Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Civilisations Crète : Akrotiri et le palais de Knossos en bande dessinée.

L’île de Théra (Santorin), victime d’une éruption volcanique il y a près de 4000 ans, fait l’objet d’une superbe bande dessinée. C’est l’occasion de découvrir la civilisation cycladique de l’âge de bronze.

1630 avant J.C. Accompagné de son neveu Dexeus, le colosse Barsabas, dont le vrai nom est Dédale, accoste à Théra (île de Santorin), après une absence de 15 ans. Ses amis et ennemis le reconnaissent. Il apprend qu’il a eu une fille, Marita, avec Ida, son ancienne amante, devenue la matriarche d’un clan. Pendant ce temps, en Crête, au palais de Knossos, la reine Pasiphaé a enfin ouvert les yeux sur la fourberie de Minos. Ce phénicien précieux, maniéré et élégant, en gagnant tous les quatre ans l’épreuve du Taureau par la tricherie, obtient ainsi le droit de devenir le compagnon de la reine. Tous les quatre ans, il exige même qu’Athènes lui livre sept jeunes garçons et sept jeunes filles, pour les offrir en sacrifice au dieu Baal, assoiffé de sang. Mais le régime matriarcal minoen est menacé par les Hellènes, pour qui le pouvoir est un attribut réservé aux hommes. Un complot vise ainsi à renverser la reine pour instaurer un patriarcat, Minos devenant alors l’unique monarque. La lutte qui sévit entre les tenants de la tradition et ceux encourageant le changement s’avère sans pitié. Dans le camp des athéniens, le champion est Thésée, fils du roi Egée. Cependant, non loin de là, à Théra, les dieux en ont décidé autrement et le volcan commence à gronder des entrailles de la terre…

« Civilisations Crète » est le premier volume d’une trilogie comportant également « Civilisations Egypte » et « Civilisations Rome ». Ce projet se déploiera ainsi sur trois albums indépendants reliés par un mystérieux fil rouge. Avant l’Égypte et Rome, c’est donc en Grèce antique que la scénariste Simona Mogavino nous entraîne.

Simona Mogavino, née en 1974 à Vigevano en Italie où elle réside, après avoir suivi des études techniques et scientifiques, décide de changer de voie et s’inscrit en 1999 à une formation artistique. Puis elle travaille pour Paganini & Imbrò, une prestigieuse entreprise milanaise de restauration d’œuvres et d’édifices. En 2008, elle se plonge dans la lecture de la biographie d’Aliénor d’Aquitaine et, fascinée par ce personnage, dresse un projet de scénario. S’ensuit, à partir de 2012, la série en six tomes Aliénor, la Légende noire, une collaboration avec le scénariste Arnaud Delalande et le dessinateur argentin Carlos Gomez. Puis suivent Catherine de Médicis, Alexandre VI, Les aventures du Chevalier d’Éon, Rani Lakshmi Bai la séditieuse, et Bienvenue au Kosovo (avec Nikola Mirković).

C’est parce qu’elle travaillait dans le domaine de la restauration que Simona Mogavino a réalisé une étude approfondie des peintures murales d’Akrotiri, emplacement de fouilles archéologiques au sud de l’île de Santorin. En 1967, l’archéologue Marinatos y a découvert une ville, avec une forte influence minoenne, qui avait été enfouie par une éruption volcanique. Celle-ci provoqua un tsunami qui affecta la partie orientale de la mer Méditerranée : au moins trois vagues successives d’une vingtaine de mètres de hauteur ont déferlé sur la Crète. A Akrotiri, l’excellent état de conservation des bâtiments et leurs magnifiques fresques permettent de comprendre la culture sur cette île, à l’âge du bronze.

La scénariste retrace certains faits avérés. En effet, contrairement à Pompéi, puisqu’on n’a trouvé dans les couches de cendres d’Akrotiri aucun reste humain, on considère que les habitants ont eu le temps, avant l’éruption, de fuir par bateau. Mais elle ajoute un récit discutable : la lutte entre un système matriarcal minoen et une société patriarcale athénienne. En effet, selon une théorie, sur les peintures mises au jour, les femmes étant richement vêtues, parées de bijoux et davantage représentées que les hommes, il s’agissait d’une société matriarcale. Mais puisque seule une infime partie de la ville a été excavée, il parait délicat d’en tirer une telle conclusion. C’est pourtant sur cette idée que Simona Mogavino construit son récit, en plaçant des personnages légendaires (Dédale, Pasiphaé, Minos…) dans un cadre historique. Il faut sans doute une deuxième lecture pour assimiler, dans ces cent vingt pages bien denses, les différents personnages et comprendre la richesse du scenario.

