Les terroristes soutenus par la Turquie et affiliés à Al-Qaïda déferlent sur la Syrie depuis le 27 novembre. Dans le cadre de cette offensive, les terroristes djihadistes appelés Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) ont pris Alep en moins de trois jours. Les villes de Hama et de Homs sont ensuite tombées. Le 8 décembre, plus de 50 ans de règne de la famille Assad en Syrie se sont effondrés. Les forces djihadistes ont pris le contrôle de Damas et le président Bachar el-Assad s’est enfui en Russie.
Les forces du HTS étaient auparavant connues sous le nom de Jabhat al-Nusra, la filiale locale d’Al-Qaïda en Syrie. Pendant des années, la direction de HTS était composée d’islamistes syriens et internationaux qui avaient des liens avec l’État islamique (ISIS) et Al-Qaïda. En 2018, le département d’État américain a ajouté HTS à la désignation existante du Front Nusra en tant qu’organisation terroriste étrangère. Les HTS sont déterminés à établir un État islamique dans toute la Syrie. Elles coopéreraient avec l’armée turque et les groupes soutenus par la Turquie en Syrie. Les HTS sont également soutenus sur le front nord par l’Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de militants islamistes largement financés, armés et entraînés par la Turquie.
Les terroristes islamiques s’étant rapidement emparés des territoires syriens, de nombreuses familles grecques chrétiennes ont commencé à chercher refuge dans la « vallée des chrétiens » (Wadi al-Nasara), autrefois contrôlée par le gouvernement. Toutefois, les djihadistes du HTS auraient averti les habitants de la vallée qu’ils ne devaient pas « soutenir le régime d’Assad ». Depuis la prise de contrôle de la Syrie par les djihadistes, les rapports faisant état de discriminations et de violences antichrétiennes se multiplient dans tout le pays.
Deux chrétiens grecs – Samaan Satme et Helena Khashouf – du village d’al-Jamasliyye dans la vallée ont été brutalement assassinés chez eux le 13 décembre. Samaan a été décapité et Helena abattue.
Un prêtre chrétien de Homs a rapporté qu’un groupe de musulmans avait attaqué des fermiers chrétiens dans un village chrétien. Les chrétiens ont été ridiculisés et battus parce qu’ils étaient des « kafirs » (infidèles).
Le métropolite orthodoxe grec Ephraïm d’Alep aurait également été menacé de décapitation. Entre-temps, des vidéos ont été diffusées sur les médias sociaux montrant des factions du HTS en train de profaner l’église orthodoxe grecque Hagia Sophia dans la campagne de la province de Hama. La Syrie compte actuellement environ un demi-million de chrétiens, dont la majorité appartient aux communautés grecque orthodoxe et grecque catholique. Il s’agit pour eux d’un moment de vie ou de mort. Dans une situation aussi volatile, les activistes grecs du Levant s’efforcent de sensibiliser l’opinion et de faire pression pour leurs frères en Syrie. L’un de ces groupes est le compte Greco-Levantines Worldwide (@GrecoLevantines) sur X (anciennement Twitter) dont les administrateurs sont des Grecs levantins. Ils y partagent des informations sur l’escalade du djihad contre la Syrie et contre les chrétiens grecs qui y vivent.
Eiad Herera, porte-parole de l’Organisation grecque d’Antioche (AGO), a répondu à quelques questions de The European Conservative au nom du compte X Greco-Levantines Worldwide. Nous avons traduit cette interview.
Pouvez-vous nous parler de votre compte X ?
Eiad Herera : Nous sommes un collectif de bénévoles dévoués, pas encore officiellement constitués en association, qui s’engagent à servir et à défendre notre communauté. Notre passion pour l’héritage grec levantin nous pousse à partager des informations pertinentes et à nous engager avec ceux qui nous suivent sur le compte X. Nous pensons qu’il est vital de relever les défis uniques auxquels notre communauté est confrontée, en particulier dans le climat actuel.
Historiquement, le terme « Rum » [Grecs de l’Empire romain d’Orient] a été associé à l’Empire byzantin, souvent présenté comme un ennemi juré de l’Islam. Ce contexte historique a conduit à des sensibilités entourant la discussion de notre héritage. Par conséquent, alors que d’autres groupes en Syrie (y compris diverses confessions chrétiennes) peuvent ouvertement célébrer et discuter de leur histoire, nous rencontrons des obstacles lorsque nous tentons de faire de même. Notre engagement est de surmonter ces défis en favorisant la compréhension et l’appréciation de la riche tapisserie culturelle des Grecs du Levant.
