Le moment est venu, à la lumière de la réélection de Donald Trump, de faire le point. Avant même son entrée officielle à la Maison Blanche pour son second mandat, il devient évident, au travers des personnalités choisies pour l’accompagner, qu’il va mener une politique de rupture. Visiblement, il va « renverser la table » et son objectif est de gagner la guerre contre l’État profond.
Il dispose aujourd’hui de tous les pouvoirs pour le faire et le soutien que lui manifeste le peuple américain lui donne une quasi-obligation de réussite.
L’État profond, le cœur du mondialisme
Depuis des décennies, toute la politique étrangère des Etats-Unis a été déterminée par ce système longtemps resté opaque aux yeux du monde et en particulier à ceux des Américains.
Parmi les têtes pensantes de ce « pouvoir de l’ombre » certains noms apparaissent, comme David Rockefeller, Henry Kissinger ou encore Zbignew Brzezinski.
Ce dernier est l’auteur du livre « le grand échiquier » paru en 1997. Sa lecture permet de mesurer l’influence qu’il a exercé sur la diplomatie américaine de ces trente dernières années. Celle-ci a visiblement été prépondérante en ce qui concerne l’Europe et l’extension progressive de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. On y reconnaît la méthode employée qui est celle des « petits pas » et des avancées souterraines.
Gérard Chaliand (directeur du centre d’étude des conflits) conclue ainsi sa préface : « Dans la grande lignée des Morgenthau et des Aron, Zbigniew Brzezinski vient de donner l‘ analyse politique et stratégique la plus rigoureuse du nouvel ordre mondial dominé par les Etats Unis et des voies et moyens pour que perdure celte suprématie. Son livre doit être lu avec la plus grande attention ».
Le plan Brzezinski pour neutraliser la Russie est exposé sans ambiguïté
Le livre commence par une rétrospective de l’histoire du monde occidental depuis les débuts de la chrétienté. On y retrouve en filigrane la théorie de John Mackinder sur le bloc continental qui représente plus des deux tiers des terres émergées et qui confère à la puissance qui le contrôle les moyens de dominer le monde.
C’est au chapitre 2 « l’échiquier eurasien » que les choses se précisent : « Dans ce contexte. la façon dont les États-Unis «gèrent »l’Eurasie est d‘ une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l‘ axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées e l les plus productives. Un simple regard sur la carte suffit pour comprendre comment la mainmise sur l’Eurasie offre presque automatiquement une tutelle facile sur l’ Afrique et confère une position géopolitique périphérique aux deux Amériques el à l’Océanie (voir carte p.58). On dénombre environ 75 % de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L‘ addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60 % du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées ».
Après avoir fait une sorte « d’état des lieux » du continent eurasiatique en passant en revue les différents points cardinaux, Brzezinski s’intéresse plus particulièrement à la Russie post-soviétique.
Il met en exergue les dangers qui peuvent la menacer et notamment ceux qui proviendraient d’une sorte de « perte d’autorité ». Il insiste beaucoup sur la relation quasi-charnelle entre l’Ukraine et la Russie.
«L‘ indépendance de l‘Ukraine modifie la nature même de l’État russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d‘être un empire en Eurasie. Et quand bien même elle s’efforcerait de recouvrer un tel statut, le centre de gravité en serait alors déplacé, et cet empire pour l’essentiel asiatique serait voué à la faiblesse, entraîné dans des conflits permanents avec ses vassaux agités d‘Asie centrale. Ceux-ci n’accepteraient pas sans combattre la perte de leur indépendance, récemment acquise, et s’assureraient le soutien de leurs alliés islamiques du Sud, tandis que la Chine, qui manifeste un intérêt croissant pour les nouveaux États d’Asie centrale, s’opposerait sans doute à la restauration de la mainmise russe. Pour Moscou, en revanche, rétablir le contrôle sur l’Ukraine, un pays de cinquante–deux millions d‘habitants doté de ressources nombreuses et d‘un accès à la mer Noire, c’est s’assurer les moyens de redevenir un État impérial puissant, s’étendant sur l’Europe et l’ Asie ».
