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ZFE à Nantes : Crit’Air, la nouvelle « écotaxe sur roues » qui pénalise les plus modestes

Dès le 1er janvier 2025, la zone à faibles émissions (ZFE) imposée par la métropole nantaise deviendra une réalité pour toutes les personnes souhaitant circuler à l’intérieur du périphérique. Officiellement destinée à limiter la pollution de l’air, cette mesure, incarnée par la vignette Crit’Air, se traduira concrètement par une restriction drastique des déplacements, notamment aux heures de pointe. Si ses promoteurs la présentent comme un levier essentiel de lutte contre le changement climatique, elle soulève également une vive inquiétude : celle d’une contrainte écologique disproportionnée, qui pourrait bien peser plus lourd sur les ménages les moins favorisés, déjà éprouvés par le coût de la vie et la précarité énergétique.

Qu’est-ce que la vignette Crit’Air ?

La vignette Crit’Air, payante et obligatoire pour circuler dans une ZFE, classe les véhicules selon leur niveau d’émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. Fixée au pare-brise, elle va de la catégorie « zéro émission » (voitures électriques et hydrogène) jusqu’aux véhicules plus anciens, souvent plus polluants, exclus de toute possibilité d’obtenir le précieux sésame. Le coût initial de 3,77 € peut sembler anodin, mais c’est surtout la valeur résiduelle de certains véhicules qui est en jeu : de nombreux foyers risquent de se retrouver contraints de remplacer prématurément leur automobile, un investissement difficilement supportable pour les plus modestes.

La ZFE nantaise n’interdira pas théoriquement de circuler 24h/24. Les limitations s’appliqueront aux heures de pointe, en semaine, de 7 h à 9 h et de 16 h à 19 h. En pratique, il s’agit des créneaux pendant lesquels nombre de travailleurs, déjà confrontés à la flambée des prix du logement, doivent s’éloigner du centre et passer le périphérique pour se rendre sur leur lieu d’emploi. Pour beaucoup d’entre eux, prendre les transports en commun n’est pas toujours une solution réaliste, en particulier dans les zones mal desservies. Cette mesure, censée soutenir la transition écologique, se transforme ainsi en contrainte sévère, minant la mobilité et la liberté de déplacement de ceux qui ont le moins de choix.

Des véhicules interdits de fait

Les plus grandes victimes de la ZFE restent les propriétaires de véhicules trop anciens pour prétendre à une vignette Crit’Air. Pour eux, la sentence est claire : interdiction de circuler aux heures de forte affluence. Alors que les ménages aisés pourront plus facilement acquérir un modèle moins polluant, les foyers populaires, eux, risquent de se trouver piégés, contraints de recourir à un endettement supplémentaire ou d’abandonner simplement la voiture. Cette obligation, perçue comme une « taxe déguisée » sur la mobilité, incarne une forme de répression écologique, où le climat sert de prétexte à un matraquage avant tout financier.

Des dérogations existent, mais elles restent difficiles à obtenir et concernent des cas spécifiques : véhicules professionnels indispensables, missions d’aide à domicile, urgences médicales, etc. Rien ne garantit que les contrôles sur le terrain se révéleront souples, et la complexité des démarches administratives risque de décourager les plus fragiles, amplifiant ainsi le sentiment d’injustice et de répression économique sous couvert d’écologie.

Au final, qui paie la note ?

Au cœur de cette politique se joue un véritable bras de fer entre l’urgence climatique et la justice sociale. Les véhicules anciens, souvent utilisés par les ménages au budget serré, seront les premiers bannis de la route, sans qu’une alternative crédible – amélioration des transports en commun, aides financières massives à l’achat d’un véhicule propre, maillage de covoiturage adapté – ne soit vraiment garantie. La transition écologique n’est pas censée se faire aux dépens d’une partie de la population, déjà fragilisée.

L’objectif de la ZFE est clair : réduire les émissions polluantes. Mais sans un accompagnement solide, elle risque de devenir un instrument de pression sociale, incapable de résoudre les problèmes de fond. Une fois encore, ce sont les classes populaires, dépendantes de leur véhicule pour travailler et vivre, qui subissent de plein fouet les conséquences d’une mesure pensée sans leur donner les moyens de s’y adapter sereinement.

La vignette Crit’Air n’est donc pas seulement un outil écologique. C’est aussi, dans sa forme actuelle, un symbole de la fracture entre les aspirations environnementales et la dure réalité économique des foyers modestes. L’enjeu, dans les mois à venir, sera de trouver un juste équilibre, afin que la lutte contre le réchauffement climatique ne devienne pas un fardeau supplémentaire pour ceux qui peinent déjà à joindre les deux bouts.

Illustration : Pixabay (cc)
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