Vin jaune, quelques petites choses à savoir…

Superbement ignoré tout au long de l’année, le vin jaune opère son retour en grâce sur les repas des fêtes à la faveur de la fameuse recette de la poularde au vin jaune, fortement suggérée par les revues de cuisine.

Mais voilà que les Athéniens s’atteignirent lorsque notre consommateur profane découvre les spécificités de prix et de goût qui se rattachent à ce vin si particulier. D’où ces quelques préconisations et un peu d’instruction, avant son achat préalable.

Un vin de voile issu du cépage savagnin

 Avant toute chose, il s’agit de rappeler que le vin jaune appartient à la catégorie des vins de voile et qu’à ce titre, il déploie un registre aromatique dit « oxydatif » susceptible de ne pas plaire à tout le monde. Oxydatif et non oxydé, la nuance est subtile mais essentielle, car tandis que le premier qualificatif renvoie à une recherche délibérée d’un style peu commun, le deuxième se réfère à un défaut rédhibitoire du vin.

Son élevage de 6 ans et de 3 mois, sous un voile biologique que l’on appelle en Andalousie » la Flor » lui confère des notes d’aldéhyde, rappelant la noix ou le curry, par nature très pénétrantes et donc pas forcément au goût du grand public.

Apprécier pleinement un vin jaune suppose ainsi de s’être un peu frotté à la dégustation de vins oxydatifs comme le Xérès fino, qui s’écarte du registre frais et fruité communément rencontré dans la plupart des vins blancs classiques.

Comprendre son prix à l’aune de sa technicité, de sa rareté, de son caractère aléatoire, et surtout de son élevage prolongé

S’agissant de son prix – compter entre 30 et 50 euros – sa cherté – doit se comprendre à l’aune de son temps de vieillissement de 6 années, car de ce long et patient élevage sous voile, résulte une alchimie dont on peine encore à percer tous les mystères. La « percée » justement, met un terme à ce long processus qui peut avorter dans l’éventualité ou le voile se déchire, ceci en y perdant tout son effet protecteur sur le vin. Cette part d’aléa, explique aussi le prix élevé du vin, bien que la maitrise actuelle de son élevage réduit statistiquement les pertes.

Souvent, le consommateur manifeste une incompréhension vis-à-vis de son prix, qui plus est quand il s’agit de l’utiliser à des fins de cuisine. Rappelons que son usage sur la poularde au vin jaune, requiert une dose plutôt limitée (25 cl maximum soit la valeur de bons verres). Cette quantité suffit juste à déglacer les sucs de cuisson de la poularde et des morilles (couramment associées à la recette), pour y trouver une savoureuse liaison en fin de cuisson, avec une crème entière qui en absorbera toutes les saveurs.

Qu’on peut lui trouver d’avantageux remplaçants au travers des nombreux autres vins de voile

Et tout d’abord en France ou bons nombres de vignerons audacieux s’essayent au vin de voile y compris dans le muscadet. Dans le Gaillac, le célèbre vigneron Rober Plageole, conserve une grande réputation pour son vin de voile. On en trouve également en pagaille dans le Roussillon, ou la tradition du vin oxydatif est très ancrée, même si les productions demeurent confidentielles.

Pour la cuisine, on peut remplacer un vin jaune par un Xérès fino beaucoup moins cher, à l’image du Tio Pepe de la bodega Gonzalès Byass vendu aux alentours de 10 euros en supermarché.

Outre la poularde au vin jaune, d’autres belles potentialités d’accord

Une fois ouverte, la bouteille de vin jaune peut aisément se reconvertir sur d’autres accords que celui réservé à la traditionnelle poularde aux vin jaune. Aussi, peut-il accompagner tout un repas sous condition que les convives y soient réceptifs.

En premier lieu, sur un foie gras mi-cuit, mais idéalement sur de belles escalopes poêlées, pour peu qu’il soit accompagné d’un chutney pas trop sucré, privilégiant les fruits secs (abricots, raisin) et qui intègre des noix ou des amandes.

Surtout avec un grand fromage à pâte pressée, comme le comté de 24 mois ou plus, avec lequel la complémentarité est assurée. Sa grande persistance aromatique et sa fin de bouche acérée redonne vigueur aux saveurs lactiques du comté menant à une osmose gustative jubilatoire.

Un grand vin de garde

Il appartient au cercle très fermé des plus grands vins de garde. C’est son élevage responsable d’une lente oxydation ménagée qui le rend quasiment invulnérable face aux assauts du temps. Etant donné que sa constitution interne intègre déjà la composante oxydative, son évolution en bouteille s’en trouve fortement ralentie. Le vin jaune peut se garder 30 ans et plus…

Alors que la plupart des vins blancs montrent des signes d’évolution après 5 années, a contrario, le vin jaune affine au fil des décennies son tempérament oxydatif. Chez les plus grands, Château d’Arlay, Jean Macle, Berthet Bondet, Stéphane Rousseau, le vin jaune revêt un raffinement capable de rivaliser avec des monuments du Xérès.

Raphno

Crédit photo : User:Arnaud 25/Wikimedia (cc)
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2 réponses à “Vin jaune, quelques petites choses à savoir…”

  1. crocs dit :

    Une information precieuse sur ce vin peu connu, et dont le mystere nous est ici en partie devoile, et qui ouvre la porte du chai a la decouverte et la degustation.

  2. Raymond Neveu dit :

    Divinement technique et à n’en pas douter sublimement intéressant…je vous explique de docte façon un texte ancien, vous n’y comprendrez rien et j’aurais gardé le secret de mes fumeuses explications…!!!
    Plus simplement ce vin coûte fort cher alors pourquoi le gaspiller en cuisine?

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