Le politiquement correct, souvent présenté comme un outil de civilité et de respect, est aussi l’objet de nombreuses critiques pour son impact sur le langage, la liberté d’expression et la pensée. L’article académique de Ben O’Neill, A Critique of Politically Correct Language, propose une analyse approfondie des conséquences de cette pratique sur notre société et sur notre capacité à communiquer avec clarté et honnêteté.
L’érosion du langage
L’une des critiques majeures adressées au politiquement correct est sa tendance à favoriser l’émergence d’un « tapis roulant des euphémismes ». Cette expression, empruntée au linguiste Steven Pinker, désigne le cycle sans fin de remplacement des termes jugés offensants par d’autres, eux-mêmes susceptibles de devenir tabous à leur tour. Par exemple, des termes médicaux neutres comme idiot ou handicapé, initialement utilisés pour décrire des conditions spécifiques, ont été remplacés par des expressions plus vagues telles que différemment capable. Or, ces termes finissent eux aussi par être utilisés de manière péjorative, alimentant un processus infini de renouvellement linguistique.
Ce cycle, explique O’Neill, ne résout pas les problèmes qu’il prétend adresser. En réalité, il crée une langue de plus en plus vague et déconnectée de la réalité, empêchant une discussion honnête sur des sujets importants.
Le problème de l’intention
Une autre limite du politiquement correct est sa focalisation excessive sur les mots utilisés, au détriment de l’intention de l’orateur. O’Neill souligne que l’intention d’un locuteur se manifeste dans son ton, son contexte et ses choix de mots. En se concentrant uniquement sur ces derniers, les partisans du politiquement correct encouragent une hypersensibilité qui mène à la fabrication de griefs même lorsque l’intention de l’orateur est clairement innocente.
Ainsi, des termes employés dans un esprit neutre ou positif peuvent être perçus comme offensants simplement parce qu’ils ne correspondent pas aux dernières normes linguistiques en vigueur. Ce phénomène, loin d’encourager une société plus respectueuse, renforce un climat d’autocensure et de méfiance.
La déconnexion avec la réalité
L’un des aspects les plus troublants du politiquement correct, selon O’Neill, est sa propension à masquer la réalité. Les termes politiquement corrects, en cherchant à éviter toute connotation négative, finissent souvent par supprimer toute description précise. Par exemple, décrire une personne comme ayant des besoins spéciaux au lieu de reconnaître une déficience mentale ou physique peut empêcher de répondre de manière adaptée à ses besoins réels.
Cette distorsion du langage, loin d’être un acte de sensibilité, devient une forme de désinformation. Elle empêche une compréhension claire des problèmes et nuit à ceux qu’elle prétend protéger.
O’Neill va plus loin en mettant en question les motivations des défenseurs du politiquement correct. Selon lui, cette pratique est moins une question de respect que de contrôle social et culturel. Les élites linguistiques utilisent le politiquement correct comme un accessoire de mode, une manière de signaler leur appartenance à une classe éclairée et progressiste. Cette dynamique crée un fossé entre ceux qui maîtrisent les codes linguistiques en perpétuelle évolution et ceux qui s’en trouvent exclus.
Une société civilisée ou une société hypocrite ?
Contrairement à l’idée que le politiquement correct construit une société plus civilisée, O’Neill soutient qu’il produit une société plus hypocrite. En privilégiant les euphémismes au détriment de l’honnêteté, il crée un climat de méfiance où les mots deviennent des armes, et où la communication véritable est sacrifiée sur l’autel de la conformité.
La critique d’O’Neill sur le politiquement correct met en lumière les dangers d’une approche linguistique trop rigide et idéologique. Le politiquement correct renforce l’autocensure, appauvrit le langage et empêche une compréhension honnête des réalités sociales. Une société vraiment civilisée, conclut-il, ne devrait pas avoir peur de nommer les choses par leur nom, tout en cultivant un respect mutuel basé sur l’intention et le contexte plutôt que sur des mots figés et imposés.
Illustration : DR
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3 réponses à “Le politiquement correct, reflet d’une société hypocrite ?”
Un bon dicton Viking repond: A quel point vous pouvez etre faible pour que des simples mots vous fasses mal?
Une de nos amies quinquagénaire nous a raconté qu’elle disait un jour à sa fille de 20 ans « Là j’ai vraiment été stupide… J’aurais dû réfléchir plus… ».
Et la fille de répondre « Non, Maman, tu n’es pas stupide, tu es différente ».
Comme quoi certains jeunes aussi se moquent des nouvelles combines du langage.
A ma mère, génie du mensonge et de la manipulation, je disais des l’âge de 10 ans que ne pas qualifier les faits ou les personnes invalide tout jugement et toute solution.