La chute du régime syrien de Bachar al-Assad marque un tournant historique et bouleverse les équilibres régionaux et internationaux. Dans une interview accordée à Epoch Times, Alexandre del Valle, géopolitologue reconnu, décrypte les causes de cet effondrement et les conséquences potentielles pour la Syrie et ses voisins.
Un effondrement plus interne que militaire
Selon Alexandre del Valle, la chute de Bachar al-Assad n’est pas simplement le résultat d’une conquête militaire menée par le groupe djihadiste HTS (Hayat Tahrir al-Cham), dirigé par Abou Mohammed al-Joulani. Bien que ce dernier ait profité de l’occasion pour avancer, il ne représente pas la totalité des forces rebelles.
La situation syrienne est bien plus complexe. L’effondrement du régime de Damas est en grande partie lié à une désintégration interne provoquée par la pauvreté, les sanctions économiques et la corruption. Les rebelles venus du sud, notamment de Deraa, ont joué un rôle majeur en profitant de l’épuisement des forces armées syriennes. Ces derniers, souvent des anciens partisans de la révolution de 2011, ne partagent pas l’idéologie islamiste du HTS.
Vers une fragmentation inévitable de la Syrie ?
Del Valle souligne que l’avenir de la Syrie semble se diriger vers une fédéralisation ou une fragmentation. Plusieurs acteurs régionaux et locaux maintiennent un contrôle sur des territoires spécifiques :
- Le HTS, basé dans le nord, manque de moyens pour imposer son autorité sur l’ensemble du pays.
- Les Kurdes, dans l’est, renforcent leur autonomie et disposent du soutien américain.
- Les Alaouites, dans le nord-ouest, conservent des capacités militaires héritées de l’armée syrienne.
- Les Druzes, au sud, sont soutenus indirectement par Israël, garantissant leur protection face à d’éventuelles agressions.
Pour Randa Kassis, une fédéralisation offrant une autonomie à chaque région pourrait être la seule solution viable pour maintenir une certaine stabilité.
Le rôle ambivalent de la Turquie
La Turquie a joué un rôle central dans la chute d’Assad, notamment en soutenant des milices rebelles sunnites et en réarmant les djihadistes d’Idlib. Cependant, ce soutien n’est pas dénué d’ambiguïté. En favorisant la montée en puissance du HTS et d’autres groupes, Ankara espérait affaiblir le régime syrien et réduire l’influence kurde dans le nord.
Pourtant, l’effondrement total du régime n’était pas l’objectif initial d’Erdogan. Ce dernier souhaitait négocier un protectorat dans le nord pour reloger les réfugiés syriens présents en Turquie, tout en éradiquant la menace kurde.
Une menace pour les chrétiens syriens
Les communautés chrétiennes de Syrie, traditionnellement protégées par le régime d’Assad, se retrouvent aujourd’hui dans une situation précaire. Le HTS, malgré des promesses de tolérance, suscite une profonde méfiance en raison de son passé marqué par des massacres de minorités.
Selon del Valle, un exode massif des chrétiens syriens pourrait s’intensifier si les zones contrôlées par les djihadistes se multiplient, mettant en péril la diversité culturelle de la région.
L’effondrement du régime syrien affaiblit l’axe Iran-Hezbollah, longtemps soutenu par Damas. Israël en profite pour réduire la présence iranienne et interrompre les routes d’approvisionnement du Hezbollah. Cependant, une Syrie morcelée, où des groupes djihadistes domineraient certaines régions, pourrait représenter un nouveau défi sécuritaire pour l’État hébreu.
Une fragmentation durable et des incertitudes
La chute de Bachar al-Assad marque la fin d’une ère pour la Syrie. Cependant, cette victoire pour les opposants du régime laisse entrevoir une période d’instabilité prolongée. Entre les ambitions turques, les revendications kurdes et la montée des djihadistes, la Syrie pourrait bien devenir un champ de bataille où se jouent les intérêts de nombreuses puissances régionales et internationales.
Illustration : DR
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4 réponses à “Chute du régime syrien : analyse et enjeux géopolitiques selon Alexandre del Valle”
comme en Irak Libye Afghanistan Serbie et plus lorsque les dictateurs sont éliminé les frères Musulmans prennent le pouvoir après plein de promesses le peuple ce retrouve au moyen Age
Tres bonne analyse J.R. Allemmoz, car c’est ce qui va arriver si des mesures drastiques ne sont pas prises. Et je parle (entre-autres) de l’Europe …
Bachar est issu de la minorité alaouite, qui est une branche minoritaire du pays à majorité sunnite…Contrairement aux sunnites, les chiites proposent l’interprétation du coran, chez les sunnites c’est la »sunna » qui remplit cette fonction…Sous le règne de Bachar el Assad des Chrétiens et des sunnites ont obtenu des postes clés dans l’armée et les ministères…Est-ce que cela sera toujours possible maintenant??…
l’europe salue la venue au pouvoir d’islamistes « modérés »! toujours en retard d’une guerre nos zéxcellences