Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
Philippe Durant : Ex-journaliste, historien du cinéma, je me consacre au 7ème art depuis une quarantaine d’années avec un penchant plus spécifique pour les cinémas français et américains.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a inspiré à écrire Les petits secrets des grands films français ? Y a-t-il une anecdote en particulier qui a déclenché ce projet ?
Philippe Durant : J’ai toujours été grand amateur d’anecdotes, parce qu’elles sont plus amusantes, et plus significatives que les analyses dans lesquelles se noient certains spécialistes. Dans les conférences que je donne, je glisse souvent des anecdotes, et je constate qu’elles amusent autant qu’elles attirent l’attention. Le projet est né suite à une conversation avec l’éditeur.
Breizh-info.com : Quelle anecdote vous a le plus surpris lors de vos recherches sur ces 100 films mythiques ?
Philippe Durant : Je n’ai pas été vraiment surpris. Disons que la plus amusantes à mes yeux est celle du Corniaud avec ses gangsters napolitains !
Breizh-info.com : Le cinéma français regorge de moments inoubliables et de personnalités marquantes. Quel acteur ou actrice, selon vous, a le plus influencé le tournage de ses films par son comportement sur le plateau ?
Philippe Durant : La forte personnalité d’un acteur influe forcément sur l’ambiance du plateau. Le tournage d’un film avec Belmondo était très différent d’un film avec Delon. Et, justement, Belmondo étant beaucoup plus détendu, et beaucoup plus chahuteur, ses tournages donnent lieu à de nombreuses anecdotes. Celles de Delon sont plus sombres !
Breizh-info.com : L’incident diplomatique provoqué par Emmanuelle en Thaïlande est intéressant. Pouvez-vous nous en dire plus sur les retombées de cet événement ?
Philippe Durant : Le producteur Yves Rousset-Rouard ayant, comme on dit, « le bras long », il n’y a pas eu de conséquences supplémentaires, une fois le tournage « recadré ». Les autorités thaïlandaises ont simplement demandé que les lieux de tournage prévus initialement soient respectés. Il est vrai que certains cinéastes ont tendance à prendre des libertés, oubliant que chaque pays a ses propres règles.
Breizh-info.com : Louis de Funès et Bourvil formaient un duo mythique à l’écran. Pouvez-vous nous en dire plus sur la jalousie de De Funès envers Bourvil pendant le tournage de Le Corniaud ?
Philippe Durant : Il n’y a pas eu à proprement parler de jalousie car De Funès respectait le talent de Bourvil. Seulement Louis regretta que sa verve comique ne soit pas plus souvent utilisée par Gérard Oury, ceci dans l’intérêt du film afin que s’établisse un équilibre entre les deux têtes d’affiche. Quand on voit le résultat à l’écran, c’est-à-dire les scènes ajoutées quasiment à la dernière minute, on ne peut que constater qu’il avait raison. S’il y avait eu jalousie, De Funès et Bourvil n’aurait pas persévéré avec le mythique La Grande Vadrouille. De plus, ils avaient prévu de faire ensemble La Folie des grandeurs.
Breizh-info.com : Votre livre couvre des films datant de La Grande Illusion à Anatomie d’une chute. Qu’est-ce qui vous a poussé à inclure des films aussi récents ?
Philippe Durant : Parce que je tenais à couvrir un large panel du cinéma français et, donc, ne pas me contenter des « classiques ». C’est pour moi la preuve que chaque film recèle ses propres anecdotes. Encore faut-il qu’elles soient amusantes ou, tout au moins, originales. C’est là que s’effectue le tri.
Breizh-info.com : Quel tournage a été le plus mouvementé selon vous, en termes d’accidents ou de conflits entre acteurs ?
Philippe Durant : Les conflits parsèment toute l’histoire du cinéma français. De Gabin ou Delon qui menacèrent plus d’une fois de quitter un tournage jusqu’à Yves Montant qui fit, parfois, preuve de mauvaise foi. A mes yeux, le plus « spectaculaire » fut celui qui opposa Louis Jouvet à Michel Simon sur le tournage de Drôle de drame. Deux très fortes personnalités, deux grands talents face à face. A couteaux tirés car ils se détestaient l’un l’autre. Mais, en grands professionnels, ils durent mettre de l’eau dans leur vin (sans jeu de mots !) et admettre que le film passe avant tout…
Breizh-info.com : Pensez-vous que le cinéma français actuel pourrait encore générer autant d’anecdotes marquantes que par le passé ? Comment percevez-vous l’évolution des tournages et de la manière dont les films sont réalisés, comparée à l’époque des classiques que vous décrivez ?
Philippe Durant : Oui, je suis convaincu que chaque tournage continue d’avoir son lot d’anecdotes. Elles sont peut-être moins nombreuses car la technique a pris une importance considérable. Mais les incidents, les gaffes, les erreurs en tous genres doivent se poursuivre car, d’une certaine manière, elles donnent de la vie au film. Mon regret, depuis longtemps, est qu’acteurs et réalisateurs n’osent pas dévoiler ces anecdotes lors de la sortie de leurs films, craignant de le dévaloriser. Il faut souvent attendre quelques années pour qu’enfin ils osent se « lâcher ». Ils ont tort. L’erreur est humaine !
Breizh-info.com : Si vous deviez choisir un seul film de votre livre pour incarner l’essence même du cinéma français et ses petites histoires, lequel serait-ce et pourquoi ?
Philippe Durant : Pour moi, Le Professionnel l’emporte haut la main. Voilà un film qui était presque condamné à être une erreur industrielle, pour ne pas dire un navet. Grâce à l’entêtement des producteurs, tout autant qu’à celui de Jean-Paul Belmondo, le film s’est construit jusque dans les moindres détails, y compris sa musique. Et le résultat a donné l’un des films les plus célèbres de la carrière de Belmondo ! Pour avoir vécu sa sortie, je me souviens très bien que de nombreux spectateurs sont allés le revoir deux ou trois fois, si ce n’est plus.
Propos recueillis par YV.
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