Dans une enquête publiée le mercredi 8 janvier,, le Financial Times a mis en lumière le rôle déterminant de quelques comptes sur X (anciennement Twitter) dans l’émergence des prises de position controversées d’Elon Musk sur la politique britannique. Grâce à la plateforme qu’il dirige, Musk s’est retrouvé plongé dans un flux constant d’informations alimentées par des influenceurs et des activistes, démontrant comment un individu peut utiliser un réseau social pour amplifier des narratifs spécifiques et influencer les débats publics.
Un «algorithme sur mesure » pour influencer Musk
Le Financial Times révèle que Musk a intensifié ses attaques contre des figures politiques britanniques, notamment le Premier ministre et le chef de l’opposition, Sir Keir Starmer, après avoir interagi avec des comptes populaires sur X. Ces derniers se sont concentrés sur les scandales liés aux « grooming gangs » (réseaux d’abus sexuels sur mineurs) et sur les prétendues «erreurs» de Starmer lorsqu’il était procureur en chef.
Parmi les comptes influents, on retrouve :
Visegrad 24, géré par Stefan Tompson, un Britannique d’origine sud-africaine et polonaise, qui compte plus de 1,2 million d’abonnés.
Mario Nawfal, un entrepreneur et personnalité des réseaux sociaux, dont les publications ont été repartagées près de 40 fois par Musk en une semaine.
Ian Miles Cheong, un influenceur malaisien connu pour ses prises de position conservatrices.
Ces comptes, selon le quotidien financier, ont diffusé des informations issues de sources britanniques. Musk, via ses 211 millions de followers, a amplifié ces messages, propulsant les scandales des gangs de violeurs pakistanais au sommet de l’agenda médiatique britannique.
Un impact immédiat sur le débat politique
Les interventions de Musk, qualifiant Starmer de « complice des viols de masse », ont provoqué un tollé au Royaume-Uni. Ses propos ont incité des députés conservateurs à demander une nouvelle enquête sur les scandales des gangs de violeurs pakistanais, bien que les recommandations d’un rapport précédent soient encore en cours de mise en œuvre. Musk a également pris pour cible Jess Phillips, ministre en charge de la protection de l’enfance, qu’il a qualifiée de « sorcière malfaisante ».
Selon les données recueillies par le Financial Times, Musk a posté ou repartagé plus de 616 messages en une semaine, dont 225 sur la politique britannique, un niveau d’implication sans précédent. Cette hyperactivité s’est accompagnée d’interactions avec des figures détestées des médias comme des partisans du militant identitaire Tommy Robinson, amplifiant des accusations contre les élites politiques britanniques.
L’algorithme de X : un levier d’influence
Le rôle de l’algorithme de X est central dans cette affaire. L’analyse du Financial Times montre que Musk ne suit pas directement les comptes qui influencent ses publications, mais qu’ils apparaissent régulièrement dans son fil « For You », conçu pour présenter du contenu en fonction des interactions passées. Cette personnalisation algorithmique, couplée à la mise en avant des abonnés au service X Premium (identifiables par une coche bleue), a favorisé l’émergence de messages alignés sur les convictions de Musk.
Bruce Daisley, ancien responsable de Twitter pour l’Europe, a qualifié Musk de « premier dirigeant technologique à tomber dans le piège de la radicalisation par son propre produit ». Selon lui, l’algorithme de X pousse Musk à interagir davantage avec des contenus polarisants, rendant sa position publique plus radicale. « Il prône un discours positif, mais repartage des messages extrémistes », a ajouté Daisley.
Une influence sur la politique mondiale
L’analyse du Financial Times montre également que Musk utilise X pour peser sur des débats au-delà du Royaume-Uni. Proche de Donald Trump, Musk a déjà utilisé la plateforme pour critiquer les gouvernements canadien et allemand, et appeler le roi Charles III à dissoudre le Parlement britannique. Cette capacité d’un individu à influencer des débats politiques grâce à une plateforme mondiale soulève des questions sur le rôle des réseaux sociaux dans la propagation de narratifs polarisants.
Dr Jen Golbeck, spécialiste des médias sociaux, souligne que les modifications apportées par Musk à X, notamment la monétisation des abonnés Premium, favorisent la mise en avant de contenus idéologiquement alignés avec ses propres opinions. Cela, selon elle, « amplifie les messages radicaux et réduit la diversité des points de vue exposés aux utilisateurs influents comme Musk ».
Un cas d’école pour l’influence numérique
L’enquête du Financial Times illustre la manière dont quelques voix sur X peuvent influencer une personnalité aussi puissante qu’Elon Musk. En interagissant avec un petit groupe de comptes bien positionnés, il a été conduit à formuler des accusations graves contre des figures politiques britanniques et à raviver des débats sociaux sensibles.
Cette affaire soulève des enjeux plus larges sur l’impact des réseaux sociaux dans les démocraties modernes. Dans un monde où les algorithmes dictent ce que les utilisateurs voient, la capacité de quelques individus ou groupes à orienter l’attention publique et les prises de position d’influenceurs majeurs pose selon le quotidien libéral des questions fondamentales sur la responsabilité des plateformes et de leurs dirigeants.
Illustration : DR
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