En décembre 2024, la Géorgie a été le théâtre de manifestations pro-européennes à Tbilissi, principalement autour du Parlement mais aussi dans quelques autres villes de ce pays, entouré de la Turquie, de la Russie, de l’Arménie…
Ces événements ont suscité une couverture médiatique internationale, souvent comparée au mouvement Maïdan en Ukraine. En réalité, il n y a quasiment pas de journalistes étrangers sur place – on se demande donc comment est fabriquée l’information – et les rédactions semblent se contenter de reprendre en boucle les discours construits par les grandes agences de presse occidentales. Cependant, une observation directe sur place révèle une réalité plus nuancée. Nous sommes allés faire un tour à Tbilissi, pour prendre le pouls de la population, après plusieurs soirs de manifestations.
Contexte géopolitique de la Géorgie
La Géorgie, située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, entretient des relations complexes avec l’Union européenne (UE) et la Russie. Depuis son indépendance en 1991, une partie du pays aspire à rejoindre l’UE et l’OTAN, tout en gérant des tensions avec la Russie, notamment concernant les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
Fin novembre 2024, le gouvernement géorgien a annoncé le report des négociations d’adhésion à l’UE jusqu’en 2028, déclenchant des manifestations à Tbilissi. Des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Parlement pour exprimer leur mécontentement. Loin des millions qui étaient descendus dans les rues en France pour les Gilets jaunes ou La Manif pour tous, suscitant des violences policières importantes sans que l’opinion international ne s’en émeuve plus que cela (ni la presse français d’ailleurs). Les forces de l’ordre géorgiennes ont utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser les foules, entraînant des affrontements et des arrestations.
Les manifestations ont lieu devant le parlement, chaque soir depuis une semaine, mais rassemblement de moins en moins de monde, comme ce mercredi 7 décembre, où nous étions sur place, sans constater d’importants mouvements de foule.
Perception locale versus couverture médiatique occidentale
Bien que les médias occidentaux aient comparé ces manifestations au début du mouvement Maïdan ukrainien, les habitants de Tbilissi offrent une perspective différente. Nombreux sont ceux qui, tout en comprenant la frustration de certains manifestants, désapprouvent les émeutes et estiment que la situation n’est pas aussi grave que dépeinte.
La vie quotidienne dans la capitale se poursuit normalement, et les discussions avec les résidents révèlent une population majoritairement indifférente à la situation politique du moment (le taux d’abstention aux dernières élections fût important puisque 1,5 millions d’électeurs ne se sont pas déplacés (2 millions ont voté).
Nous sommes allés interroger des commerçants, des policiers, des badauds dans les rues, et nous n’avons pas rencontré, y compris dans le centre de Tbilissi, de personnes qui affirmaient ou revendiquaient avoir participé aux manifestations. Quelques affiches, quelques autocollants pour l’Union Européenne se retrouvent dans les rues, mais on est loin, très loin de l’atmosphère des prémices d’une révolution, n’importe quel journaliste de guerre habitué du terrain le confirmerait en se rendant sur place.
La présence policière (en journée) n’est pas plus importante que d’habitude dans le centre ville nous a confié un policier, seuls les abords du Parlement sont actuellement plus surveillés avec quelques camions de policiers stationnés en journée (faut-il dresser le parallèle avec les colonnes de blindés et de camions de police sur les Champs Elysées à l’occasion de manifestations ces dernières années ?). Il est néanmoins certains qu’il y a eu des arrestations et des blessés à l’occasion des manifestations de ces derniers jours. Beaucoup moins néanmoins que lors des manifestations françaises récentes (faut-il rappeler les tirs de LBD et les éborgnés des manifestations de Gilets jaunes ?).
Une guerre de l’intox ?
Il semblerait en réalité qu’on assiste à une guerre de l’intox, entre des occidentaux cherchant à déstabiliser le pouvoir géorgien qui ne va pas en faveur de l’Union Européenne d’un côté, et un pouvoir Géorgien qui ne semble pas avoir envie de se mettre à dos les autorités russes, il suffit de regarder où se situe la Géorgie sur une carte pour le comprendre.
Les Géorgiens que nous avons interrogé quant à eux, semblent majoritairement préocuppés par la paupérisation (il y a un nombre de mendiants, notamment âgés, très important), et par l’économie qui bat de l’aile dans ce pays. Mais l’Union Européenne ne semble pas faire rêver plus que cela, hormis certains jeunes qui nous ont confié vouloir se rapprocher de l’Ouest, notamment pour y faire leurs études, et éventuellement y travailler ensuite, pour mieux gagner leur vie qu’en Géorgie.
Difficile de connaitre l’issue de ce mouvement, réel mais pas si massif que décrit dans la presse occidentale, de contestation des autorités. Il faudra voir si il y a essouflement dans les prochains jours, ou pas, sachant que la Géorgie est un pays qui est, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, à la recherche d’une stabilité économique et sociale pas encore atteinte.
La situation est complexe et ne peut être réduite à une simple opposition entre le peuple et ses autorités. Bien que des tensions existent et que des manifestations aient eu lieu, la réalité sur le terrain à Tbilissi montre une population diverse dans ses opinions, avec une majorité désireuse de stabilité et de progression vers l’adhésion à l’UE, tout en condamnant les violences. Il est essentiel de considérer ces nuances pour comprendre pleinement la dynamique actuelle en Géorgie.
YV
Illustration : breizh-info.com (TDR)
[cc] Breizh-info.com, 2024 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
9 réponses à “Géorgie. La presse occidentale semble exagérer les manifestations. Notre témoignage sur place”
La presse occidentale « mainstream » est la machine de propagande de l’UE alors, il est normal que la neutralité des faits soit quelque peu foulée au pied !
Bonne analyse d’une situation pour le moins confuse d’un pays et une nation qui se cherchent. (Qui est YV signant l’article) ?
Yann Vallerie
les Géorgiens eux même sont surpris quand ils regardent les manifestations à la télévision ! mais la CIA veille !comme d’habitude quand il faut mettre la guerre ! exactement le même genre à Maîdan en Ukraine ! ce qu’il y a de bien avec les Américains ! c’est toujours le même fonctionnement ! comme en France en 68 les étudiants comme Dany le rouge !!
Breizh Info a les moyens d’envoyer ses reporters en Géorgie ? Bravo !
Merci Du reste j’avais deviné… mais un peu tard ! Et Mille Excuses : Il est 3hres du matin au Canada !!!
Pour bien mettre le contexte en perspective lire
Le Printemps de Tbilissi, Gérard de Villiers
N* 176
MERCI ! UN PEU DE VERITE, CA FAIT DU BIEN…
Il faut savoir que la Géorgie ne peut en l’état adhérer à l’OTAN car ne peuvent y adhérer les états déjà envahis (Ossétie…)
Donc le gouvernement en retirant sa demande d’adhésion n’a en rien modifié les choses.
Nos journalistes professionnels ne l’ont même pas remarqué. ‘est dire leur niveau professionnel.