Fière, imposante et rassembleuse… la superbe statue de Jeanne d’Arc sur son destrier et l’épée pointée vers le ciel récemment érigée à Nice ne plaît pas au préfet des Alpes-Maritimes. Ce dernier entend déboulonner l’œuvre d’art, annihiler le symbole, invoquant l’absence de mise en concurrence. Mais l’opposition dénonce une instrumentalisation idéologique, les artistes étant réputés proches de la mouvance identitaire.
« Notre atelier est né à Nice il y a trois ans. Missor commençait la sculpture à trente ans, et avec ses amis, il ouvrait un atelier pour les produire en nombre. Petit à petit, l’atelier se mettait à rêver. Et si nous construisions des statues monumentales pour les villes ? Et si nous reprenions ce rêve de civilisation, qui avait été abandonné ? » Ainsi se présente le collectif d’artistes créateur de la statue. Localisme, grandeur, histoire… il n’en fallait pas plus aux froids bureaucrates pour monter au créneau et tenter de faire retirer l’oeuvre.
Cette dernière, un bronze de 4,5 mètres de hauteur et dorée à l’or fin, avait été installée en octobre 2024 aux abords de l’église dédiée à la Sainte, dans le centre de Nice. Un emplacement qui prévoit un nouveau parking souterrain, raison pour laquelle, c’est la Régie du Parc Azur qui l’avait commissionnée, se tournant vers l’atelier de sculpteurs local spécialisé de surcroît dans la réalisation de statues monumentales pour les municipalités. Pour Gaël Nofri, président de la régie métropolitaine, il n’y a donc « pas lieu à polémique ».
Le préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh, qui avait saisi le tribunal administratif de Nice est d’un tout autre avis. Pour l’homme retenu de droite « dure » (sic), le contrat d’un montant de 170 000 euros a été attribué sans appel d’offres et doit être cassé. Comme quoi le virus de la cancel culture n’est pas l’apanage des ignorants de gauche, et peut servir d’arme dans les guéguerres politiciennes de bas étage. Car cette affaire est aussi une ultérieure manifestation de l’opposition entre le préfet (et derrière lui Éric Ciotti) et le maire, Christian Estrosi. Et tant pis pour les symboles nationaux, pour les figures sacrificielles, pour l’art.
Mardi 14 janvier 2025, les magistrats annulaient le marché de réalisation de la statue, au motif que n’ont pas été fourni les « raisons artistiques particulières [exigeant] que cette commande d’une sculpture monumentale de Jeanne d’Arc (…) soit confiée exclusivement à l’Atelier Missor ». Mais c’est bien le contraire qui eut été étonnant…
Malgré la procédure en appel, Jeanne d’Arc devra être démontée et la somme versée remboursée au prestataire. L’opposition promet de se mobiliser et Christian Estrosi s’est fait le porte-voix d’une souscription populaire pour sauver la magnifique représentation de l’héroïne nationale. Une pétition est aussi en ligne ici.
Nous reproduisons ci-dessous le message en défense de l’atelier Missor – « Un petit groupe d’hommes qui se bat pour défendre les grands hommes du passé » – qui nous semble résumer le point essentiel de cette histoire :
« La seule raison à cette polémique, c’est que ceux qui nous ont commandé le monument de Jeanne d’Arc, en toute bonne foi savaient que nous étions les seuls capable de faire une statue aussi belle, tandis que d’autres, atteint d’un mal bien français, tentent de faire croire qu’en Art, le Laid surpasse le Beau.
Le problème en France, c’est que depuis un demi siècle, les professeurs des Beaux-Arts (qu’ils devraient renommer les Moches-Arts), ont découragé systématiquement tout élève naïf et doté de talent, en leur expliquant que la beauté c’était pour les gueux, et qu’il fallait développer un goût aristocratique pour la laideur. La seule manière qu’ils ont trouvé pour panser leur blessure narcissique de n’avoir aucun talent, c’était de saboter toute une génération d’artiste.
Ils ont volé l’âme d’une civilisation en enlaidissant tout, pour qu’au milieu de cette laideur ils se sentent moins seuls.
Et quand au milieu de ces abysses une statue d’or se dresse fièrement, et que l’éclat du soleil s’y reflétant, brûle leurs yeux habitués à l’obscurité, d’un coup de paperasse ils frappent.
Frappez donc. Nous nous battrons. »
La statue de Jeanne d’Arc va être déboulonnée.
Après un an à se saigner, à user nos corps pour réussir à construire cette statue de Jeanne d’Arc, qui voulait rallumer une étincelle d’Espoir, il fallait un bureaucrate aigri pour, d’un coup de tampon réduire à néant nos… pic.twitter.com/V7WBkKzxga
— Atelier Missor (@AtelierMissor_) January 17, 2025
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine