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« Lance tintante » : un instrument de musique celtique inconnu retrouvé dans une tombe gauloise

A quoi ressemblait la plus ancienne musique celtique ? Une partie de la réponse se trouve dans une tombe gauloise datant environ de -280 av JC, mise à jour en banlieue parisienne sur le chantier de l’hôpital Avicenne, à Bobigny (93).

Fouillée en 2003 par l’archéologue Yves Le Béchennec, cette tombe continue 20 ans plus tard d’intriguer les spécialistes. Les recherches pluridisciplinaires ont été relancées récemment et se poursuivent avec Julian Cuvilliez, un Morlaisien atypique, spécialiste de l’archéologie musicale expérimentale.

Lance tintante et bouclier-tambourin dans la tombe du « barde de Bobigny »

La tombe contenait les restes d’un homme d’une soixantaine d’années, allongé pour l’éternité sur un lit d’herbes et entouré d’objets métalliques familiers évoquant à la fois la guerre et la musique.

Le défunt possédait ainsi deux pendentifs de bronze, reproductions miniatures d’environ 5 cm respectivement d’une hache et d’un sistre, un instrument de musique à percussion en métal.

Sur le flanc gauche, un autre objet, cette fois-ci à taille réelle : une pointe de fer de 34,5 cm, réalisée selon une technique de soudure très élaborée et qui s’emmanchait sur une hampe en bois, comme une lance. Mais cette « lance » ne pouvait avoir d’utilisation militaire classique : la pointe est en effet évidée et contient trois plaquettes de métal mobiles autour d’un axe central.

Ce dispositif insolite a d’abord été compris par les archéologues comme un type de lance incendiaire, comme on en trouvait dans les légions romaines. Cette hypothèse a été ensuite écartée, la pointe étant de toute évidence non fonctionnelle.

Aujourd’hui, l’interprétation consensuelle, mise en avant par Yves Le Béchennec, est celle d’une « lance sonore » , « lance tintante » ou encore « lance musicale » : les plaquettes auraient servi à produire des sons, en agitant le manche ou en le cognant contre le sol.

Ce modèle gaulois a d’ailleurs des correspondants chez les anciens Scythes (Ukraine) et plus tardivement chez les Ossètes : ce peuple indo-européen du Caucase délimitait un espace sacré en y plantant des « lances », surmontées d’une extrémité métallique creuse : le vent y produisait des sons.

Un Morlaisien à la pointe de l’archéologie musicale expérimentale

Pour accréditer cette hypothèse musicale , des essais de restitution ont été concrétisés par Julian Cuvilliez, qui a pu présenter en 2020 un concerto carnyx-lance tintante, au festival archéologique d’Amiens.

D’origine normande, ce chercheur de 39 ans présente un CV hors-norme, avec un profil « poly-technicien », au sens propre du terme : président du Pôle de recherche en archéologie expérimentale (PRIAE), il est déjà intervenu avec succès sur la statue du barde de Paule (29). Également artisan luthier, il dirige à ses heures Antika Arkana, un orchestre qui restitue l’ancienne musique celtique (voir son duo avec la chanteuse israélienne Adaya Peled). Partageant ses passions avec son épouse Audrey Lecorgne, luthière à Morlaix, il a composé en breton, pour la naissance de leur premier fils, une berceuse bien tournée dans le style des bardes de l’âge de fer !

Les recherches autour du Gaulois de Bobigny se concentrent dorénavant sur un dernier objet métallique de la tombe : déposé à côté de sa tête, un cercle en fer d’une vingtaine de centimètre de diamètre. Il évoquerait un bouclier (?) et aurait servi en même temps de cadre à un tambourin.

En attendant les résultats de reconstitution, attendus pour 2025, la lance tintante et le bouclier-tambourin de Bobigny viennent compléter la panoplie des instruments celtes déjà attestés : la lyre, instrument à corde inséparable du barde Assurancetourix, ou encore le carnyx, instrument à vent métallique dont la trompe monstrueuse produisait des sons effrayants. L’ancienne musique celtique n’adoucissait pas forcément les moeurs et son usage comme arme psychologique dans les batailles est mentionnée par les auteurs romains.

Toutefois, selon Julian Cuvilliez, interrogé par le Figaro (22/10/2024), la musique des bardes remplissait aussi une fonction plus apaisante, comme les cloches de nos églises, legs des missionnaires irlandais du Moyen Age : «  Depuis l’Antiquité, le fer et le bronze observent souvent une fonction apotropaïque, c’est-à-dire propre à repousser le mal. Ainsi de nombreux dispositifs sonores tels que les cloches, les tintinnabula ou encore les sistres sont employés pour attirer la chance ou le regard des dieux. Les instruments de musique sont des objets de guérison, d’exorcisme, d’appel à la communion, comme dans le monde chrétien. »

L’instrument-roi en temps de paix restait la lyre, pour accompagner les paroles d’un récitant et accomplir les trois missions traditionnelles de la musique celtique : « faire rire, dormir et pleurer ».

Enora

Photo  d’illustration : DR
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