Redon a eu le privilège d’entendre Jean-Luc Mélenchon

Un Tro Breizh serait une bonne idée pour Mélenchon. L’hiver, nos petites villes sont tristes ; elles ont besoin d’un animateur capable d’assurer des retombées médiatiques à ces petites cités. Avec un meeting de Mélenchon, on est certain que le lendemain France Inter répercutera une phrase du lider maximo ; un coup de pub pour la petite ville.  

Quand une petite ville comme Redon reçoit la visite d’une bête politique nommée Jean-Luc Mélenchon, c’est un événement. Et le jour de gloire pour la régionale de l’étape Mathilde Hignet (LFI), la députée de la circonscription, qui se trouve à l’origine de ce meeting. « C’est la première fois qu’un politique d’une telle ampleur vient à Redon », déclare-t-elle (Les Infos de Redon, 11 décembre 2024). En réalité, en des temps anciens, Redon a eu droit à Jean-Marie Le Pen, Alain Madelin, Jean-Yves Le Drian, tous des poids lourds de la politique à l’époque. C’est l’occasion de rappeler dans quelles conditions Mathilde Hignet est parvenue à se faire élire députée. Au second tour des élections législatives de 2022, cette nouvelle venue parvient à battre la candidate macroniste Anne Patault avec 328 voix d’écart (22 856/22 528) ; sa victoire, elle la doit aux 8 245 électeurs (17,49 %) RN du premier tour qui se sont reportés sur la candidate insoumise au second tour – tout sauf Macron est leur devise. Changement de programme aux élections législatives de 2024, après la dissolution. Cette fois, au second tour, Mathilde Hignet n’est plus opposée à la candidate macroniste Anne Patault – cette dernière s’est retirée après avoir terminé troisième  au premier tour – mais à un représentant du Rassemblement national Jacques François ; elle le bat : 36 195 suffrages (57,57 %) contre 26 671 voix (42,43 %). Grâce au “front républicain“, elle a pu être réélue, bénéficiant d’un bon report de voix des électeurs macronistes (16 595 voix au premier tour). « J’ai conscience qu’il y a parmi les votants des voix qui sont sceptiques à l’égard de notre programme, qui sont peut-être sans grande conviction à l’égard de ma personne mais je tiens à saluer leurs votes qui a fait reculer le parti de la haine et de la division », explique-t-elle (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 8 juillet 2024). Situation singulière : en 2022, elle est élue grâce aux électeurs du Rassemblement national, en 2024, elle est réélue contre eux ! Allez comprendre ! On peut même ajouter qu’en 2022, il n’était pas question de « haine » ou de « division »… Simplement de « réintéresser les gens à la politique »  et de sillonner les communes pour « remonter les problématiques » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 20 juin 2022)

A Redon, Jean-Luc Mélenchon a assumé : « Nous ne sommes pas désolés d’avoir voté la censure. Vos bulletins de vote ont servi à la censure, vous ne nous avez pas élus pour autre chose que pour cela » (Les Infos de Redon, 11 décembre 2024. Bien entendu, Méluche a oublié d’ajouter que, si 331 députés ont voté la censure (288 étaient nécessaires), les quatre groupes du Nouveau Front populaire ne pouvaient aligner que 192 fantassins (71 pour La France insoumise, 66 pour les socialistes, 38 pour les écologistes et 17 pour les communistes), les 139 autres sont donc à rechercher du côté du groupe RN (124 députés) et du groupe UDR (16)

Le 16 janvier sera un grand jour

En ce moment, Jean-Luc Mélenchon est préoccupé par la rentrée parlementaire de janvier. Il se veut catégorique : « Il n’y a pas de majorité pour le budget, donc il y aura un 49.3 et donc, une censure. François Bayrou ne passera pas l’hiver ! » Et d’indiquer la date : « Ce sera sans doute le 16 janvier, quarante-huit heures après son discours de politique générale. Nous exigeons un vote sur la confiance pour voir s’il a une majorité. Sinon, nous déposerons logiquement une motion de censure. » (Aujourd’hui en France, samedi 21 décembre 2024). Là encore, Méluche oublie de préciser que la motion de censure ne peut être adoptée que si les 124 députés du RN la votent… Or il est probable qu’ils ne la voteront pas.