Une des clés du problème ukrainien est là. On comprends alors beaucoup mieux la politique de l’État profond américain. Toute la guerre froide était basée sur la peur inspirée par l’URSS qui ne pouvait être que conquérante et cela servait à justifier les énormes budgets de défense américains qui permettaient au « complexe militaro-industriel », partie intégrante de cet État profond de tirer d’énormes bénéfices.
Un processus déjà utilisé et bien huilé
Le tout était de savoir quel sera le bon moment pour provoquer l’entrée en guerre de la Russie, non pas contre l’Ukraine comme on voudrait nous le faire croire, mais en réalité contre l’OTAN, autre partie de l’Etat profond américain. Les premières tensions entre l’OTAN et la Russie remontent à 2008 lorsque cette dernière s’est prononcée contre l’adhésion à l’OTAN des anciennes républiques socialistes soviétiques. Les Etats Unis y étaient favorables mais la France et l’Allemagne étaient plus partagées. Pour la Russie, l’Ukraine est devenue la « ligne rouge » et elle considérait comme un enjeu vital de ne pas avoir l’OTAN directement à sa frontière.
Une révolution dont on connait le rôle notamment de Victoria Nuland a éclaté en février 2014 et il en résultat l’établissement d’un gouvernement ukrainien pratiquement aux ordres de l’OTAN.
La suite est connue et l’échec de l’Etat profond américain est patent. Les « accords de Minsk » étaient une manœuvre destinée uniquement à gagner du temps pour armer l’Ukraine.
Par contre, le rôle de l’Occident est apparu très clairement aux yeux du monde non-occidental et les sanctions décidées à l’ONU ont accéléré le processus de défiance envers lui.
Les récentes réunions des BRICS+ ont confirmé que le monde monopolaire ne faisait plus recette et que la perspective d’un monde multipolaire se dessinait.
Des conséquences incontournables
Dans ce monde futur dont les pivots seront les continents, l’Union européenne risque fort d’être la grande perdante. Son architecture, entièrement soumise la vision mondialiste de l’Etat profond et qui fait disparaître les souverainetés nationales, ne peut que la fragiliser dans un monde dont un des objectifs est de maintenir ces souverainetés. Considérée comme une sorte d’annexe des USA et incapable de se passer de l’OTAN pour assurer sa défense, elle ne possède plus les moyens de son indépendance et la « souveraineté européenne » chère à Emmanuel Macron, en l’absence de peuple européen, n’est qu’un leurre.
En réalité, l’Union européenne qui a été conçue comme une sorte d’appartement témoin de la mondialisation future, devient complètement anachronique dans un monde multipolaire. Plutôt que d’essayer de prendre en compte cette situation, certains de nos dirigeants européens, et c’est le cas d’Emmanuel Macron, semblent « verrouillés » sur ce schéma ancien et veulent imposer à tout prix un fédéralisme européen devenu obsolète et contraire à l’avis de plus en plus de peuples européens.
La victoire de la Russie en Ukraine étant pratiquement inéluctable, on voudrait nous faire croire que l’Ukraine est le rempart, voire la ligne Maginot qui nous protége d’une invasion russe vers l’Europe de l’Ouest et que nous devons organiser d’urgence une réponse européenne militaire face à ce danger. Certains évoquent même, après l’élection de Donald Trump, un départ des Etats-Unis de l’OTAN pour « enfoncer le clou ». Tout ceci n’est fait que pour augmenter la la « pression fédéraliste » et ne repose sur aucun fait. On reprend la vieille rengaine de la Russie conquérante de la guerre froide.
Le monde est en train de changer de paradigme et tout indique que l’ère de la mondialisation basée sur l’hégémonie américaine se termine. Nos dirigeants occidentaux; sélectionnés par ces officines de l’Etat profond que sont le club des Bilderberg et la Commission trilatérale, adoubant les futures élites des « Young Global Leaders » deviennent aujourd’hui les « conquérants de l’inutile ».
Jean Goychman
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