Le problème principal n’est pas uniquement budgétaire, mais bien structurel. Faut-il attendre que la situation se détériore davantage pour agir, alors que le déficit public atteint déjà 5,6 % du PIB ? En France, nous assistons à une dérive des finances publiques qui dure depuis plusieurs mois, avec des prévisions inquiétantes pour l’avenir. L’an dernier, le déficit était de 5,1 %, alors que la règle européenne impose un déficit inférieur à 3 %. Cette année, il est de 5,6 % et devrait atteindre 6,2 % voire 7 % l’année prochaine, peut-être même 8 %. C’est préoccupant pour la France et pour l’Europe, car la moyenne européenne est bien en dessous de 3 %. La France risque ainsi de devenir le « mauvais élève » de l’Europe.
Personne n’a intérêt à ce que la France soit faible sur le plan des finances publiques. Comment corriger cette situation au plus vite et de manière efficace ? Bercy (le ministère des Finances) souligne que le principal facteur du déficit est l’augmentation des dépenses des collectivités locales. En particulier, les dépenses de personnel dans les communes augmentent beaucoup plus vite que la croissance économique (qui est à 1 %). Mais ce n’est pas le seul problème, car l’État, pour réduire son propre budget, transfère des charges aux collectivités sans leur fournir de ressources supplémentaires. Cela aggrave la situation financière du pays.
Le risque européen et la confiance des marchés financiers
Au niveau européen, Bruxelles dépend de la France. Le véritable risque ne réside pas dans l’Europe elle-même, mais dans une éventuelle perte de confiance des investisseurs envers la France. En effet, la France ne se finance pas uniquement par ses citoyens, mais aussi par des fonds étrangers, comme les fonds de pension qui achètent de la dette publique française. C’est ici que se situe le problème. Si Bruxelles détecte un manque de confiance des investisseurs envers la France, cela pourrait avoir un effet contagieux dans toute l’Europe. Si la France devient perçue comme un risque, cela pourrait entraîner une crise de confiance pour l’ensemble de la zone euro, ce qui serait catastrophique, surtout dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, notamment avec les États-Unis.
Actuellement, plus de 50 % de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers. Cela s’explique par le fait que la France dépense plus qu’elle ne génère de recettes fiscales. Certes, les citoyens français, notamment à travers l’assurance-vie, financent une grande partie de la dette, mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi la France doit faire appel à des investisseurs étrangers pour financer sa dette. Cela fonctionne tant que l’ensemble de la zone euro affiche une situation budgétaire relativement saine, avec un déficit inférieur à 3 %, ce qui inspire confiance. C’est ce qui permet à la dette européenne de rester attractive, mais ce scénario pourrait changer.
Le danger de la défiance envers la France et la fracture de la zone euro
Le plus grand danger réside dans la méfiance croissante envers la France au sein de la zone euro. Cela pourrait entraîner une fracture de l’Eurozone, et la France pourrait devenir le maillon faible, ce qui est particulièrement risqué. La France est à un point critique, sur le fil du rasoir, avec un premier déficit qui pourrait franchir la « ligne rouge » et entraîner une déstabilisation économique – une situation plus qu’inquiétante.
Les dernières projections des dépenses publiques pour les trois prochaines années montrent que la trajectoire budgétaire de la France se détériore. Cela explique la tension actuelle au sein du Parlement. Il est donc urgent de réformer les grands services publics. Comme le souligne la Cour des comptes, des économies massives sont nécessaires, mais cela est difficile à réaliser, surtout dans des secteurs déjà en difficulté comme l’hôpital ou l’éducation.
Des réformes structurelles plutôt que de simples économies budgétaires
Le problème n’est pas simplement une question de réductions budgétaires, mais de réformer en profondeur le fonctionnement des services publics. Investir dans des services publics qui ne fonctionnent pas ne servira à rien. Il est impératif de repenser la structure même de ces services, non pas pour des raisons politiques ou électoralistes, mais pour trouver des solutions durables. Malheureusement, ce sujet est constamment repoussé, malgré la détérioration des services publics et le mécontentement croissant des citoyens, notamment des classes moyennes, qui craignent de sombrer dans la pauvreté.
Le « ce n’est pas le moment » est une excuse qui ne peut plus durer. Si nous continuons à repousser la réforme, la crise finira par devenir une réalité. Il ne s’agit pas seulement de l’avenir financier de la France, mais aussi de la stabilité de l’ensemble de la zone euro.
Le courage politique nécessaire
Le véritable défi n’est plus uniquement économique, il s’agit d’un véritable courage politique. Il est essentiel de restaurer la confiance des citoyens, notamment des classes moyennes, qui se sentent laissées pour compte, et qui perçoivent la politique publique comme un système jetant sans cesse de l’argent dans un puits sans fond. Ce mécontentement s’est déjà exprimé lors du mouvement des « gilets jaunes ». Pourtant, la situation ne s’améliore pas, bien au contraire, et la dégradation des services publics se poursuit.
