Jordan Bardella, président du Rassemblement national et député européen, s’est essayé à l’exercice du livre confession avec Ce que je cherche. Pourquoi pas. Mais ce premier ouvrage, loin d’être un cri du cœur ou une réflexion profonde, semble davantage être un coup médiatique et un outil de marketing politique. Entre incohérences, revendications de façade et une mise en scène calculée de sa trajectoire, le livre édité chez Fayard s’épuise à vouloir plaire à tout le monde et finit par ne rien dire de significatif.
McDonald’s, symbole de la malbouffe assumée : incohérence en série
Dès les premières pages, M. Bardella indique que les soirées électorales se compensent à coup de McDonald’s « ça empestait l’odeur de fast food dans toute la pièce », une anecdote qu’il utilise manifestement pour se présenter comme un homme cool et proche du peuple. Mais peut-on imaginer pire symbole pour un homme politique prétendant défendre la production locale et les entreprises françaises ? Manger de la malbouffe industrielle américaine (avec certes des produits fabriqués en France….dans quelles conditions ?), et s’en vanter, revient à jeter aux orties la cohérence politique qu’on attend d’un défenseur supposé des circuits courts, du savoir-faire français et du protectionnisme économique.
Cette posture destinée à séduire un électorat large et populaire, ne trompe personne. À force de vouloir être « comme tout le monde », Bardella apparaît comme un politicien formaté, prêt à toutes les concessions symboliques pour lisser son image. Ce n’est pas un péché de fréquenter des fast-foods, mais le revendiquer dans un livre censé exposer une vision politique est un geste vide, presque insultant pour les véritables artisans du « produire français ».
L’obsession des origines : l’identité en demi-teinte
Un chapitre entier est consacré à son héritage familial et à sa construction identitaire, où Bardella insiste sur ses origines italiennes, mais aussi sur son amour du Maroc. Il semble presque nécessaire, dans le récit, de souligner son statut de descendant de migrants pour valider son droit à l’arène politique française. Mais pourquoi cette justification ? Loin de valoriser une cohérence identitaire, cela trahit une volonté de normalisation par rapport à un système qui exige de cocher la case « diversité » pour être accepté.
Dans un contexte où il aurait pu défendre une identité assumée et une vision claire de la France, il se perd dans une posture défensive. Ce passage, comme le reste du livre, transpire la volonté de dédiabolisation à outrance (J. Bardella tacle le FN, sans lequel son parti ne serait rien, et se réfère sans arrêt au Gaullisme, tellement original, tout en se montrant très « ouvert » sur toutes les lubies sociétales du moment). Au point d’apparaître plus modéré qu’un cadre du RPR des années 1990. On cherche en vain l’audace ou l’originalité dans un récit formaté pour ne déranger personne.
Un récit fade et sans âme
La moitié du livre est consacrée aux campagnes européennes et législatives de 2024. Mais là encore, rien de neuf à l’horizon. Si vous êtes à la recherche d’une vraie plongée dans les coulisses de la politique française, mieux vaut vous tourner vers la série Baron Noir, qui au moins a le mérite d’être captivante et plus réaliste. Bardella reste à la surface, livrant des anecdotes sans profondeur, où chaque mot semble pesé pour éviter toute polémique.
Quant à la tentative d’intimité, elle tombe à plat. Bardella tente de dévoiler un peu de sa vie personnelle, mais le résultat est insipide. Il en dit trop peu pour susciter l’intérêt, et suffisamment pour rendre le tout maladroit. On ressort du livre avec l’impression qu’il ne sait pas vraiment ce qu’il cherche, un comble pour un ouvrage portant ce titre.
Au final, Ce que je cherche n’est qu’un produit parfaitement calibré pour servir les intérêts de son auteur et de son éditeur, Fayard. Il s’inscrit dans une stratégie de communication (particulièrement réussie, il faut le concéder) destinée à occuper l’espace médiatique sans prendre de risques. Pendant ce temps, des livres bien plus intéressants, porteurs de véritables idées ou réflexions, restent dans l’ombre, faute d’un auteur médiatiquement établi ou politiquement correct.
Jordan Bardella prétend nous livrer sa vision de la France, son parcours et ses aspirations, mais Ce que je cherche manque cruellement de substance et de sincérité. Ce n’est ni un livre politique audacieux, ni un récit personnel émouvant. C’est un coup publicitaire sans saveur, symptomatique d’une époque où l’image et le calcul priment sur les convictions. À force de vouloir lisser son discours, Jordan Bardella finit par apparaitre comme ce qu’il est sans doute peu être vraiment au fond de lui : un homme politique de son temps. Ce qui, vu la période, n’est pas particulièrement un compliment.
YV
Illustration : DR
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