Lors de sa dernière intervention au procès de ses violeurs, Gisèle Pelicot a exhorté « Il est grand temps que la société machiste, patriarcale, qui banalise le viol, change. Il est temps qu’on change le regard sur le viol. » Comment lui donner tort ? Quand ce sont presque une centaine d’hommes (83 repris dans les vidéos) qui l’ont abusée pendant une décennie. Or, si le viol est effectivement minimisé dans notre société – comme tout ce qui a attrait au sexe, malheureusement – et peu cher payé, doit-on imputer cela à une société machiste et patriarcale ?
Au regard du drame qu’elle a vécu, les déclarations de Mme Pélicot sont plus que compréhensibles. Et comme chaque affaire criminelle de grande envergure, celle-ci doit faire réfléchir, pour traiter le problème et élaborer des solutions. Des banalités qui ont cependant peu de chances d’aboutir, si l’on se focalise sur des concepts abstraits, comme le patriarcat ou la société machiste.
En premier lieu, pour combien les médias ont voulu faire passer ces violeurs pour des Monsieur-tout-le-monde, il ne suffit pas d’être inséré dans la société, d’avoir un bon travail et une jolie famille de façade pour être Monsieur-tout-le-monde. Les pervers sont très souvent des individus qui entretiennent l’image de la normalité, et les criminels ne sont plus des individus ordinaires, puisqu’ils sont passés à l’acte. Les violeurs de Gisèle Pelicot sont des pervers criminels qui ne sont ordinaires que de par leur position sociale. Des pervers dans l’acception première du terme « celui qui est enclin à faire le mal » et seconde, « celui dont le comportement sexuel s’écarte de la normalité ». Leur utilisation du site Coco.gg, notoire plaque tournante de pratiques illicites, le dit. Leur réponse à l’annonce tordue de Dominique Pelicot le dit. Les Monsieur Tout-le-monde, eux, ont été révulsés par cette affaire.
Mais un fait est indéniable : le nombre de ces pervers explose. La faute à quoi ? S’il faudrait un livre entier et surtout une évaluation clinique des inculpés pour répondre à cette question, une chose est sure : ce n’est certainement pas la faute au « patriarcat ».
Même à considérer que ce dernier ait existé nous vivons à des années-lumière de la société patriarcale. Et force est de constater que plus cette dernière se féminise – nouvelles générations éduquées par une majorité écrasante de femmes, surreprésentation des valeurs féminines, absence du père, éviction de l’autorité paternelle… – et plus les perversions se propagent, plus l’interdit, le répréhensible et le condamnable montent en grade. Inculper la domination masculine est donc trompeur et ne résoudra en rien le triste état des choses.
S’il y a une culture du viol, celle-ci a peu à voir avec un énigmatique patriarcat, mais tout à voir avec un libertinage sexuel stimulé, promu au sein d’une société qui a érigé la sexualité au rang de « pratique comme les autres » et qui l’encourage désormais directement sur les bancs de l’école. Une pratique comme les autres et une marchandise comme les autres, comme le démontre l’aberrant succès des plateformes où des filles et des femmes se vendent et le font toujours plus jeunes. Où des hommes sont toujours plus nombreux à demander tout et n’importe quoi, un n’importe quoi qui va crescendo avec ce qu’ils peuvent avoir… Et donc de ce que ces femmes sont prêtes à offrir. Un peu trop facile donc, d’inculper seulement et esclusivement le machisme.
Mais les progressistes ont raison sur un point : il s’agit d’un problème culturel… Dommage que ce sont les mêmes qui favorisent la libération sexuelle totale, la transgression, la destruction des normes sociales, l’absence de retenue. Qui prônent le laisser aller à ses désirs, quels qu’ils soient, l’abandon à ses caprices, même les pires, la jouissance, sans entrave. Dans ce cadre, les perversions ne sont plus un problème. Pas plus que la vente des corps des femmes sur la toile, puisque cela est défini comme de l’empouvoirement féminin. Et la pornographie n’a qu’à tranquillement irriguer la société dans son ensemble, pourvu qu’il y ait consentement, nous dit-on. Or, le consentement ne suffit pas. Une fois que vous avez gavé un être de pornographie extrême, que vous l’avez convaincu que les limites doivent être franchies, que vous l’avez nourri d’images de millions de femmes qui se vendent de par la planète, un « non » les arrêtera-t-il ? Qui plus est dans une société permissive où la justice est laxiste à en être aberrante ?
Il faut remettre la sexualité à la place privilégiée qu’elle devrait avoir, sans en faire un tabou mais sans pour autant la considérer « une pratique comme les autres », faisable à tous les âges et dans n’importe quelles circonstances. Il faut de la modération, des limites, des interdits aussi… et cela s’apprend par l’éducation. Mais voilà : l’éducation n’est plus à la mode. À sa place, on castre et on excuse… Une culture de l’excuse favorise à son tour la criminalité (et donc les agressions sexuelles).
Or, si nous voulons, à défaut de régler le problème, au moins le réduire en nombre, cela passera par des peines exemplaires. Dures. Appliquées. « La peur doit changer de camp » comme ils disent : cela ne se fera qu’à cette condition.
Et puisque les lâches violeurs de Mme Pelicot ont été taxés de barbares, inspirons-nous de ces barbares, mais des vrais ! Tels ces Wisigoths qui châtiaient le viol de la femme libre par un homme libre de cent coups de bâton et de la réduction en esclavage. Tels ces Francs saliens qui le punissaient de 200 sous à la peine de mort, et facturaient les insultes quinze fois plus dès lors qu’elles étaient proférées contre le beau sexe : 45 sous d’or pour l’injure de putain d’une femme noble, contre 3 sous d’or pour celle de lâche ou 15 pour enculé professé contre un homme libre. Des barbares qui n’oubliaient pas non plus de réprimer le harcèlement sexuel : 15 sous pour toucher la main d’une femme libre sans son consentement , 30 sous pour un bras, et 45 pour la poitrine. (1)
Les violeurs potentiels doivent être pris de terreur à la seule pensée du passage à l’acte. Cela ne résoudra pas tout, certes. Mais l’éducation et la peur de la punition restent des fondamentaux de la prévention.
Audrey D’Aguanno
(1) Eliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, L’invention de la loi salique, Perrin, 2006.
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