Signé Olrik, la dernière bande dessinée d’André Juillard.

Le célèbre dessinateur André Juillard, à ses débuts spécialisé dans la bande dessinée historique (Les 7 Vies de l’Épervier), avait repris depuis les années 2000 les nouveaux albums de Blake et Mortimer. Décédé à Port-Blanc (Côtes-d’Armor) le 31 juillet 2024, il avait au cours de sa maladie achevé le dernier album de Blake et Mortimer : Signé Olrik. Blake et Mortimer enquêtent en Cornouailles sur un groupe indépendantiste anti-immigration qui recherche l’épée Excalibur…

1- Signé Olrik.

Incarcéré fin 1958 (voir le « Testament de William S. ») à la prison londonienne de Wandsworth, Olrik fait connaissance de ses deux compagnons de cellule appartenant à une nouvelle organisation nationaliste des Cornouailles : le Free Cornwall Group. Le chef de celle-ci, le mystérieux « Grand Druide », recherche les symboliques trésors du roi Arthur pour financer la cause indépendantiste des Cornouailles. Soudain un avion lâche des tracts, par lesquels cette organisation exige du gouvernement britannique qu’il mette fin aux vagues d’immigrés, en provenance des Indes, venant travailler dans les mines au détriment des travailleurs anglais. A défaut, le prince héritier sera en danger. A Scotland Yard, Blake s’inquiète des menaces du Free Cornwall Group que personne ne connait. Il a dix jours pour résoudre l’énigme avant que le prince aille en Cornouailles. Au même moment, à Londres, au Council of Scientific and Industrial Research, Mortimer présente son modèle révolutionnaire d’excavatrice de poche, baptisée la Taupe, qui a bénéficié de la technique de l’Espadon, et qui va être testée, également en Cornouailles. Il va ainsi partir à la recherche du trésor légendaire du roi Arthur et de sa fameuse épée, Excalibur. Mais Blake et Mortimer ne pourront déjouer les attentats du groupuscule indépendantiste qu’avec l’aide inattendue du colonel Olrik…

La série Blake et Mortimer, créée par Edgar P. Jacobs, (1904-1987) est l’une des plus connues de l’histoire de la bande dessinée. Comme souvent dans le monde de la bande dessinée, le succès est dû au charisme des héros. Le capitaine Francis Blake, un ancien pilote de la Royal Air Force, est devenu directeur du MI5, le service britannique de contre-espionnage. Patriote, incarnation du flegme britannique, il est toujours maître de ses réactions. Son ami, le professeur Philip Mortimer, écossais roux, spécialiste en physique nucléaire, est le plus éminent scientifique du Royaume-Uni. Jovial et plein d’humour, fumant la pipe, son impulsivité peut l’amener à ne pas voir le danger. Ces deux héros se retrouvent très souvent confrontés à leur ennemi juré, le colonel Olrik, homme d’action fourbe et raffiné. Dans cette série, Edgar P. Jacobs prône la civilisation, c’est-à-dire, à ses yeux, le conservatisme britannique.

La série est interrompue après la mort de son créateur le 20 février 1987. Adolescent, André Juillard était un lecteur passionné de « Blake et Mortimer ». Devenu célèbre par sa ligne claire, il est contacté pour finir le diptyque des Trois formules du professeur Satō, qu’Edgar P. Jacobs n’avait pas pu achever. Mais, malgré l’intérêt financier, il n’aimait pas l’histoire et décline cette proposition. En 1989, l’achèvement du second tome des Trois Formules du professeur Satō est alors confié à Bob de Moor. En 1992, les éditions Dargaud rachètent les Éditions Blake et Mortimer et décident d’en relancer la production. Jean Van Hamme est choisi pour l’écriture du nouvel épisode, le dessin étant confié à Ted Benoit. Une nouvelle aventure, L’Affaire Francis Blake, est ainsi publiée en 1996.

En 1998, dans Le dernier chapitre Blake et Mortimer – L’aventure immobile, un album format à l’italienne, Didier Convard avait imaginé la vieillesse de Blake et Mortimer, bien des années après leur dernière aventure. L’accent est mis sur les missives qui expriment la profonde amitié qui lie les deux hommes, tandis que l’énigme de la réouverture du dossier du Mystère de la grande pyramide, avec le retour du cheik Abdel Razek, reste au second plan. Chaque planche contient un dessin unique de Juillard.

