Le Royaume-Uni est à nouveau secoué par la question des grooming gangs, des groupes criminels pakistanais (pour l’essentiel) accusés de viols, tortures et meurtres sur des milliers de jeunes filles, souvent blanches et issues de milieux modestes. Mercredi 8 janvier, les députés travaillistes/gauchistes ont massivement rejeté un amendement visant à ouvrir une enquête nationale sur ces crimes, une décision qui soulève de vives critiques.
Un scandale profondément enraciné
Les grooming gangs opèrent au Royaume-Uni depuis les années 1970, ciblant des jeunes filles vulnérables. À travers des cadeaux, de l’alcool ou de la drogue, ces groupes établissaient une emprise psychologique sur leurs victimes, les entraînant dans des cycles d’abus prolongés. Des villes comme Rotherham, Telford ou Manchester sont tristement célèbres pour ces crimes. À Rotherham, un rapport de 2014 a révélé que plus de 1 400 jeunes filles avaient été abusées sur une période de 16 ans. À Telford, jusqu’à 1 000 cas d’abus ont été recensés sur 40 ans.
Cependant, les réponses des autorités ont souvent été marquées par l’inaction, motivée par une crainte d’accusations de racisme, les agresseurs étant souvent des hommes d’origine pakistanaise. Cette paralysie institutionnelle a permis aux crimes de continuer pendant des décennies sans véritable intervention.
Dans le cadre du Children’s Wellbeing and Schools Bill, un projet de loi sur la protection des enfants, les conservateurs ont proposé un amendement visant à ouvrir une enquête nationale sur les grooming gangs. Cet amendement, bien que symbolique, visait à envoyer un message fort aux victimes et à demander des comptes aux institutions ayant failli.
Cependant, l’amendement a été rejeté par 364 voix contre 111, une large majorité qui reflète le contrôle des travaillistes à la Chambre des communes. Keir Starmer, Premier ministre travailliste, a défendu cette décision en affirmant que de multiples enquêtes avaient déjà été menées et qu’une nouvelle enquête retarderait les actions nécessaires pour rendre justice aux victimes.
Les critiques fusent
La décision de rejeter l’amendement a suscité une vague de critiques, notamment de la part des conservateurs et de Nigel Farage, leader de Reform UK, qui a dénoncé un « étouffement systématique » des débats sur les grooming gangs. Chris Philp, porte-parole conservateur pour la sécurité intérieure, a qualifié la position des travaillistes de « moralement erronée ». Elon Musk, milliardaire et conseiller de Donald Trump, a également pesé dans le débat en accusant Keir Starmer de « complicité dans le viol de la Grande-Bretagne ».
Le rejet de l’amendement intervient alors qu’un sondage YouGov révèle que 76 % des Britanniques soutiennent l’idée d’une enquête nationale, y compris une majorité d’électeurs travaillistes. Ces résultats mettent en lumière un fossé entre la classe politique et l’opinion publique sur cette question.
Keir Starmer et ses ministres ont défendu leur décision en affirmant que l’amendement aurait « tué » le Children’s Wellbeing and Schools Bill, un projet de loi crucial visant à renforcer la protection des enfants. Ils ont également souligné que les recommandations de l’enquête indépendante dirigée par Alexis Jay n’avaient pas encore été pleinement mises en œuvre.
Cependant, les critiques jugent ces arguments insuffisants. Kemi Badenoch, leader des conservateurs, a souligné que l’enquête Jay ne s’était pas spécifiquement concentrée sur les grooming gangs et que de nombreuses questions restaient sans réponse, notamment sur le rôle éventuel des motivations raciales et culturelles dans ces crimes. Elle a également accusé Starmer de chercher à éviter des questions gênantes sur la complicité de certains responsables travaillistes dans le passé.
Un enjeu de justice et de transparence
Pour les défenseurs d’une enquête nationale, la priorité est de rendre justice aux victimes et de restaurer la confiance dans les institutions publiques. Les enquêtes locales, bien qu’efficaces dans certains cas comme à Telford, ne suffisent pas à appréhender l’ampleur nationale du problème.
Le refus d’ouvrir une enquête est perçu par beaucoup comme une tentative de minimiser l’ampleur du scandale et d’éviter des débats sensibles sur les politiques migratoires et les tensions communautaires. Cette décision pourrait renforcer le sentiment de méfiance envers le gouvernement, notamment parmi les victimes et leurs familles.
Le rejet de l’amendement illustre une polarisation croissante sur des sujets sensibles au Royaume-Uni. Alors que les conservateurs et Reform UK appellent à plus de transparence, les travaillistes, avec leur majorité confortable, ferment les yeux. En attendant, les victimes et leurs familles demeurent dans l’incertitude, tandis que le débat sur les grooming gangs continue de diviser profondément le Royaume-Uni.
Photo : DR
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