Le dessinateur argentin Carlos Gomez a reçu en 1999 le Yellow Kid Award de l’artiste étranger (XXII Salone Internazionale dei Comics, Film et dell’Illustrazione Animazione di Roma, Italie). On avait déjà apprécié son superbe dessin réaliste pour les séries Aliénor d’Aquitaine, Catherine de Médicis et Rani Lakshmi Bai, la séditieuse. Par une profusion de détails (palais, décors, vêtements…), il reconstitue à merveille la civilisation cycladique de Santorin et celle minoenne de la Crête.

On se doute qu’il a effectué un véritable travail de recherche afin de respecter les dernières découvertes archéologiques. Pour Santorin, il dessine ainsi un archipel qui avait déjà, au début du IIe millénaire av. J.-C., sensiblement la même apparence qu’aujourd’hui. Les scientifiques considèrent en effet maintenant que c’est il y a 20.000 ans, lors d’une éruption antérieure, que l’effondrement de l’île s’est produit.

Par un trait puissant, il reconstitue Santorin et Knossos de manière très convaincante. Au début, sur Santorin, la scène du port montre, conformément à la réalité, une riche activité commerciale. En effet, en partant de la Crète, Santorin était la seule île de la mer Égée que l’on pouvait atteindre en une journée de navigation. Le dessinateur reproduit également les maisons de la ville d’Akrotiri, qui avaient deux ou trois étages et disposaient de salles de bains reliées à l’égout par des descentes en terre cuite. Bien sûr, il s’est amusé à reproduire, à Akrotiri, la fresque des dauphins (p. 10).

Ses personnages sont expressifs. Pour dessiner l’oriental Minos, il semble s’être inspiré du personnage de Xerxès dans 300 de Frank Miller. Il alterne judicieusement cadrages serrés et plans larges, afin de créer un véritable dynamisme. Certaines séquences sont particulièrement bien mises en image. L’ensemble, mis en valeur par la colorisation lumineuse et chatoyante des italiens Luca Saponti et Lorenzo Pieri, rappelle les chefs d’œuvre de François Bourgeon.

Civilisations-Crète, 128 pages, 29,95 euros. Editions Delcourt.

Kristol Séhec

Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Soutenez Breizh-info

Publicité

LES DERNIERS ARTICLES

Animaux

Hernie discale chez le chien : symptômes, prévention et traitement efficace

Culture, Culture & Patrimoine

Civilisations Crète : Akrotiri et le palais de Knossos en bande dessinée.

Culture, Culture & Patrimoine

Revoir Comanche, Le secret du roi, Les Schtroumpfs et la cape magique, Yvain le chevalier au lion, Infierno Azul, La Bible : la sélection BD du mois de novembre 2024

Jaguar

International, Sociétal

Délire woke. Le constructeur automobile Jaguar se saborde, Elon Musk ironise [Vidéo]

Santé

NaturAloé : une expertise française au service des bienfaits de l’Aloé Vera

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Culture, Culture & Patrimoine

XIII. Un must-have de la bande dessinée européenne

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Proies faciles, superbe bande dessinée policière.

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Rei Sen Pacifique, le chasseur zéro en bande dessinée.

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

La route, roman post-apocalyptique et survivaliste adapté en bande dessinée.

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Brigantus, la résistance des pictes face à l’Empire romain (bande dessinée).

Découvrir l'article

Culture, Economie

Le cinéma en crise, les Blancs dérangent, des BD nous rassurent [Marzhus #15]

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine

Le Menhir d’or : l’ultime album d’Astérix signé Uderzo et Goscinny !

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine

Covid19. Milo Manara : du dessin érotique à l’illustration solidaire

Découvrir l'article

Evenements à venir en Bretagne, Histoire, RENNES

Rennes. Hélène Jégado : vous reprendrez bien un bol d’arsenic ?

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Bande-dessinée. Phare Ouest, l’ultime épopée des Terre-Neuvas

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky