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Crise de santé mentale chez les jeunes : une société fragmentée en quête de sens

Une nouvelle étude menée par l’Ifop pour IAMSTRONG dévoile une réalité alarmante : la santé mentale des jeunes en France atteint des niveaux critiques. Au cœur du problème, l’isolement croissant, une société individualiste et communautarisée, et un manque criant de projets fédérateurs. Cette situation reflète un mal-être plus large, révélateur des fractures d’une société où cohabitent, souvent malgré eux, des individus aux aspirations divergentes.

Des chiffres inquiétants sur la santé mentale des jeunes

Selon l’enquête, près d’un jeune sur deux (48 %) âgé de 11 à 24 ans a déjà traversé un épisode dépressif de deux semaines ou plus. Plus alarmant encore, 23 % ont eu des pensées suicidaires, un chiffre qui atteint 27 % chez les jeunes filles. Ces statistiques traduisent une hausse inquiétante des troubles psychologiques par rapport aux générations précédentes.

Le stress et la solitude, omniprésents, affectent profondément cette génération. Deux tiers des jeunes (68 %) déclarent se sentir stressés, avec une intensité accrue chez les étudiantes (76 %). Ces chiffres illustrent l’impact délétère des pressions sociales, académiques et esthétiques, exacerbées par les réseaux sociaux.

Le rôle clé de l’estime de soi physique

Un des enseignements majeurs de cette étude est le lien entre l’auto-perception physique et la détresse psychologique. Les jeunes se percevant comme « pas beaux » sont trois fois plus susceptibles d’avoir des pensées suicidaires (59 % contre 11 % pour ceux se trouvant beaux). Ce constat révèle l’impact destructeur des standards esthétiques irréalistes imposés par la société et les médias.

Le manque d’estime de soi physique alimente également le pessimisme : 46 % des jeunes ne se trouvant pas beaux estiment vivre à une époque malheureuse, contre 17 % des autres. Ce constat témoigne d’une société où l’apparence devient un critère central, creusant les écarts entre les individus.

Une société désenchantée et divisée

Les chiffres traduisent une perte de sens collective. 57 % des jeunes se disent « écœurés » par leur environnement, une proportion en ligne avec les observations faites il y a 50 ans. Cependant, cette exaspération diffère : elle s’accompagne aujourd’hui d’un repli sur soi et d’un rejet accru des institutions.

La société française, fragmentée par des clivages communautaires et sociaux, échoue à proposer un projet fédérateur. Les jeunes, confrontés à des attentes contradictoires, évoluent dans un environnement où la solidarité cède la place à la compétition individuelle. L’étude souligne également une défiance croissante envers les autres, avec une difficulté marquée à s’affirmer et à développer des relations de qualité.

Des fractures sociales et entre sexes

L’étude met en lumière des disparités entre sexes importantes. Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables, avec des taux plus élevés d’anxiété (68 % contre 51 % chez les garçons), de dépression (55 % contre 40 %) et de pensées suicidaires (27 % contre 18 %).

Les inégalités sociales accentuent également ces fragilités. Les jeunes issus de milieux modestes sont plus enclins à l’auto-dépréciation et au stress, traduisant une fracture sociale qui alimente le désenchantement collectif.

Cette étude révèle une génération en souffrance, reflet d’une société fragmentée et désorientée. Les enjeux de santé mentale, loin d’être des problèmes individuels, traduisent des failles structurelles.

Les chiffres clés de l’enquête

Dépression, idées suicidaires, anti-dépresseurs : une jeunesse dans un état de souffrance psychique préoccupant…

1 – Un jeune sur deux (48%) de 11-24 ans a déjà vécu un épisode dépressif d’au moins 2 semaines, dont 25% dans les 12 derniers mois, confirmant par-là l’explosion des épisodes dépressifs caractérisés observée chez les 18-24 ans en 2021 par Santé Publique France.

2 – Plus grave, un jeune sur quatre confie avoir déjà eu des idées suicidaires (23%, dont 9% ces 12 derniers mois), ce qui marque une forte hausse de la prévalence de pensées suicidaires dans l’année pour les jeunes de 18 à 24 ans entre 2014 (3,3% – SPF) et 2024 (13%).

3 – Conséquence de l’aggravation de leur état psychologique, nombre de jeunes ont déjà pris des anti-dépresseurs : 16% dans leur vie et 7% ces 12 derniers mois, soit un taux assez proche du niveau évalué par le HCFEA (5%) pour la population pédiatrique en 2023.

Des marques de détresse psychologique qui vont souvent de pair avec un regard très négatif porté sur soi-même, notamment chez les filles

4 – Les indicateurs de vulnérabilité psychologique sont plus élevés chez les filles, que ce soit via l’anxiété (68%, contre 51% chez les garçons), les états dépressifs (55%, contre 40%) mais aussi les pensées suicidaires, deux fois plus fréquentes chez les filles (27%) que chez les garçons (18%).

5 – Très élevée chez les dépressifs, la tendance à s’auto-déprécier s’avère, elle aussi, très genrée si l’on en juge par la proportion de filles ayant « une opinion négative d’elles-mêmes » (38%, contre 26% des garçons) ou n’ayant pas confiance en leur niveau scolaire (34%, contre 23% des garçons).

6 – Enfin, ce mal-être féminin va de pair avec une envie plus marquée « de tout abandonner » (32%, contre 17% des hommes), un sentiment de solitude plus élevé (55%, contre 45% des hommes) et un plus fort écœurement à l’égard de la société environnante (68%, contre 49% des hommes).

La manque d’estime de soi sur le plan physique, une variable lourde de la détresse psychologique des jeunes…

7 – L’estime de soi sur le plan physique est en effet un facteur majeur des pensées suicidaires : la proportion de jeunes ayant déjà pensé à se suicider étant trois fois plus forte chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (59%) que chez ceux ou celles de disant beaux/belles (11%).

8 – On retrouve le même effet sur le sentiment de stress, de solitude ou encore l’impression de malchance de vivre à notre époque, trois plus répandu chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (46%) que chez ceux ou celles se disant beaux/belles (17%).

9 – Enfin, le manque d’estime de soi physique pèse aussi sur la confiance dans ses capacités scolaires, alors même qu’il est à priori plutôt éloigné du sujet : 69% des élèves ne se sentant pas beaux n’ont pas confiance en eux sur le plan scolaire, contre 16% de ceux qui se disent beaux.

Illustration : Pixabay (cc)
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