L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a suscité des réactions variées à travers le monde, notamment en Europe. Si certains y voient une bouffée d’air frais pour le populisme européen, d’autres perçoivent des limites structurelles dans les parallèles entre les deux continents. Cette victoire soulève des questions profondes sur l’avenir des relations transatlantiques et sur la capacité de l’Europe à retrouver son identité.
Une jubilation populiste, mais à quel prix ?
En Europe, de nombreux populistes ont salué la victoire de Trump comme un triomphe contre le gauchisme. Ce succès semble repousser la montée de la « wokisation » et promet un rétablissement des valeurs nationales aux États-Unis. Pourtant, cette lecture optimiste oublie un élément fondamental : le populisme américain et le populisme européen reposent sur des bases idéologiques et historiques bien distinctes.
Comme le souligne Paul Gottfried, historien américain, le populisme européen est enraciné dans des éléments concrets : la religion, l’histoire et les traditions nationales. À l’inverse, le populisme américain s’articule davantage autour de concepts abstraits tels que l’idée de liberté et d’égalité universelle, tirés de la Déclaration d’indépendance. Ces différences fondamentales expliquent pourquoi les mouvements populistes des deux côtés de l’Atlantique peuvent parfois se heurter dans leurs priorités.
Les défis des relations transatlantiques
L’histoire récente montre que les États-Unis, même sous Trump, ont exercé une pression significative sur les affaires internes des pays européens. En 2019, l’administration Trump avait pesé sur le gouvernement italien pour empêcher Matteo Salvini, un leader populiste, de former une coalition perçue comme trop indépendante de Washington. Cette ingérence illustre la difficulté pour l’Europe de se défaire de l’hégémonie américaine, même sous un président populiste.
De plus, la politique étrangère américaine, marquée par son rejet des institutions monarchiques et chrétiennes en Europe, reste un obstacle pour une véritable convergence des populismes. Depuis la Première Guerre mondiale, les États-Unis ont contribué à l’effondrement des monarchies européennes, affaiblissant ainsi deux piliers essentiels de l’identité européenne : l’Autel et le Trône.
Une opportunité pour l’Europe de retrouver son âme
Cependant, la victoire de Trump pourrait offrir une opportunité unique à l’Europe : celle de se recentrer sur elle-même. Les défis géopolitiques auxquels les États-Unis sont confrontés en Asie et au Moyen-Orient pourraient détourner leur attention de l’Europe. Cette absence relative d’ingérence pourrait permettre au Vieux Continent de réexaminer ses fondements culturels et politiques.
Otto von Habsburg, dernier héritier de l’Empire austro-hongrois, parlait de la « Reichsidee » (idée impériale) comme un modèle pour l’Europe. Cette vision repose sur la solidarité, la subsidiarité, et un retour à des valeurs chrétiennes. Une telle redécouverte pourrait non seulement raviver l’identité européenne, mais aussi offrir un contrepoids aux excès idéologiques venus d’Amérique, qu’ils soient « woke » ou populistes.
L’Europe face à ses contradictions
L’Europe d’aujourd’hui est plongée dans une crise existentielle, entre auto-dénigrement culturel et désintégration sociale. Le populisme européen, incarné par des figures comme Viktor Orbán, se distingue par son appel à protéger les frontières, la famille traditionnelle, et le christianisme. Ces éléments, absents du discours populiste américain, montrent que l’Europe possède encore des atouts uniques pour redéfinir son destin.
Mais pour que cela se réalise, il faudra surmonter les divisions internes et les influences extérieures. Comme l’a dit Franz Ferdinand, « tant que le Vieux Continent reste divorcé de lui-même, ses filles, y compris les États-Unis, ne peuvent être en bonne santé. »
Si l’Europe parvient à retrouver son identité et à s’émanciper de l’influence américaine, elle pourra redevenir un modèle de stabilité et de prospérité. Cela bénéficierait non seulement à elle-même, mais aussi aux États-Unis, en quête de repères culturels. La victoire de Trump, bien qu’importante, ne suffira pas à résoudre les problèmes profonds des deux rives de l’Atlantique. Seule une Europe unie, enracinée dans son histoire et ses traditions, pourra influencer positivement le monde, y compris l’Amérique.
Dans cette optique, le renouveau européen pourrait marquer le début d’une ère où les relations transatlantiques ne seraient plus marquées par la domination, mais par un véritable partenariat entre égaux.
Charles A. Coulombe
Texte extrait d’une tribune dans The European Conservative, traduit par nos soins.
Illustration : Pixabay (cc)
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Une réponse à “Donald Trump : une victoire pour l’Europe ou un mirage ?”
Il me semble que beaucoup de populistes français se réjouissent de la victoire de Trump non comme d’une victoire contre le wokisme mais d’une victoire de l’isolationnisme américain, autrement dit d’une victoire contre l’alliance atlantique. Or, bizarrement, les mêmes semblent convaincus que l’Otan reste une grande puissance qui tire les ficelles en Europe et comptent apparemment sur Poutine pour les « libérer » ! Je pense qu’ils seront doublement déçus, à la fois parce que Trump ne sera pas isolationniste mais égoïste (il agira à l’étranger dans le seul intérêt des Etats-Unis) et parce que Poutine ne désire libérer personne !