Le silence qui précède la tempête. Voilà ce que l’on entend dans les couloirs feutrés des rédactions parisiennes à l’annonce de l’arrestation de Boualem Sansal par le régime algérien. Une indignation en carton commence à poindre, mais elle n’est qu’un énième exercice d’hypocrisie de la classe médiatique française. Car, qu’on ne s’y trompe pas : ces mêmes donneurs de leçons qui brandissent aujourd’hui la liberté d’expression comme un talisman sacré sont les premiers à l’écraser sous leurs bottes dès que l’occasion leur en est donnée.
Boualem Sansal, symbole de la dissidence courageuse
Sansal est un écrivain, un vrai, un de ceux qui dérangent. Sa plume n’épargne ni les islamistes ni les autocrates algériens. Son œuvre, censurée dans son propre pays, expose les hypocrisies et les lâchetés d’un pouvoir gangréné par la corruption et la violence idéologique. Aujourd’hui, il paie le prix fort pour avoir dit ce que personne n’ose murmurer dans un pays verrouillé. Il risque la prison pour « atteinte à l’unité nationale », un délit fourre-tout qui rappelle les grandes heures des dictatures d’Europe de l’Est.
Mais, en France, ceux qui s’indignent bruyamment de son sort aujourd’hui ne sont pas moins coupables de bâillonner la liberté d’expression.
La censure : de l’Algérie à la France, des méthodes différentes, mais le même résultat
Oui, il faut dénoncer l’arrestation de Sansal. Mais osons poser la vraie question : où est l’indignation pour les Reynouard, les Ryssen, et tous les dissidents qui, chez nous, finissent en prison ou ruinés par des procès iniques ? Où sont ces voix offusquées quand un Tommy Robinson, en Angleterre, est jeté derrière les barreaux pour avoir osé mettre le doigt sur des vérités dérangeantes ? Où sont les indignations lorsque des jeunes militants se font arrêtés pour dénoncer la politique migratoire folle des autorités ? Ces mêmes élites médiatiques qui pleurent pour Sansal applaudissent en silence les lois Pleven, Fabius-Gayssot ou Taubira.
Ces lois liberticides ont transformé la France en une prison intellectuelle, où toute pensée qui s’écarte de la ligne officielle est vouée à la diabolisation, aux procès, et parfois même à l’incarcération. Historien ? Humoriste ? Polémiste ? Peu importe. Si vous marchez sur les œufs sacrés des récits historiques autorisés ou des tabous sociétaux, vous serez écrasé par la machine judiciaire, sous les applaudissements de ceux qui prétendent défendre la liberté d’expression.
Deux poids, deux mesures : la dissidence acceptable et celle qui ne l’est pas
Le cas de Boualem Sansal est un révélateur de cette hypocrisie abyssale. La dissidence, oui, mais à condition qu’elle soit politiquement correcte et qu’elle frappe les cibles convenues : l’Algérie, l’islamisme, les régimes étrangers. Mais dès qu’il s’agit de regarder nos propres failles, nos propres lois liberticides, le silence devient assourdissant.
Que dire de cette France qui se gargarise de démocratie tout en emprisonnant des humoristes pour des sketches jugés « haineux », ou des historiens pour des recherches qui dérangent l’ordre établi ? Que penser d’une presse qui pleure pour un Sansal tout en applaudissant les persécutions judiciaires contre des penseurs dissidents sous prétexte de lutter contre la haine ?
Boualem Sansal est en danger, et il faut le défendre. Mais défendons aussi ceux qui, en France, au Royaume-Uni ou ailleurs, risquent tout pour dire ce qu’ils pensent, même quand leurs idées nous dérangent. Une liberté d’expression à géométrie variable n’est pas une liberté, c’est un privilège accordé par une caste à ses alliés idéologiques.
Ceux qui condamnent aujourd’hui l’arrestation de Sansal tout en soutenant des lois liberticides en France sont les vrais fossoyeurs de la liberté. Et si nous ne nous levons pas pour défendre une liberté d’expression pleine et entière, nous finirons par perdre ce qui nous reste de courage intellectuel. Alors oui, protestons pour Boualem Sansal, mais refusons l’hypocrisie : la censure, qu’elle vienne d’Alger ou de Paris, est inacceptable.
Julien Dir
Illustration : DR
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