Grâce à notre plateforme, nous souhaitons mettre en lumière l’histoire, les traditions et les contributions de notre communauté, en veillant à ce que notre récit soit préservé et respecté au même titre que celui des autres groupes de la région.
La communauté internationale considère souvent la Syrie comme un pays arabe. Pourtant, elle a une longue histoire pré-arabe et grecque. Quelle est l’importance de la Syrie dans l’histoire et la civilisation grecques ?
Eiad Herera : La Syrie occupe une place importante dans l’histoire grecque, qui remonte aux conquêtes d’Alexandre le Grand au IVe siècle avant J.-C. À la suite des campagnes d’Alexandre, la Syrie est devenue une pierre angulaire du monde hellénistique, avec des villes comme Antioche et Apamée qui ont servi de centres culturels et administratifs de la civilisation grecque. Ces villes ont prospéré en tant que centres de commerce, d’art et d’échanges intellectuels, mêlant les traditions grecques et locales. Pendant la période byzantine, la Syrie est restée un élément essentiel de la vie culturelle et religieuse grecque, Antioche étant l’un des patriarcats les plus importants. Aujourd’hui encore, l’Église orthodoxe roumaine de Syrie préserve cet héritage, reliant la Syrie moderne à son ancien passé grec.
Qui sont les Grecs du Levant ?
Eiad Herera : Les Grecs du Levant, ou Rum (chrétiens grecs arabophones), sont les descendants des communautés hellénisées qui ont vécu en Méditerranée orientale pendant plus de deux millénaires. Ils résident dans les actuels pays suivants : la Syrie, le Liban, la Palestine, la Jordanie, l’Égypte et Israël. Ces communautés remontent aux époques hellénistique et byzantine et ont conservé leur identité culturelle et religieuse grecque malgré des siècles de bouleversements politiques et sociaux. Elles comprennent à la fois des chrétiens orthodoxes (relevant des patriarcats d’Antioche, de Jérusalem et d’Alexandrie) et des Grecs catholiques melkites, qui partagent des pratiques liturgiques similaires mais sont en communion avec l’Église catholique romaine. Bien qu’ils parlent aujourd’hui l’arabe, leur héritage et leurs traditions liturgiques sont profondément enracinés dans leurs origines grecques.
Pourquoi de nombreux Grecs du Levant parlent-ils l’arabe aujourd’hui ?
Eiad Herera : L’arabisation du Levant a commencé après les conquêtes musulmanes au VIIe siècle. L’arabe a progressivement remplacé le grec comme langue administrative et culturelle de la région. Des politiques systémiques ont encouragé l’arabisation et l’adoption de l’arabe est devenue essentielle pour l’intégration sociale et économique. Au fil du temps, les langues indigènes comme le grec ont été reléguées au second plan, bien que l’Église orthodoxe romaine ait conservé le grec dans sa liturgie. Aujourd’hui, la plupart des Grecs du Levant sont arabophones mais conservent des éléments de leur héritage grec dans leurs pratiques religieuses et leur identité culturelle.
Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, quel type de violations des droits de l’homme les Grecs et les autres chrétiens ont-ils subi de la part d’ISIS, d’Al-Qaïda et d’autres terroristes islamiques ?
Eiad Herera : Les chrétiens orthodoxes grecs et d’autres minorités ont subi de graves persécutions de la part d’ISIS, d’Al-Qaïda et d’autres groupes extrémistes similaires. Ces abus comprennent des meurtres, des enlèvements, des conversions forcées et la destruction d’anciennes églises et de monastères. Des communautés chrétiennes entières, comme celles de Maaloula – l’un des rares endroits où l’on parle encore l’araméen – ont été attaquées et déplacées. Des groupes extrémistes ont systématiquement pris les chrétiens pour cible afin d’effacer leur présence historique dans la région.
Quelle était la situation des chrétiens sous le gouvernement Assad ?
Eiad Herera : Le régime Assad a apporté une relative stabilité aux chrétiens par rapport aux zones contrôlées par les groupes extrémistes. Toutefois, cette stabilité avait un coût. Si les chrétiens étaient plus à l’abri de la violence sous Assad, ils étaient confrontés à une discrimination systémique et à une représentation politique limitée. Le régime a souvent exploité leurs craintes de l’extrémisme islamiste pour s’assurer de leur loyauté tout en maintenant un contrôle étroit sur leurs communautés. En tant que Grecs, ils ont dû relever des défis supplémentaires pour préserver leur identité au sein d’un gouvernement qui donnait la priorité au nationalisme arabe.