En 1999, alors que Ted Benoît prend beaucoup de retard sur le prochain album, les éditions Dargaud cherchent une nouvelle équipe. Yves Sente, alors directeur éditorial au Lombard, envoie un scénario anonyme, qui emporte alors l’adhésion. Les éditions Dargaud annoncent qu’André Juillard forme avec Yves Sente une deuxième équipe de reprise de Blake et Mortimer. Sept albums paraissent ainsi en 2000, 2003, 2004, 2008, 2012, 2014, 2016 et 2024. Mais malgré la volonté de reproduire le style de Jacobs, tant d’un point de vue graphique que scénaristique, les nouveaux albums sont souvent décevants. Dans La Machination Voronov, le docteur Voronov, médecin nostalgique de Staline, utilise une bactérie pour servir ses ambitions. Le professeur Mortimer et Francis Blake doivent mettre la main sur la bactérie afin qu’un vaccin soit élaboré à l’ouest… Au début des Sarcophages du 6e continent, en deux albums, alors que l’exposition universelle s’installe à Bruxelles, Blake et Mortimer apprennent qu’un complot mené par des pays tiers-mondistes se prépare. Ceux-ci, d’après leurs sources, posséderaient une nouvelle arme absolue… Puis Le sanctuaire du Gondwana est une sorte de suite, où Blake est aux trois-quarts absent. Le serment des cinq lords est une enquête. Sente met aussi en scène le célèbre Lawrence d’Arabie, et nous donne sa version de sa mort. Ce récit nous permet aussi d’en apprendre un peu plus sur la jeunesse de Blake, et notamment comment il est rentré au MI5. Avec Le Bâton de Plutarque, Yves Sente et André Juillard imaginent une histoire se déroulant avant Le Secret de l’Espadon. Dans Le Testament de William S., Yves Sente imagine simplement l’affrontement entre les tenants de deux théories opposées sur l’œuvre de Shakespeare.

Pour Signé Olrik, le scénariste Yves Sente raconte que le lieu du récit et la référence aux légendes ont été choisis par Juillard : « Je sais qu’André a donné le meilleur de lui-même jusqu’à la fin. Au quotidien, c’était quelqu’un de fin et d’élégant, un peu british, toujours posé, mais avec l’œil qui pétille. Cette nature se reflète dans son trait. C’est lui qui m’avait suggéré l’idée du thème de cet album, en m’envoyant un dessin sur lequel Mortimer expliquait à Blake que les Cornouailles pourraient constituer un excellent décor pour une future aventure… Depuis quelques années, André n’avait plus trop envie d’histoires exotiques. Il préférait se concentrer sur l’Angleterre, véritable terrain de jeu de Blake et Mortimer selon lui. Après Liverpool, Londres, Oxford, voici donc les Cornouailles… » (La tribune de Genève, 31 oct. 2024, site internet : https://www.tdg.ch/bd-allie-a-blake-et-mortimer-olrik-persiste-et-signe). L’intrigue se déroule ainsi à l’extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne, au château de Tintagel, qui reste associé aux légendes arthuriennes. On retrouve ainsi la fascination de Jacobs pour la mythologie, déjà mise en évidence dans Le Mystère de la Grande Pyramide.

Mais Yves Sente a greffé sur cette idée, se déroulant dans les années 1950, deux thèmes de société actuels : l’indépendantisme et l’immigration en Grande Bretagne. Il s’explique ainsi : « j’aborde un enjeu sociétal majeur : l’immigration. C’est un phénomène universel qui renvoie au monde d’aujourd’hui, mais qui a toujours existé. En me documentant, j’ai découvert que l’Angleterre, en pénurie de personnel après avoir perdu beaucoup de jeunes gens morts au combat, avait sollicité une main-d’œuvre venue d’Inde, du Pakistan ou d’Afrique du Sud pour les remplacer dans les mines de Cornouailles. Des tensions avec la population locale se sont produites, à de nombreuses reprises » (La tribune de Genève, 31 oct. 2024, site internet : https://www.tdg.ch/bd-allie-a-blake-et-mortimer-olrik-persiste-et-signe).

L’intrigue mêle ainsi terrorisme indépendantiste, immigration, légende arthurienne, archéologie et chasse au trésor. Mais l’ensemble manque de cohérence et peut irriter lorsqu’il présente les indépendantistes comme des illuminés ou des racistes. Le scenario offre cependant une bonne idée : c’est Olrik qui l’emporte à la fin !

