Trump et le Groenland : une provocation pour réveiller l’Europe ?

Les récentes déclarations de Donald Trump sur une éventuelle annexion du Groenland ont déclenché un véritable séisme politique en Europe. Cette sortie, loin d’être anodine, souligne à quel point l’Union européenne est vulnérable face aux nouvelles ambitions territoriales de son principal allié militaire et économique : les États-Unis. Mais ces menaces pourraient aussi devenir un catalyseur pour une intégration politique et militaire européenne, une idée encore marginale, mais qui pourrait devenir cruciale face aux ambitions américaines et russes.

Une provocation ou un programme ?

Depuis son élection en novembre dernier, Donald Trump a multiplié les provocations. La plus inquiétante ? Son insistance à vouloir annexer le Groenland, territoire autonome sous souveraineté danoise, et donc partie intégrante de l’Union européenne. Si cette idée avait déjà émergé en 2019 comme une boutade, elle prend aujourd’hui un ton plus sérieux avec des menaces explicites de recours à la force. Dans une conférence de presse tenue récemment, Trump a affirmé que l’annexion de ce territoire stratégique était une « nécessité économique et militaire » pour les États-Unis.

Le Groenland, riche en ressources naturelles (pétrole, terres rares, minerais) et en position géographique stratégique dans l’Arctique, représente un enjeu majeur dans les rivalités géopolitiques du XXIe siècle. L’île se situe au cœur des nouvelles routes maritimes rendues accessibles par la fonte des glaces, réduisant considérablement le temps de transit entre l’Europe et l’Asie.

L’Europe face à ses contradictions

L’Union européenne, déjà éprouvée par la guerre en Ukraine, se trouve une nouvelle fois confrontée à ses propres limites. Si l’article 42.7 du traité de Lisbonne engage les États membres à une défense collective en cas d’agression, l’UE manque cruellement de moyens pour s’opposer à une telle menace. En termes militaires, elle reste largement dépendante des États-Unis et de l’OTAN, une alliance dont la logique repose sur une acceptation implicite de la domination politique américaine.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les pays européens, à l’exception notable de la France avec sa doctrine de défense autonome, ont choisi de s’abriter sous le parapluie américain. Cette stratégie a freiné toute avancée vers une défense européenne intégrée, vue comme risquant de compromettre l’engagement des États-Unis à protéger le continent.

Un choc salutaire pour l’unification européenne ?

Ironiquement, les menaces de Trump pourraient avoir un effet inverse à celui escompté : accélérer l’unification politique et militaire de l’Europe. L’ouvrage de chevet de Guillaume Faye et qui a contribué à sa réflexion géostratégique, The Disintegrating West de Mary Kaldor, publié dans les années 1970, résonne de manière prophétique aujourd’hui. Kaldor y soutenait que le monde occidental était en train de se désintégrer en raison de tensions économiques fondamentales. Elle prévoyait une augmentation des conflits entre nations, une intensification de l’oppression, ainsi que l’émergence de guerres locales dans le Tiers-Monde, soutenues par diverses factions occidentales. Kaldor examinait ces dynamiques à travers un prisme mettant en lumière les contradictions économiques et les tensions politiques qui minent la stabilité de l’Occident.

La menace d’une annexion du Groenland pourrait donc pousser l’UE à surmonter ses divisions. Des propositions jusque-là marginales, comme la création d’une armée européenne ou l’intégration complète des politiques étrangères et de défense, pourraient gagner en popularité. Comme l’a récemment déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz : « Nous devons agir d’une seule voix et cesser d’être naïfs face aux menaces extérieures. »

Une nouvelle équation géopolitique

Le retour de Trump sur la scène mondiale ne fait que confirmer une réalité incontournable : le monde évolue vers une logique de confrontation entre grandes puissances. L’Europe, longtemps protégée par la Pax Americana, ne pourra plus se contenter d’un rôle de spectateur.

Si Trump venait à mettre ses menaces à exécution, comme Poutine l’a fait en Ukraine, l’Union européenne pourrait se trouver à un tournant historique. Soit elle accepte son impuissance et s’efface progressivement de l’échiquier mondial, soit elle saisit cette crise pour enfin devenir un acteur géopolitique à part entière.

Le choc des menaces de Trump rappelle cruellement la fragilité d’une Europe sans défense commune. Mais ce moment pourrait aussi être celui où l’Union trouve enfin la volonté politique de dépasser ses divisions et de bâtir une véritable souveraineté. À défaut, elle risque de rester un simple pion dans le jeu des grandes puissances.

Balbino Katz

Illustration : DR
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2 réponses à “Trump et le Groenland : une provocation pour réveiller l’Europe ?”

  1. VORONINE dit :

    non , mais …pour ces idiots de l’UE, l’ennemi c’est V.V.POUTINE qui veut la guerre !

  2. Bernard Plouvier dit :

    Joli et « gentil » article… qui oublie quelques réalités géologiques et historiques :
    – Le Groenland est situé sur la plaque tectonique américaine et non sur la plaque eurasiatique… la logique géographique n’est pas la logique coloniale ! Il serait temps d’une prendre conscience
    – de ce fait, Roosevelt (FDR) avait réclamé le Groenland en mai-juin 1940 (le Danemark ayant été envahi par quelques unités allemandes en avril), comme durant l’été il voulut envahir les Antilles françaises et néerlandaises ainsi que les Guyanes française et néerlandaise… ce sont les convoitises brésiliennes et vénézueliennes qui l’ont empêché de passer à l’acte (même si le Groenland et Curaçao ont été occupés par l’US-Army pour la durée de la guerre)… et FDR en a profité pour implanter des bases US aqéronavales partout sur les Antilles mêmes britanniques
    Ces réclamations US s’inscrivent dans la Doctrine de James Monroe (1er tiers du XIXe siècle) : « l’Amérique aux Américains¨…
    et les convoitises US sur le Canada sont récurrentes depuis le XVIIIe siècle (la première expédition de George Washington fut menée contre le Canada français avant même la séparation des 13 colonies de langue anglaise qui créa le noyau des USA)
    La bonne réponse européenne serait « l’Europe aux seuls Européens de souche », ce qui permettrait de se séparer de dizaines de millions d’envahisseurs Africains et de Proche-Orientaux
    Il est évident qu’une redistribution des cartes est en cours
    Il serait stupide de ne pas en profiter intelligemment

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