Autre préoccupation : la prochaine élection présidentielle. Dès maintenant, il indique le mode d’emploi : « Une candidature insoumise sera proposée comme candidature commune à ceux qui le voudront. Notre équipe nationale proposera un nom aux parlementaires insoumis qui trancheront. » Reste un obstacle formidable nommé Marine Le Pen : « On serre les dents et on avance ; ça se finira entre le RN et nous ! » Comment la vaincre lors d’un second tour ? « En faisant campagne ! En gagnant une majorité. On l’a battue comme ça, aux législatives. Aux européennes, entre le RN et la gauche, il y avait à peine 1 point d’écart. » (Aujourd’hui en France, samedi 21 décembre 2024). Pourtant les sondages placent Jean-Luc Mélenchon loin derrière Marine Le Pen : « Et alors ? Ils se trompent tout le temps, c’est donc bon signe. Et j’ai du mérite ! Je suis de loin le premier à gauche, et les autres passent leur temps à me taper dessus. » (Aujourd’hui en France, samedi 21 décembre 2024). Si on considère le dernier sondage portant sur les intentions de vote pour l’élection présidentielle de 2027, on est obligé de constater que l’affaire se présente mal pour le lider maximo. Il est crédité de 11-12 % dans toutes les hypothèses, tandis que Fabien Roussel engrange 3 %, Olivier Faure 4-5 % et Marine Tondelier 4-5 % ; ce qui donne un potentiel d’environ 25 % pour la gauche (Ifop-Fiducial, Le Figaro Magazine, 13 décembre 2024). Dans ces conditions, la « candidature commune » Mélenchon aurait du mal à se qualifier pour le second tour, alors que la droite possède un potentiel de 31-35 % et que Marine Le Pen tourne autour de 35-38 % (sondage Ifop).

La « magie du deuxième tour » 

Evidemment, les sociaux-démocrates n’éprouvent aucun amour pour Méluche. C’est le cas de François Hollande : « Il reste un peu plus de deux ans pour empêcher la prise du pouvoir par l’extrême droite et le moment est venu pour que le PS et la social-démocratie s’arrachent à l’emprise mortifère de Jean-Luc Mélenchon »  (Challenges, 19 décembre 2024). Raphaël Glucksmann, lui, pense que Mélenchon peut faire gagner Marine Le Pen : « Oui. Il invoque “la magie du deuxième tour“ pour faire croire qu’il pourrait gagner contre Marine Le Pen dans un duel de second tour, alors que toutes les études d’opinion le donnent perdant avec plus de 20 points d’écart. Personnellement, je ne mise pas le destin de la France sur de la “magie“. Soyons clairs : Place publique et la gauche démocrate, sociale, écologique et pro-européenne ne seront pas représentés par Jean-Luc Mélenchon à la prochaine présidentielle, quelle que soit la date à laquelle elle se tiendra. » (Dimanche Ouest-France, 22 décembre 2024)

Il y aurait donc à gauche deux candidats : un social-démocrate (François Hollande, Bernard Cazeneuve, François Ruffin…) et Jean-Luc Mélenchon. En ce moment, ce dernier continue à rêver : « Il y aura une candidature insoumise à l’élection présidentielle. Nous la proposerons en candidature commune à nos alliés. Nous n’avons pas décidé d’un nom maintenant, car nous voulons garder notre liberté jusqu’au bout. Je n’exclus rien, mais je n’affirme rien. » (M 6, dimanche 15 décembre 2024). Le match risque d’être acrobatique…

Bernard Morvan

Crédit photo : Thomas Bresson/Wikimedia (cc)
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