Pour la série Blake et Mortimer, digne représentant de l’école belge, André Juillard montre sa totale maîtrise du code graphique jacobsien. Il respecte les caractères des personnages et les décors un rien rétro. Il évoque ainsi l’évolution de sa technique : « Au début de ma carrière, puis dans « les 7 vies de l’Épervier », la manière traditionnelle de faire des couleurs était de les réaliser sur des bleus. Ce travail s’effectuait sur une impression très claire de la planche encrée. Certes, cette technique permettait l’utilisation de gouache, qui est trop couvrante pour des planches en noir et blanc, mais c’était fatiguant pour les yeux. Je me les suis abimés à force de scruter ces traits trop fins où il ne fallait pas déborder ! J’ai ensuite travaillé en couleurs directes. C’est-à-dire en appliquant la couleur directement sur le dessin original. J’y ai pris beaucoup plus de plaisir. Pour « Blake et Mortimer », je fais des planches en noir et blanc en laissant à Madeleine de Mille le soin de la mise en couleurs. Je lui donne quelques indications d’ambiance mais lui laisse sa part de création. Sur cette série, ce travail m’aurait pris beaucoup de temps et faire les couleurs aurait demandé des délais plus longs. L’éditeur étant pressé, ce n’était pas possible » (Forbes.fr, 13 avril 2023).

André Juillard réussit pour certains albums un flash-back délicat : faire vivre les héros avec 20 ans de moins. Surtout, il donne à ses personnages féminins une touche élégante et distinguée. Dans Le Testament de William S., on découvre ainsi qu’Elisabeth, la fille de Sarah Summertown, est probablement aussi celle du professeur Mortimer. De discrets sous-entendus laissent à penser qu’il serait son père biologique à la suite de la liaison des deux amants dans leur jeunesse.

Pour Signé Olrik, André Juillard avait envoyé 55 planches à son éditeur en septembre 2023, avant que sa maladie n’apparaisse. Voulant absolument terminer cet album dans les délais malgré son cancer, il adressa les sept dernières en avril 2024, alors qu’épuisé, il ne pouvait plus travailler que deux heures par jour. En dépit de son cancer, le trait d’André Juillard est toujours aussi élégant et précis. Il consacre de superbes planches au talent équestre de Mortimer, lors d’une balade sur les sentiers bordant les falaises.

2- La dernière bande dessinée d’André Juillard.

André Juillard naît le 9 juin 1948 à Paris. Mais sa famille paternelle est d’origine auvergnate. Sa mère décède d’un cancer lorsqu’il a trois ans, puis il est élevé par sa grand-mère maternelle, directrice d’une école à Paris. La nouvelle épouse de son père emmenait souvent André au Louvres pour l’ouvrir à l’art et à l’histoire. Son attirance pour le dessin historique est née en classe de sixième, à la lecture des pages consacrées à l’Antiquité de son manuel d’histoire. Quant à son attirance pour le style « ligne claire », elle résulte sans doute de la lecture des albums d’Hergé, Jacobs, Jacques Martin et Bob De Moor. Dès sa jeunesse, il se met ainsi à copier minutieusement les sculptures grecques qui illustraient son manuel d’histoire. Il est également influencé par Prince Valiant d’Harold Foster et Jijé.

Son père étant vétérinaire, André Juillard, après avoir passé son bac en 1967 à Clermont-Ferrand, tente le concours de médecine, à Lyon. Mais il abandonne en raison de la masse de travail. En mai 1968, participant aux commissions qui demandent la réforme des études de médecine, il se souvient que « ça s’invectivait dans tous les sens, les trotskystes, les maos, les communistes, une vraie foire d’empoigne. Ça m’a dégouté, car je venais plein d’espoir dans cette effervescence et la déception était au rendez-vous… Cette expérience m’a éloigné à tout jamais d’une adhésion à un parti quel qu’il soit » (Juillard, Une monographie, p. 14, Mosquito, 1996.

Passionné ainsi par le dessin et l’histoire, il intègre pendant une année un atelier qui prépare aux concours d’entrée aux écoles d’art, puis est admis à l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Amateur de bandes dessinées durant son enfance, il suit à Vincennes en 1972-1973, les cours de dessins de Philippe Druillet, coanimés avec Jean-Claude Mézières et Jean Giraud. Parmi les élèves, il y avait Loisel, Le Tendre, Hé et Rossi. C’est Jean-Claude Mézières qui l’aide à progresser, par la méthode critique, en lui expliquant que le dessin doit être au service du récit, et non l’inverse. Mézières lui présente Jean Giraud et surtout Jijé, qui poursuit sa formation, avec bienveillance, en matière de dessin et de scenario. C’est Jijé qui lui montre tout l’art du dessin au pinceau. Mais il découvre plus tard la plume et ne la quittera plus.

Il participe à un concours de bande dessinée lancé par les Editions chrétiennes Fleurus, et y présente une page sur la légende L’anneau du Nibelungen. Mais c’est Patrick Cothias qui remporte le concours. Mais le rédacteur en chef de Formule 1, la revue qui a remplacé Cœurs vaillants et qui appartient à Fleurus, séduit par le trait de Juillard, le recrute. Il y a alors 7 ou 8 revues pour enfants chez Fleurus (Formule 1, Djin, Perlin et Pinpin, Fripounet..). Il y publie un western, La Longue Piste de Loup Gris, une adaptation de Roméo et Juliette, un court récit sur Bertrand Duguesclin, ou encore Avec Benjamin au temps de Jésus.

En 1976, il entame sa première bande dessinée historique, Bohémond de Saint-Gilles, avec Verrien puis Pierre Marin au scenario. Celle-ci raconte les aventures d’un chevalier limousin du XIIIe siècle. De 1976 à 1980, en collaboration avec Didier Convard, il dessine les douze épisodes des Missions d’Isabelle Fantouri, médecin au service de l’Organisation mondiale de la santé, et l’album Les Cathares. Il dessine également en 1983 deux planches pour la BD 2000 ans d’Histoire de la Bretagne, puis en 1985 un Calendrier du Crédit Agricole sur l’histoire bretonne.

Dès cette époque, il est passionné par le dessin et l’histoire ancienne. Comme il l’affirmait, il préférait dessiner des chevaux plutôt que des automobiles, des forteresses ou des cathédrales plutôt que des immeubles… Mais il reste également passionné par l’illustration de revues, de livres… Ainsi, entre mars 1996 et février 1999, il illustre 80 chroniques de Bruno Frappat intitulées « L’Humeur des jours », pour le quotidien La Croix.

Il obtient le succès avec Les 7 Vies de l’Épervier. Ariane de Troïl, l’héroïne de cette célèbre série, est apparue pour la première fois en 1980, dans des récits complets intitulés Masquerouge, sur des scénarios de Patrick Cothias, publiés dans l’hebdomadaire Pif Gadget, proche du parti communiste. L’habit rouge n’est donc sans doute pas le hasard… C’est Pif Gadget qui voulait un personnage féminin dans une histoire de capes et d’épées. Après l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, la rédaction de Pif Gadget, en lien avec le ministère des transports, dirigé alors par le communiste Charles Fiterman, propose alors à Juillard de réaliser une bande dessinée sur l’histoire des Cheminots. A partir de 1982, dans la revue Circus de Glénat, Cothias et Juillard publient une préquelle des aventures d’Ariane, intitulée Les 7 vies de l’épervier. Les publications en album suivent jusqu’en 1991, avec la sortie du tome 7, La Marque du Condor, lequel se déroule après tous les Masquerouge. Prenant davantage son temps que pour Masquerouge (un rythme de 10 pages par mois !), il améliore son dessin pour Les 7 vies de l’épervier. Grâce à la clarté de son trait et à son réalisme classique, ses planches deviennent superbes. Les lecteurs de l’époque n’ont pas pu oublier l’histoire, laquelle commence le 27 septembre 1601, en Auvergne. Une femme fuit son mari, le baron Yvon de Troïl. Elle donne naissance à une fille, Ariane, mais elle y laisse la vie. Le même jour, à la cour du Roi Henri IV, la Reine donne naissance au Dauphin, le futur Louis XIII. Devenue adolescente, Ariane est fascinée par un mystérieux justicier masqué, appelé Masquerouge. Germain Grandpin, garde du corps d’Henri IV, après être sorti de prison pour ne pas avoir pu empêcher l’assassinat du roi par Ravaillac, rencontre Ariane. Celle-ci part d’Auvergne en compagnie de Germain, devenu son valet. Ariane devient le nouveau Masquerouge, tout en fréquentant la cour du roi. Elle combat ainsi l’injustice et charme Louis XIII. Mais le cardinal de Richelieu, afin d’éliminer Masquerouge, embauche un étrange bretteur manchot et borgne qui se fait appeler le chevalier Condor. Il s’agit en réalité de Gabriel de Troïl, frère d’Yvon, premier Masquerouge et véritable père d’Ariane de Troïl. Ignorant la véritable identité du nouveau Masquerouge, il lui passe son épée au travers du corps. Le scénariste Patrick Cothias maîtrise le rythme de son récit, riche en rebondissements. Il dresse le portrait, sensiblement exagéré, d’un Henry IV paillard, coureur de jupon, mais très attachant. Tandis que le portrait de Marie de Médicis est peu flatteur… Par la suite, il imagine des séries dérivées, sans André Juillard : Les Tentations de Navarre (2 albums), Le Chevalier, la Mort et le Diable (2 albums), Le Fou du Roy, (9 albums), Cœur brûlé (7 albums), Ninon secrète (6 albums) et Le Masque de fer (6 albums). Celles-ci, d’un moindre intérêt scénaristique, à part Cœur brûlé, pouvaient agacer Juillard. Ce n’est qu’avec le retour de Juillard, en 1995, que cette série retrouve son intérêt, les tomes 8 à 13 paraissant jusqu’en 2021. C’est surtout le personnage Ariane de Troïl qui marque les lecteurs. Depuis Les 7 vies de l’Épervier, Juillard a continué de donner le rôle principal à des personnages féminins, notamment dans Le Cahier Bleu et Léna. Mais il avouait avoir du mal à dessiner les femmes d’un certain âge, contrairement aux hommes.

Voulant ne pas apparaître uniquement comme un dessinateur historique, André Juillard se lance en 1993 dans Le Cahier bleu. Le personnage principal est une jeune femme, Louise. Elle a du charme et de l’humour. Un jour, un admirateur lui déclare sa flamme. Mais peu après, Louise rencontre un autre homme, Victor. Elle reçoit de celui-ci, par la poste, un journal intime, un cahier bleu avec des révélations. Cette histoire simple de rencontre et d’amour, qui va tourner au drame, comporte une part d’érotisme dissimulé. On devine qu’André Juillard, qui a réalisé ce scenario, s’est amusé à dessiner Louise en petite tenue dans son logement… Avec ce récit sur les sentiments humains, Juillard obtient en 1995, au festival d’Angoulême, l’Alph-Art du meilleur album français. Un second album parait en 1998 : Après la pluie. Louise assiste au vernissage de Victor, devenu son compagnon. Abel, un inconnu, qui a acheté l’un des clichés de Victor, représentant un couple avec un enfant, souhaite avoir des renseignements sur celui qu’il reconnaît sur la photo comme étant son meilleur ami, Tristan, et sur Clara, dont il était épris…

Juillard a également réalisé d’autres superbes bandes dessinées historiques, avec des récits bâtis par les meilleurs des scénaristes.

Avec Jacques Martin, il réalise Arno, en trois albums. Jacques Martin, l’un des maîtres de la BD historique, créateur d’Alix, entendait créer une série d’aventures historiques autour de Napoléon. Il choisit comme dessinateur André Juillard, lequel est très ému de travailler avec un grand nom de la bande dessinée. On apprécie sa superbe reconstitution de Venise occupée par les troupes françaises. Les scènes d’action sont réussies, comme la poursuite en gondole.

Avec Yann, il réalise deux albums, Mezek et Double 7. Yann abandonne son style caustique pour construire un récit historique audacieux, lequel met en lumière l’utilisation par le jeune Etat d’Israël de pilotes et d’avions de la Luftwaffe. Après Mezek, Yann et Juillard abordent la guerre d’Espagne. Le scénariste Yann dénonce le rôle de la Russie communiste pendant la guerre d’Espagne. Le dessin particulièrement élégant d’André Juillard est, comme d’habitude, très académique. Si ses combats aériens mêlant Messerschmitt Bf 109 et Polikarpov I-16 manquent parfois d’authenticité, la finesse des traits des personnages reste impressionnante.

Avec Pierre Christin, il réalise Léna, en trois albums. Dans le premier album, une jeune femme, Léna, effectue depuis Berlin un long voyage dont les motivations demeurent secrètes pendant les deux tiers de l’album, jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il s’agit d’une mission d’espionnage. Puis, à la demande des services secrets français, elle accepte d’infiltrer un groupe terroriste islamiste qui prépare une nouvelle série d’attentats à Paris. Ce scénario nous fait ainsi découvrir les rouages du terrorisme islamiste. Dans cette série, comme toujours, André Juillard nous fait admirer son style si élégant.

Il faut imaginer André Juillard paisible et heureux de dessiner devant la mer. En 1993, il avait quitté Paris pour s’installer sur les berges du Jaudy, à Tréguier. Puis, en 2018, il déménageait de nouveau, à Port-Blanc, pour bénéficier d’une vue magnifique, de l’atelier au dernier étage de sa maison, face à l’océan.

Malgré la disparition de Juillard, d’autres aventures de Blake et Mortimer sont annoncées par Yves Sente : La Menace atlante (une suite de L’Énigme de l’Atlantide, avec le dessin de Peter Van Dongen), Les Héritiers de l’île de Man (dessin de Teun Berserik) et Le Fantôme de Rowan House (dessin de Peter Van Dongen).

Signé Olrik, 64 pages, 17 euros, Editions Blake et Mortimer.

Kristol Séhec.

Crédit photo : DR

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