Martin Lichtmesz, né en 1966 à Vienne, est un écrivain chrétien-conservateur autrichien. Il a vécu plusieurs années à Berlin-Kreuzberg avant de se réinstaller en 2014 à Vienne. Brillant écrivain et penseur, il écrit pour Junge Freiheit, Freilich, Compact-Magazin et Sezession. Auteur de nombreux livres, dont « Ethnopluralismus » et « Bevölkerungsaustausch und Great Reset », co-écrit avec Martin Sellner. Il est également le traducteur du livre de Raspail « Le camp des saints ». Voici son analyse pour sur la victoire de Donald Trump.
Il est de retour : Notes sur le retour de Trump
Donald Trump a effectivement réussi son retour comme président des États-Unis, et de manière bien plus éclatante que je n’aurais pu l’imaginer. Il a balayé sa concurrente et son parti comme un véritable ouragan, les effaçant de la scène politique.
La victoire est encore plus marquée qu’en 2016 : cette fois, Trump a obtenu non seulement la majorité des voix des grands électeurs (le “college électoral”), mais également la majorité absolue des voix populaires. Les Républicains n’avaient pas réalisé un tel exploit depuis Bush II en 2004, et avant cela, Bush I en 1988. Ils détiennent désormais la majorité tant au Sénat qu’à la Chambre des représentants. En outre, Trump a probablement remporté la victoire dans les sept États pivot.
J’avais espéré un tel succès, sans toutefois oser vraiment y croire, et je m’en réjouis d’autant plus maintenant qu’il est arrivé. Suivant le phénomène Trump depuis 2016, je suis loin d’être un “fan” aveugle, et ce indépendamment du fait que les intérêts géopolitiques et économiques américains ne sont pas les nôtres.
Le premier mandat de Trump a été chaotique, décevant et inefficace. Son cabinet a souffert de nominations mal choisies, issues principalement du cercle néoconservateur, et de l’influence de personnages comme Jared Kushner, son gendre, qui est sorti vainqueur de la lutte de pouvoir interne contre Steve Bannon.
Trump a certes affirmé dans une interview avec Joe Rogan qu’il avait appris de ses erreurs passées, mais le Léviathan américain, ce “marécage” qu’il promettait déjà d’assécher en 2016, est si puissant que sa marge de manœuvre sera, cette fois encore, limitée de façon réaliste.
Trump a promis d’initier dès le premier jour de sa présidence des “expulsions massives” d’immigrants illégaux, de mettre fin à toutes les aides publiques pour les traitements transgenres chez les enfants et les adolescents (ici), et de “purger de manière très agressive” et “une fois pour toutes” l’appareil d’État de Washington, ainsi que les services de sécurité et de renseignement, de la corruption et des fonctionnaires de gauche (ici). À cela s’ajoutent des espoirs qu’il puisse mettre fin, ou du moins désamorcer, le conflit russo-ukrainien.
C’est bien beau, si tout cela devait réussir, mais compte tenu de son premier mandat et de son penchant pour les promesses grandioses, je préfère ne pas trop m’attendre à des miracles.
Sera-t-il, au moins, une sorte de “katechon,” offrant quelques années de sursis à cet Amérique blanche et traditionnelle en déclin démographique ? Kamala aurait-elle été meilleure dans une perspective “accélérationniste” ? Je l’ignore totalement.
Pourquoi malgré tout cette réjouissance ?
En premier lieu, il y a une satisfaction brute après des mois de torture médiatique. Un soulagement à l’idée d’avoir échappé à un “Kamala-Yuga” et à l’enthousiasme triomphal de la presse, qui a présenté Harris comme la sauveuse du monde et “de la démocratie” en la glorifiant, et qui se retrouve maintenant complètement stupéfaite que ses vœux, déconnectés de la réalité, ne se soient pas réalisés.
Le degré de partialité flagrante, d’absurdités et de mensonges éhontés que l’on a pu lire dans les médias ces derniers mois a une fois de plus défié toute description. Je me réjouis de voir les responsables de cette désinformation humiliés et défaits, même si le choc n’est pas aussi profond que lors de la glorieuse année 2016, qui remonte déjà à près de dix ans. Cette fois, les “larmes libérales” (ndlr : libéral chez les anglo-saxons est un synonyme de gauche) et les crises hystériques restent dans des limites raisonnables et semblent surtout se résumer à des démonstrations théâtrales sur TikTok, etc.
Alors que les propos et actions de Trump étaient rapportés de manière déformée, altérée et idéologiquement biaisée, selon le schéma déjà bien établi durant son précédent mandat, pas un mot critique n’a été entendu au sujet de Kamala Harris, bien qu’il y ait eu amplement matière à le faire. Si l’on s’en tient à la presse locale, sa seule qualification semblait résider dans son double statut de femme et de “personne de couleur”.
La dame d’origine indienne, au teint délicatement beige, a été, de manière absurde, présentée comme une “femme noire”, ce qui n’est permis que dans la mesure où son père est un Afro-mulâtre originaire de Jamaïque, un héritage qui, cependant, se reflète à peine dans son apparence.
La maladresse embarrassante et l’incohérence de ses interventions frôlaient les zones « à la Baerbock ». Ses phrases alambiquées sont tristement célèbres (“What can be, unburdened by what has been”) ainsi que son rire strident et quasi sadique (Jim Goad l’a qualifiée de “Méduse caquetante”). À côté de cette marionnette creuse, chez qui rien, absolument rien, ne semble authentique, Hillary Clinton donne presque l’impression d’être, disons, une Eleanor Roosevelt.
Trump est certes un showman et un personnage narcissique, mais d’une manière souvent cohérente, parfois même quasi géniale. Sa visite dans un McDonald’s en distribuant des frites est l’un des coups de propagande les plus surprenants que j’aie jamais vus, et personne d’autre n’aurait pu exécuter ce numéro avec une telle crédibilité et une telle sympathie.
C’est un comédien et un animateur-né, ce qui résonne particulièrement bien dans la “société du spectacle” américaine. Il se met en scène comme un personnage captivant dans un grand drame, un combattant pour le peuple, qui endosse avec bravoure les persécutions et les insultes du “système” tout en tenant bon.
Il sait créer des images, des scènes, des moments, des slogans percutants. C’est pourquoi il est si facile à transformer en mème, ce qui n’est absolument pas le cas de Kamala et l’est pour Biden seulement dans un sens négatif (le Biden à demi-dément est une figure comique, facile à tourner en dérision).
Sur le plan dramaturgique, le fait d’avoir perdu l’élection de 2020 (ou, selon certains, d’en avoir été privé par fraude) a même renforcé son arc narratif, rendant son retour encore plus éclatant et captivant.
C’est comme dans Star Wars. 2016 : “Un Nouvel Espoir.” 2020 : “L’Empire Contre-Attaque.” 2024 : “Le Retour du Jedi.”
Sa nature de “rebondissant”, son incapacité à se laisser freiner par quoi que ce soit, son aptitude à résister à toutes sortes d’attaques – des perquisitions, des arrestations, des condamnations et même des tentatives de meurtre – en tirant profit de chaque résistance et chaque revers, est surprenante et captivante. L’attentat auquel il a échappé de peu n’a certes pas fait de lui un héros ou une meilleure personne, et encore moins prouvé une quelconque élection divine. Mais la présence d’esprit avec laquelle il a réagi (“Fight! Fight! Fight!”) et le coup de chance qui lui a permis d’en tirer une photo iconique… cela, personne ne peut l’égaler. C’est vraiment l’apanage de Trump.
En ce qui me concerne, Trump est une figure fascinante et hors du commun, ne serait-ce que comme “phénomène.” Il m’est arrivé de le détester franchement pour son opportunisme, son culte de la personnalité et la façon méprisable dont il a abandonné certains de ses partisans, ceux qui s’étaient laissés entraîner dans le piège de l’“assaut du Capitole” le 6 janvier 2021. Je n’aurais jamais pensé qu’il parviendrait à se relever de manière significative, et encore moins qu’il aurait une chance de redevenir président.
Mais le voilà de retour. Il a tenu ses promesses, il est à nouveau présent. Même si l’enthousiasme et l’esprit de renouveau de 2016 se sont évanouis, même si nous avons tous perdu bon nombre d’illusions, même si Trump, approchant les quatre-vingts ans, est malgré toute sa vitalité devenu plus las et ressemble parfois à une parodie de lui-même.
Est-ce que tout cela nous concerne ? De toute évidence, oui. Les États-Unis demeurent l’hégémonie du monde occidental, et ce qui s’y passe a toujours un impact sur nous.
L’Allemagne et toutes les autres nations d’Europe de l’Ouest, bien qu’à des degrés divers de souveraineté, restent encore des provinces, des vassaux ou, au moins, des zones d’influence de cet empire. C’est pour cette raison que la presse européenne suit fébrilement chaque campagne électorale aux États-Unis, comme si l’on y élisait l’empereur du monde occidental.
Cela ne se limite pas à la géopolitique, mais touche surtout à la culture et à la “société”. Cet empire n’est pas seulement “extérieur” ; il est aussi “intérieur”, présent dans nos esprits, notre mode de vie, la pop culture, le bruit de fond constant des médias de masse qui nous enveloppe tous, dans les “guerres culturelles” et les programmes idéologiques qu’ils véhiculent. En ce sens, “l’Amérique” est partout, que nous le voulions ou non.
Par ailleurs, les nations occidentales partagent désormais des problèmes très similaires, qu’on ne peut pas réduire à des importations américaines, mais qui naissent d’une pathologie commune à l’Occident tout entier.
Par cela, j’entends principalement :
- Le problème de l’immigration massive, légale et illégale, avec ses conséquences démographiques, politiques, culturelles et même génétiques.
- Le problème de la liberté d’expression de plus en plus restreinte, avec ses interdits de pensée, la “cancel culture,” etc.
- Le problème du pouvoir médiatique, combiné à une auto-conformité généralisée des médias eux-mêmes.
- Le problème de la domination des valeurs, normes morales et langages associés à la gauche, voire aux courants “woke” (incluant l’antiracisme, la “diversité”, le féminisme, le “changement climatique,” etc.).
- Le problème de la répression des dissidents de droite ou assimilés à droite, allant du “de-platforming” et de la stigmatisation publique à des poursuites judiciaires.
Harris, à la différence d’Hillary Clinton, n’est rien de plus qu’un “diversity hire” sans réalisations notables, misant dans cette campagne sur la carte “woke”; Trump, en revanche, a opté pour un programme opposé, que l’on pourrait qualifier de patriotisme libéral, capitaliste, orienté vers la famille, “normatif en matière de genre” et “daltonien” (mais en même temps “implicitement blanc”), incluant une demande explicite de “déportations massives” d’immigrants illégaux. Une victoire électorale éclatante pour un programme promettant ouvertement la “remigration” devrait être d’un grand intérêt pour nous.
De même, c’est une nouvelle victoire contre les médias de masse établis, les investisseurs de campagne, les fabricants de narratifs et les célébrités hollywoodiennes. Un autre point central du programme de Trump est la liberté d’expression, c’est-à-dire la possibilité de diffuser et de défendre librement sa propre opinion. Trump est clairement le candidat de la liberté d’expression élargie, bien que la propagande du camp Harris ait eu l’audace de prétendre exactement le contraire.
C’est ici qu’intervient le grand “plot twist” depuis 2020. Car bien sûr, ce n’est pas seulement “le peuple” (ou plus précisément, une légère majorité) qui a décidé de cette élection, mais aussi d’importants moyens financiers, un pouvoir médiatique colossal et probablement de nombreux autres facteurs cachés en coulisses.
Début 2021, Trump est banni de Twitter après l’“assaut du Capitole”; en 2024, il reçoit le soutien ouvert et personnel d’Elon Musk (259 milliards de dollars de fortune, 7 000 satellites dans l’espace), qui a racheté, rebaptisé et “libéralisé” la plateforme de manière à redonner une liberté exceptionnelle à un spectre de droite autrefois sévèrement censuré, tout en laissant intact le spectre des opinions de gauche. Musk se présente comme un idéaliste ultra-libéral, affirmant vouloir non seulement élargir la “fenêtre d’Overton”, mais la faire disparaître.
Certes, on peut toujours trouver des “poils dans la soupe” si l’on en cherche, mais jusqu’à présent, je n’ai entendu aucun argument expliquant pourquoi cette situation serait, politiquement et métapolitiquement, bien pire que celle qui régnait sous la direction de Jack Dorsey.
D’une part, c’est un modèle commercial lucratif (les contenus de droite, lorsqu’ils ne sont pas censurés, génèrent énormément de clics), d’autre part, Musk semble être un véritable convaincu, d’autant plus qu’il a “perdu” un fils à cause de l’idéologie du genre. Il a juré de “détruire le virus mental woke”, dans lequel il inclut aussi l’engouement médiatique autour de termes militants comme “racisme”, “homophobie”, “sexisme”, “islamophobie” et “antisémitisme”.
Musk est devenu la figure de proue d’une “contre-élite” montante, non alignée à gauche, dont les productions médiatiques sont parfois de haute qualité et attirent un vaste public, en particulier parmi les jeunes hommes. Le film satirique Am I Racist? de Matt Walsh, qui tourne en dérision les “antiracistes” professionnels à l’idéologie anti-blanche, est devenu un succès retentissant. Quant à l’interview de trois heures de Joe Rogan avec Trump, elle a déjà atteint 47 millions de vues sur YouTube.
La star conservatrice Tucker Carlson, plus influent que jamais depuis qu’il s’est affranchi de la tutelle de Fox News, secoue sans relâche la “fenêtre d’Overton” — d’une manière à la fois divertissante et intellectuellement stimulante. Carlson a notamment abordé le sujet du “grand remplacement”, confronté l’organisation de surveillance juive ADL en critiquant sa prétendue double morale sur l’immigration, et donné la parole à un historien remettant en question certains aspects clés du récit établi sur la Seconde Guerre mondiale.
Musk a également évoqué à plusieurs reprises (sans toutefois le nommer ainsi) le problème du “vote ethnique” découlant de l’immigration massive non contrôlée — visible dans le fait que les Démocrates se contentent d’“importer de nouveaux électeurs” jusqu’à ce que le parti adverse ne puisse plus obtenir de majorité pour des raisons purement démographiques. Cette pratique est courante dans d’autres pays également.
Un coup tactiquement brillant a également été le recrutement de J.D. Vance comme vice-président : un auteur de best-sellers, encore relativement jeune, extrêmement intelligent et d’une éloquence redoutable (voir aussi Kubitschek le 21 juillet). Il y a encore quelques années, Vance avait pourtant comparé Trump à “Hitler”.
Cette année encore, les comparaisons avec “Hitler” et les “nazis” ont été légion, mais elles se sont révélées ridiculement inefficaces, ne faisant que nourrir la bulle des hystériques convaincus que Trump veut et va leur retirer leurs “droits”. Cette usure de la “nazification” par un usage excessif et absurde est en soi un point positif.
Il y a cependant un problème qui mériterait un article à part entière : le “Trump Train”, mieux structuré qualitativement que jamais, est solidement ancré dans la poche du sionisme de droite.
Si Israël, sous Netanyahou, continue d’escalader les tensions au Moyen-Orient, de poursuivre son génocide et de bénéficier du soutien inconditionnel promis par Trump — jusqu’à une guerre contre l’Iran — les conséquences pourraient être si désastreuses que tout aspect positif d’une administration Trump pourrait en être réduit à néant.
Martin Lichtmesz
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “USA. Il est revenu : Notes sur le retour de Donald Trump”
Il n’y a pas « à dire » : C’est un bon, un excellent article, un peu long peut-être pour un « Info-sans-filtre » comme l’est Breizh-Info. Mais tout est dit ou presque, sinon que « l’ère-Trup » ne s’étale que sur les quatre prochaines années… C’est peu ! D’autant plus si entre-temps, aucun attentat ne perturbe son déroulement. Croisons les doigts, et surtout merci de réaliser ce à quoi nos Amis Americains ont échappé, si « Kamala à Risques » avait été élue en lieu et place de Trump !!! …