Il est donc urgent de repenser en profondeur l’organisation des services publics, afin de les rendre plus efficaces et plus adaptés aux besoins réels des citoyens. Si cette réforme continue d’être retardée, la crise, qui paraît encore lointaine, deviendra inévitable – non seulement pour la France, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe.
Jean-Luc Ginder, Economiste
Illustration : pixabay (cc)
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6 réponses à “France. Un problème structurel, pas seulement budgétaire”
ils ne lacheront pas la france si la france tombe c’est l’union euro qui disparait mais il y aura sans doute une gestion sous-tutelle drastique de la france
Pour une fois, un excellent article économique qui explique un tant soit peu, les failles vers lesquelles la France d’aujourd’hui, fortement affaiblie, plonge si elle ne se reprend pas.
J’ajouterais que je suis pas tellement d’accord avec Loic Ruello lorsqu’il annonce que la France ne sera pas « lâchée ». Il suffirait que la majorité des pays européens ferment définitivement leurs portes à l’immigration pour que l’envahissement du territoire national français se fasse au detriment du Blanc, de son économie, de sa prédominance. En un mot, la mort de la Patrie.
Aucun de nos politiques actuels n’est prêt à réduire le train de vie de l’Etat…Micron et ses 120 » accompagnants » pour son escapade marocaine avec 3 avions c’était vraiment nécessaire ? Ces gens continuent de » jouer aux riches » alors que la France est à découvert de plusieurs de milliards et s’enfonce dans la dette chaque jour un peu plus. Les français devraient se méfier de ce qui va arriver à ce train c.a.d Livret A, Epargne et Assurances Vie piquées par l’ Etat pour se renflouer !
Redresser en quelques années une situation qui s’est installée en plusieurs décennies est une gageure ! D’autant plus que l’immense majorité des Français ne paraît pas se rendre compte de la situation. Il a fallu des efforts énormes, de la part de la population ET de l’Union européenne, pour tirer la Grèce d’affaire. Mais la France, c’est autre chose ! Et comme la France ne voudra pas se laisser soigner, la seule solution pourrait être le Frexit imposé : l’Union européenne expulse la France qui ne fait pas mine de rentrer dans les clous, et qu’elle se débrouille toute seule !
saludiñ d’an holl, je ne sais pas ce qui s’est passé mais j’ai eu du mal à découvrir l’article : page blanche (peut-être cela est venu de mon ordi ou de BI.com ? ; je vais aller voir mon historique et y trouver la solution) ; mais après moult tentatives, ce fut ok pour lire un excellent article économique ainsi que les trois commentaires que j’ai liké 1 fois chacun avec le pouce en haut ; cela rejoint les analyses plusieurs fois commentés ici de ma part de Marc TOUATI sur sa chaîne You tube tous les mardis. En France, il nous reste heureusement de très bons professionnels en ce domaine et dommage qu’ils ne soient pas au gouvernement. Ce dernier devrait, au minimum, tenir compte de leurs conseils avisés. Je cite et pardon à ceux que j’oublie : Charles GAVE, Pierre JOVANOVIC, Jean-Marc JANCOVICI (pour le domaine de l’énergie)…etc. Cela viendra peut-être. Prions. Kenavo
Tiens, il paraît même si j’en crois Le Monde du 2 octobre : « Entre mi-2023 et mi-2024, le secteur public est ainsi à l’origine de 71 000 nouveaux emplois (+ 1,2 %), sur un total − public et privé confondus − de 130 000 emplois créés, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ».
Non seulement une restructuration de l’organisation politico économique, mais une véritable réforme du fonctionnement social à la prodigalité dispendieuse tant elle est naïve.
Je propose le modèle Danois qui dans les années 70 a fait passer totalement les charges sociales du travail sur la consommation (1 seul taux de TVA élevé pour tout). Depuis 1986, le Danemark n’a pas eu 1 seule fois sa balance commerciale déficitaire depuis 1986 (une chance pour le Dk, des ressources gazières sur ses côtes).
Conséquence à attendre :
– produits nationaux plus compétitifs, le commerce sur les imports participe ainsi au social ;
– une système de retraite de base d’Etat unique, les salariés (et aussi les artisans, les agriculteurs, etc.) en bénéficient peuvent opter -dans leur intérêt*- en plus pour un régime complémentaire (nos complémentaires sont bien gérées).
* : les salariés perçoivent leur salaire brut.
Quant aux décisions, je crois qu’on attendra que nous soyons sous contrôle du FMI, la démagogie est le principe
de fonctionnement de nos politiques ! A ce moment là, retraite des fonctionnaires : -50%, du privé : -30% ! Ca va chouiner…