L’Irlande, voisine du Royaume-Uni, a traversé une histoire marquée par des institutions fermées, symbolisées par leurs hauts murs et grandes grilles, dissimulant les réalités inconfortables de la société. Qu’il s’agisse des orphelinats (industrial schools), des blanchisseries Madeleine ou des foyers pour mères célibataires, ces lieux dans lesquels se sont déroulés parfois des abominations étaient ceux d’une société qui ne voulait pas affronter ses échecs.
Aujourd’hui, alors que ces murs physiques appartiennent au passé – avec tout son lot d’histoires sombres – de nouvelles barrières légales et symboliques prennent leur place. Parmi elles, les « zones d’accès sécurisées » autour des centres d’avortement, instaurées en Irlande en 2024.
Des murs invisibles pour des actes invisibles
Le 17 octobre 2024, le ministre irlandais de la Santé, Stephen Donnelly, a lancé une législation créant des zones d’exclusion de 100 mètres autour des cliniques et hôpitaux offrant des services d’avortement. Officiellement, ces zones sont censées protéger les femmes et le personnel médical contre le harcèlement. Pourtant, aucun rapport crédible n’a démontré une réelle menace ou des comportements intimidants aux abords de ces établissements. En 2019, le commissaire de la police irlandaise, Drew Harris, avait déclaré qu’aucune activité criminelle n’avait été observée en lien avec des manifestations pro-vie.
Ces « zones de sécurité » semblent donc davantage répondre à une volonté de dissimuler la réalité de l’avortement que de protéger les droits des femmes. En érigeant des barrières autour des établissements, on éloigne toute confrontation avec ce que l’avortement implique : la fin d’une vie. Comme le souligne Eilís Mulroy, représentante de la Pro-Life Campaign, ces lois criminalisent même les rassemblements pacifiques et silencieux, y compris la prière, à proximité des centres concernés. Une démarche qui va à l’encontre des libertés fondamentales.
Une banalisation dangereuse
L’instauration des zones d’accès sécurisées s’inscrit dans un mouvement plus large de banalisation de l’avortement, à la fois dans le langage et dans les pratiques. Les termes employés—« santé reproductive », « procédure », « choix »—déshumanisent l’enfant à naître et masquent la gravité de l’acte. Cette manipulation linguistique, ancrée dans les discours publics, contribue à gommer toute dissension et toute réflexion critique.
Pourtant, même parmi les défenseurs historiques des droits des femmes, le malaise persiste. Nell McCafferty, une figure féministe irlandaise décédée cette année, exprimait déjà ses doutes en 2018, reconnaissant la difficulté de faire face à certaines vérités sur l’avortement. Elle avait déclaré : « Permettre les avortements à 12 semaines signifie le démembrement de bébés dans l’utérus. » Des propos qui rappellent que, malgré l’évolution des lois, la question morale demeure.
Une dérive inquiétante
Les zones d’exclusion ne se contentent pas d’éloigner physiquement les opposants à l’avortement ; elles instaurent également un climat de peur et de censure. En Angleterre, une femme, Isabel Vaughan-Spruce, a été arrêtée pour avoir prié silencieusement dans une zone d’exclusion. Si de tels cas deviennent la norme, la liberté d’expression et de pensée risque d’être gravement compromise.
Cette évolution reflète une tendance à occulter les vérités dérangeantes au lieu de les affronter. En 2021, lors de la publication du rapport sur les foyers pour mères célibataires, le vice-premier ministre Leo Varadkar avait souligné que les générations futures pourraient juger sévèrement les pratiques actuelles. Pourtant, en érigeant ces nouveaux « murs », la société irlandaise semble reproduire les erreurs du passé, sacrifiant femmes et enfants sur l’autel de sa tranquillité.
Les « zones d’accès sécurisées » ne protègent pas seulement les femmes contre des menaces inexistantes ; elles protègent aussi la société de ses propres remords. En rendant invisible la réalité de l’avortement, ces zones empêchent un débat authentique et ouvert sur une question profondément humaine.
L’évolution de l’avortement en Irlande : d’un tabou historique à une légalisation progressive
Pendant des décennies, l’Irlande a imposé des restrictions strictes sur l’avortement, mais un mouvement progressif vers la libéralisation a abouti à la légalisation en 2018. Retour sur ce parcours, de ses racines historiques à la situation actuelle.
Jusqu’à la fin du XXe siècle, l’avortement en Irlande était strictement interdit, régi par des lois héritées de l’époque coloniale britannique, notamment l’Offences Against the Person Act de 1861. En 1983, l’Irlande a adopté le huitième amendement à sa Constitution, qui garantissait un droit égal à la vie pour le fœtus et la mère, rendant pratiquement impossible toute légalisation de l’avortement.
Des cas tragiques, comme celui de Savita Halappanavar en 2012, ont révélé les conséquences dramatiques de ces restrictions. Cette femme, à qui l’avortement avait été refusé malgré un risque évident pour sa santé, est décédée d’une septicémie, provoquant une indignation internationale et intensifiant les appels à une réforme.
Le tournant décisif est survenu avec le référendum de 2018, où 66,4 % des électeurs ont voté en faveur de l’abrogation du huitième amendement. Cet événement a ouvert la voie à la loi de 2018 sur la régulation de l’interruption de grossesse (Health Regulation of Termination of Pregnancy Act), qui a établi un cadre légal pour l’avortement.
Depuis le 1er janvier 2019, l’avortement est autorisé en Irlande dans les cas suivants :
- Jusqu’à 12 semaines de grossesse, avec un délai obligatoire de 3 jours après la certification médicale.
- Lorsque la santé ou la vie de la femme est en danger.
- En cas d’anomalie fœtale mortelle.
Les données récentes montrent une augmentation significative des avortements depuis la légalisation, avec plus de 10 000 interruptions de grossesse enregistrées en 2023, contre seulement 26 cas en 2014 sous l’ancienne législation. Cela illustre l’impact de l’accès élargi, mais suscite également des débats sur les implications sociales et éthiques.
L’Irlande a parcouru un long chemin depuis les jours où l’avortement était strictement interdit. Cependant, les débats autour des restrictions résiduelles, des droits des femmes et des implications éthiques restent vifs.
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3 réponses à “Les nouveaux murs de l’Irlande : des zones d’accès sécurisées à proximité des services hospitaliers pratiquement l’avortement”
En France l’Arcom vient d’infliger une amende à Cnews pour avoir laissé dire à l’antenne que l’avortement était un homicide. Le prétexte de l’Arcom est que l’enfant à naitre (terme utilisé par le ministère de la santé) n’est pas une personne au sens juridique, il ne peut y avoir d’homicide !
Je ne vois aucune réaction de quiconque dans l’espace publique pour dénoncer cette atteinte à la liberté d’expression et même d’opinion.
La moindre des choses est de demander à la personne si elle veut être assassinée. Pour cela il faut attendre qu’elle ait au moins 16, 17 ans car avant, elle n’est pas capable de répondre sereinement.
Comme ça, au moins la maman n’ira pas en enfer, endroit où elle irait si elle ne s’était pas repentie après un avortement.
Il faut aussi prier pour ses ennemis. Prions pour les médecins qui pratiquent ces abominations.
Et pour finir, en France il y a environ 250 000 avortements annuels. Où pensez-vous que va la viande sortie du ventre d’une femme ? Je viens de lire sur Telegram qu’une chaîne de fast food l’utilisait dans ses burgers… 100-200 tonnes de viande : les salopards ne vont pas la jeter, hein ? Cette chaîne serait en train de fermer. A suivre…
Le plus pauvre parmi les pauvres, c’est le fœtus