La fête annuelle d’Atreju, organisée par Fratelli d’Italia (FdI), s’est achevée cette année au Circo Massimo de Rome, marquant une étape symbolique dans le positionnement politique du parti au pouvoir. Intitulée « La Voie Italienne », cette édition a mis en lumière deux orientations idéologiques distinctes : une vision sociale et participative, portée par l’annonce d’une réforme sur la cogestion des entreprises, et une fascination pour le libéralisme radical incarnée par la présence de Javier Milei, président argentin. Ce contraste soulève des questions fondamentales sur l’identité future de FdI.
Entre participation des travailleurs et ultra-libéralisme
Parmi les interventions notables de l’événement, deux moments ont particulièrement marqué les esprits. D’un côté, le ministre du Travail, Elvira Calderone, a dévoilé une proposition de loi visant à renforcer la participation des travailleurs à la gestion et aux bénéfices des entreprises. Cet engagement s’inscrit dans une tradition italienne profondément ancrée, notamment dans l’article 46 de la Constitution, qui préconise la cogestion des entreprises. Longtemps ignorée, cette idée trouve ses racines dans le corporatisme d’Amintore Fanfani et les principes du national-syndicalisme italien.
D’un autre côté, l’intervention de Javier Milei, fervent défenseur d’un ultra-libéralisme radical, a suscité une ovation debout mais aussi une certaine controverse. Le programme de Milei, axé sur le démantèlement des services publics et la réduction de l’État à sa plus simple expression, semble en décalage avec les valeurs de solidarité et de participation souvent revendiquées par Fratelli d’Italia. Cette dualité questionne : le parti suivra-t-il une voie sociale et identitaire, ou se laissera-t-il séduire par une vision ultra-libérale incompatible avec la tradition européenne de la « troisième voie » ?
Un héritage constitutionnel à réhabiliter
L’annonce d’une réforme sur la participation des travailleurs pourrait marquer un tournant pour le gouvernement Meloni, en s’appuyant sur un pilier constitutionnel négligé. La cogestion des entreprises, évoquée par le MSI (Movimento Sociale Italiano) à chaque début de législature, représente une vision révolutionnaire du travail comme acteur politique et économique. Cette approche, visant à socialiser les masses et à défier le capitalisme financier classique, pourrait repositionner l’Italie comme un modèle d’avant-garde en Europe. Cependant, ce choix demande un courage politique rarement observé dans les gouvernements récents.
L’enthousiasme pour Javier Milei, souvent perçu comme une figure anti-establishment, soulève des interrogations. Si sa critique des systèmes économiques parasitaires peut trouver un écho, son programme de démantèlement systématique des structures publiques semble diamétralement opposé aux idéaux d’une droite sociale et patriotique. Qualifier son projet de « révolutionnaire », comme l’a fait Giorgia Meloni, risque de brouiller le message de Fratelli d’Italia et de détourner le parti de son héritage identitaire.
Une bifurcation cruciale pour Fratelli d’Italia
Deux orientations se dessinent pour FdI. La première, tournée vers la participation et la valorisation du travail, pourrait transformer le paysage politique italien et européen. La seconde, incarnée par le libéralisme de Milei, risque de précipiter l’Italie dans une logique destructrice où les inégalités sociales s’accentuent. Le choix entre ces deux voies déterminera l’avenir de Fratelli d’Italia : sera-t-il un acteur de la « troisième voie » européenne ou un partisan d’un libéralisme extrême aux conséquences imprévisibles ?
Comme l’a rappelé Primato Nazionale, il est essentiel de se tourner vers l’avenir sans oublier les leçons du passé. La voie de la participation des travailleurs porte un potentiel révolutionnaire, capable de réconcilier identité nationale et modernité économique. À l’heure où la politique italienne cherche une direction claire, Atreju 2024 a mis en lumière les défis et les opportunités qui attendent Fratelli d’Italia. Entre vision sociale et dérive libérale, le choix qui s’annonce est crucial pour l’Italie et pour l’Europe.
Illustration : DR
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