nous avons attendu une ambulance pendant plus de 25 minutes après un malaise cardiaque de mon père. Quand ils sont arrivés, c’était trop tard. Ce délai est inacceptable. » Lilou, qui réside à 20 km de Saint-Malo ajoute : « J’ai appelé pour mon fils qui s’était gravement blessé aux dents et qui avait perdu conscience quelques instants. Ils m’ont dit de le conduire moi-même à l’hôpital. Pendant le trajet, son état s’est aggravé. Je ne comprends pas comment on peut laisser les familles seules dans de tels moments. »

Face à ces dysfonctionnements, une refonte du système de régulation du SAMU est impérative. Le recrutement de personnel supplémentaire, la formation continue des régulateurs et une meilleure coordination avec les services d’urgence sont autant de pistes à explorer tout comme la fin de la départementalisation des services de secours (pourquoi pas une régionalisation ?). Par ailleurs, une plus grande transparence sur les critères d’intervention et une sensibilisation des citoyens à l’utilisation appropriée du 15 pourraient contribuer à réduire la pression sur le système.

Le SAMU reste un maillon essentiel de la chaîne de soins en France, mais son état actuel met en péril sa mission fondamentale : sauver des vies. Les Français, qui financent ce service par leurs impôts et cotisations, sont en droit d’exiger un fonctionnement plus efficace et équitable.

Crédit photo : DR
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