Dans les 12 travaux d’Astérix, notre impétueux gaulois se doit de passer l’épreuve de la maison des fous, ceci afin de se procurer un formulaire auprès de la multitude d’officines peuplant les étages de tout un immeuble.
Comparaison n’est pas raison, mais lorsque l’on se penche sur la pléthore de bureaux et autres administrations obscures, venant prendre leurs quartiers dans la nouvelle cité administrative de Nantes, la tentation de l’analogie devient très forte…
Ainsi va la France, qui ferme à tour de bras ses usines tout en inaugurant un flamboyant palais de ronds-de-cuirs. Dès lors, faut-il vraiment s’étonner de voir un pays en proie à la désindustrialisation qui trouve à se réfugier dans la sur-administration, sombrer dans le déclassement international ?
À moins bien sûr, de considérer que l’hypertrophie administrative participe de la création de richesses…
Il faut en effet compter une dizaine d’acronymes barbares, pour dresser l’état des lieux des administrations théodules, qui vont désormais animer l’imposant bâtiment de 14 000 M2, installé sur le boulevard Vincent Gâche.
La construction de ce nouveau building administratif vise avant tout à regrouper près de 800 agents de l’Etat, éparpillés auparavant sur de multiples sites au cœur de la cité des ducs. Le nouvel ensemble pallie ainsi une dispersion onéreuse et peu rationnelle.
Si un tel regroupement va dans le sens d’une économie de fonctionnement, l’interrogation porte alors sur les années, voire plutôt les décennies, durant lesquelles cette dissémination dispendieuse a eu cours sans que l’on y remédie.
Une pléthore d’administrations
Au registre des appelés, pour siéger dans ce nouvel ensemble, un vaste échantillonnage représentatif de la grande fertilité à créer des autorités, des comités, des centres d’études, des directions, des agences, ou bien des instituts, investis d’ombreuses missions superbement ignorées du profane.
Certes, l’on cerne peu ou prou les attributions de l’IGN (Institut National de l’information géographique et forestière), de la Direction interrégionale des douanes et de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), mais d’autres administrations révèlent des attributions au caractère beaucoup plus impénétrable.
Parmi nos plus piquants exemples se distinguent entre autres : le CERT (Centre d’expertise et de ressources des titres qui traite les demandes d’échanges de permis de conduite étrangers) ou encore le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement)
Des agences aux missions nébuleuses, dont les placards doivent regorger de nombreux rapports poussiéreux, assortis bien évidemment de recommandations pragmatiques, qui seront sans nul doute suivies d’effets immédiats…
L’hydre administratif
En somme, la cité administrative de Nantes nous donne à voir un joyeux condensé du mal français, à savoir la prolifération de bureaux et d’administrations en charge d’appliquer l’inflation de normes qui ensevelit l’économie et la société de notre pays.
Ces normes qui nourrissent et légitiment l’hydre de la bureaucratie se régénèrent sans cesse pour mieux imposer a posteriori dans les organigrammes de nouvelles administrations devenues et considérées comme indispensables à la gestion du pays.
Seul le Rassemblement National a eu le courage de pointer cette dérive délétère qui constitue l’une de nos sources majeures d’endettement. Si l’on additionne le coût de fonctionnement de toutes ces administrations fantômes, insanes par nature, à celui du traitement des mandarins qui ont la charge de leur service, les montants deviennent vertigineux.
Aux premiers rangs d’entre eux, le Conseil Economique et Social, qui ne représente que la tête la plus visible de la forêt de conseils épigones maillant l’action administrative, bien incapable de prendre une décision sans en référer au préalable à la lecture d’une dizaine de rapports.
Des instances de consultation tenant lieu de penderies pour de vieux camarades de la politique, qui trouvent dans ces coquilles vides de belles prébendes pour leurs fins de carrière.
Premiers problèmes
À peine dans les murs qu’un vieux trait du tempérament du fonctionnaire commence déjà à se manifester. Une partie des nouveaux hébergés s’élève face à la dégradation des conditions de travail induites par le « flex office » (changement régulier de bureaux) et le froid ambiant en liaison avec le nombre limité de postes de travail et une régulation de la température à 19 °C maximum.
Reste qu’une bonne partie de cette armée mexicaine de fonctionnaires doit son appointement grâce au recours à l’emprunt sur les marchés financiers, la crise venant à poindre, les temps de la sur-administration semblent comptés à plus ou moins long terme.
De fait, un tel investissement, d’une valeur de 50 millions d’euros pour l’hébergement des « petits hommes gris » en charge d’appliquer le mille-feuilles de normes nationales et européennes, ne paraît plus vraiment en phase avec les défis de notre époque.
Marco
Illustration : DR
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