La sortie de la série Say Nothing sur Disney+ a ravivé les tensions autour de l’un des meurtres les plus emblématiques des Troubles en Irlande du Nord : celui de Jean McConville, une mère de dix enfants tuée en 1972. Le journaliste américain Patrick Radden Keefe, auteur du livre à succès Say Nothing dont est inspirée la série, affirme être « totalement certain » que Marian Price, militante républicaine notoire, est impliquée dans cet assassinat. Une accusation qu’elle réfute catégoriquement et qui pourrait mener à une action en justice.
Une accusation lourde de conséquences
Dans son livre publié il y a six ans, Radden Keefe avance que Marian Price, également connue sous le nom de Marian McGlinchey, aurait été la troisième personne présente lors de l’exécution de Jean McConville par l’IRA. Dans une interview exclusive accordée au Sunday World avant la sortie de la série, le journaliste a déclaré qu’il n’aurait jamais mentionné son nom s’il avait eu « ne serait-ce qu’un pour cent de doute » quant à la véracité de ses informations.
Cependant, Price a toujours nié toute implication dans ce meurtre et envisage aujourd’hui de poursuivre Disney en justice pour ce qu’elle considère comme une fausse représentation dans la série. Son avocat, Peter Corrigan, a souligné que les forces de l’ordre n’ont jamais eu de preuves suffisantes pour l’arrêter, malgré une enquête approfondie menée en 2013.
Le meurtre de Jean McConville : une blessure encore vive
Jean McConville, veuve et mère de dix enfants, a été enlevée et tuée par l’IRA en 1972, accusée à tort d’être une informatrice pour l’armée britannique. Son corps n’a été retrouvé qu’en 2003, enterré dans une tombe anonyme. Ce meurtre, souvent cité comme l’un des plus atroces des Troubles, symbolise les souffrances humaines causées par des décennies de violences en Irlande du Nord.
Radden Keefe a expliqué que son intérêt pour cette affaire découle des répercussions profondes de ce crime sur plusieurs générations. « Il a suffi d’une pression sur la détente pour mettre fin à la vie de Jean McConville, mais les conséquences de cet acte se font encore sentir aujourd’hui », a-t-il déclaré.
Les contradictions de Marian Price et les sources du livre
Dans Say Nothing, l’auteur s’appuie en partie sur les témoignages de Dolours Price, sœur de Marian et ancienne militante de l’IRA, décédée en 2013. Dolours aurait confié à plusieurs reprises que sa sœur était impliquée dans le meurtre de McConville. Cependant, ces affirmations restent controversées, notamment en raison de l’absence de preuves directes et de l’ambiguïté des enregistrements des Boston Tapes, un projet visant à recueillir les témoignages d’anciens membres de l’IRA.
Corrigan, l’avocat de Marian Price, conteste fermement ces accusations et critique la série Disney+ pour avoir présenté cette thèse de manière « catégorique » et non ambiguë, contrairement au livre.
La série Say Nothing, diffusée sur Disney+, explore les conséquences des Troubles à travers l’histoire de Jean McConville et des Price. Cependant, elle n’a pas été accompagnée de la promotion médiatique habituelle pour une production de cette envergure. Les créateurs et les acteurs ont donné peu d’interviews, probablement en raison de la sensibilité du sujet.
Malgré cela, l’adaptation a suscité un vif débat sur les responsabilités dans les crimes de l’IRA, notamment en ce qui concerne Gerry Adams, ancien leader du Sinn Féin, et Marian Price. Chaque épisode comporte des disclaimers précisant que ces figures publiques nient toute implication directe
Radden Keefe décrit Jean McConville comme une figure emblématique des conséquences humaines de la violence. Son histoire, bien que singulière, reflète les traumatismes vécus par de nombreuses familles durant cette période sombre de l’histoire irlandaise.
Alors que Marian Price envisage des poursuites judiciaires contre Disney, l’avenir de cette affaire reste incertain. Ce qui est sûr, c’est que Say Nothing continue de polariser l’opinion, entre ceux qui y voient une enquête journalistique approfondie et ceux qui dénoncent une réécriture biaisée de l’histoire.
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