La Turquie a mené plusieurs campagnes militaires contre la Syrie depuis 2011. Actuellement, la Turquie utilise des terroristes djihadistes affiliés à Al-Qaïda pour s’emparer du territoire syrien. Pourquoi la Turquie s’en prend-elle à nouveau à la Syrie ?
Eiad Herera : Les campagnes militaires de la Turquie en Syrie reflètent ses ambitions stratégiques d’étendre son influence, de contrer l’autonomie kurde et de contrôler des régions clés dans le nord de la Syrie. En utilisant des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda comme mandataires, la Turquie cherche à déstabiliser la région et à créer une zone tampon le long de sa frontière méridionale. Ces invasions entraînent souvent le déplacement de minorités, notamment de chrétiens, dans le cadre de l’objectif plus large de la Turquie de remodeler la démographie du nord de la Syrie pour l’aligner sur ses intérêts.
Alors qu’Alep, Hama et Homs sont tombées aux mains des terroristes djihadistes, votre compte X rapporte que de nombreux chrétiens ont fui pour sauver leur vie. Quels sont leurs besoins les plus urgents à l’heure actuelle ? Que devrait faire le monde civilisé pour les aider ?
Eiad Herera : Lorsque les forces djihadistes se sont emparées de zones clés, de nombreux chrétiens ont fui vers des régions relativement plus sûres, comme la vallée chrétienne et Lattaquié, ou même vers des pays voisins comme le Liban. Ils ont besoin d’abris, de nourriture, de soins médicaux et d’une protection internationale. La communauté internationale doit fournir une aide humanitaire immédiate et veiller à ce que les chrétiens déplacés rentrent chez eux en toute sécurité. Des pressions diplomatiques doivent être exercées sur toutes les parties en Syrie pour qu’elles protègent les chrétiens et les autres minorités religieuses et ethniques.
Alors que les forces djihadistes HTS et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes progressent en Syrie, et avec la chute du gouvernement Assad, il semble qu’il y aura une nouvelle Syrie en 2025. De quels droits politiques les Grecs et les autres chrétiens de Syrie ont-ils besoin ?
Eiad Herera : Dans une Syrie d’après-guerre, les chrétiens et les autres minorités doivent se voir garantir des droits politiques et civils complets. Cela pourrait impliquer le fédéralisme ou l’autonomie régionale pour sauvegarder leur identité culturelle et religieuse. L’égalité institutionnelle, la liberté de culte et une représentation politique adéquate sont essentielles. Les chrétiens doivent avoir la possibilité de participer à la gouvernance de la Syrie sur un pied d’égalité, en veillant à ce que leurs contributions historiques et culturelles soient respectées.
Que devraient faire l’exécutif européen et l’administration américaine pour aider les chrétiens de Syrie ?
Eiad Herera : L’UE et les États-Unis doivent donner la priorité à la protection des minorités religieuses et ethniques de Syrie. Cela implique de fournir une aide humanitaire, d’imposer des sanctions aux groupes qui commettent des violations des droits de l’homme et de veiller à ce que les minorités soient incluses dans tout règlement politique. Ils devraient également soutenir les structures de gouvernance locale qui favorisent le pluralisme et financer des initiatives visant à reconstruire les communautés chrétiennes et les sites patrimoniaux. Le plaidoyer dans les forums internationaux est crucial pour garantir que les minorités telles que les Grecs du Levant ne soient pas mises à l’écart de l’avenir de la Syrie.
Illustration : DR
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2 réponses à “Eiad Herera : « Des pressions diplomatiques devraient être exercées sur toutes les parties en Syrie pour qu’elles protègent les chrétiens » [Interview]”
Question : » Qui protégera les chrétiens de France et d’Europe quand ls deviendront minoritaires sur les terres de leurs ancêtres ? » suivant récit romantique « les corps indécents ». Le vivre ensemble suppose la tolérance, l’amour des uns envers les autres. Nous sommes tous les enfants d’un même Dieu.
Comme on est naïf !! Erdogan ( comme Bayroux ) parmi les plus menteurs de l’histoire ! tout cela est orchestré par les sionistes américains et turques ! un, pour le grand Israël, l’autre pour refonder le grand empire Ottoman ! qui va manger l’autre ! les Chrétiens ne sont pas sortis de la M…